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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 29 décembre 2 29 /12 /Déc 17:02
Nuit d'enfer 2Hier, à mon retour de la plage, il n'y avait personne à la maison.
Normal. Je savais que ce soir-là, je serais seule.
Laura était partie deux semaines plus tôt, Ethan au matin pour une stupide
corvée trimestrielle : passer une frontière du pays et y revenir aussi sec, histoire d'avoir un tampon sur son visa.

Raphaël, un ami français, me proposa de boire un verre.
Je rigolai avec lui de cette maison soudain toute vide puis, le soir venu, hésitai pour finalement ne pas le rappeler.
Cette soirée en solo était l'occasion de conduire mes petites affaires, de traînasser, de papoter avec Ether, ma coup's à l'autre bout du monde.

On a bien ri de la différence de température, elle au froid et moi au chaud, "pégueuse" comme j'aime à dire, lui brandissant la prise d'un ventilateur qui, vu sa forme hasardeuse, ne pouvait se brancher nulle part.
- J'arrive pas à croire qu'on est à la période des fêtes, m'étonnai-je, et pourtant... Les restaurants ont sorti les sapins artificiels, les guirlandes, les boules, les gens se promènent en maillot avec des bonnets de père Noël, y a des banderoles Merry Xmas partout... Mais non, impossible. Fait trop beau, trop chaud, trop moite !

Nous raccrochâmes. La musique se remit automatiquement en route.
Mano Solo à plein volume.
"Quand tu me diras que tu me sens plus,
Que je sens trop fort, que je pue la mort..."

Mouaich. Plutôt sinistre.
Je zappai sur du jazz léger, des envolées de piano, des frémissements de saxo. Me servis un autre verre. M'aventurai dans la cuisine pour déballer mes maigres provisions.
23h00, trop tard pour me faire livrer un bon petit plat.
Lorsque je revins vers l'ordinateur, un truc s'était infiltré dans l'air. Un truc qui y couvait depuis longtemps, je crois.
Un morceau de poulet trop gras à la main, je me sentais soudain tendue. Le trop grand calme de la maison, peut-être. Ou la certitude d'être exposée, comme à nue, sur cette terrasse baignée d'une flaque de lumière par une nuit trop sombre.
Je poussai le volume de la musique.

Le malaise ne passait pas, le temps qu'à peine. D'habitude vautrée sur mon coussin, voilà que j'y étais crispée comme au garde-à-vous devant un danger imminent.
Dans mon dos j'entendais de drôles de bruits. Des frôlements, des raclements, des bruissements entre les feuilles.
La terrasse, en surplomb d'une route, est séparée d'elle par une mine couche de végétation. Je m'imaginais des présences hostiles rampant entre les herbes, montant à l'assaut de la balustrade, me saisissant par derrière, un bras en travers de ma gorge, une main scellée sur ma bouche.
Le cri d'un gecko me fit sursauter.
- Triple crétine, ce n'est qu'un lézard !!! pensai-je.
Et je pensai aussi à ces peurs enracinées de l'enfance, à mon imagination trop fertile m'emprisonnant dans les rets de la frayeur, me ligotant à mes angoisses et débouchant sur des scènes parfois cocasses.

Nuit d'enfer
Par exemple lorsque je lus Les Racines du Mal de Maurice Dantec dans une maison isolée de Touraine. Elle appartenait à mon chéri de l'époque, comme le marteau que je montai dans notre chambre sous ses yeux ahuris.
- Tu veux dormir... avec cet outil ?
- Tout à fait répondis-je. Mais avant, tu m'aides à fermer la trappe qui mène à l'étage du dessous. Et on met la commode dessus.
Il me dévisagea comme si je m'étais enfuie de l'asile.
- Mais pourquoi ???
- Parce que.

Parce que je crevais de trouille après avoir lu ce bouquin. Parce que la maison, située en pleine forêt, n'avait aucun voisin hormis un vieillard fou qui rôdait flanqué de son chien et de sa carabine.
- Je t'en supplie... Fais-le pour moi. Pour que je puisse dormir.

Nus comme des vers, nous verrouillâmes à minuit la trappe, la bloquèrent grâce à la commode puis à une étagère.
Je me couchai enfin, farouche, une veilleuse allumée et le marteau reposant
contre mon flanc.
- Tu vas me buter pendant la nuit, oui ! râla-t-il.
- Seulement si tu bouges. Si tu ronfles, t'as un joker.

Hier, j'avais quand même une bonne décennie de plus, donc autant de maturité supposée. D'un autre côté, j'en ai bien peur, une tête toujours aussi prompte à s'enflammer, surtout par cette chaleur.
Faut dire aussi que des événements récents sur l'île m'avaient un brin perturbée.
Face à notre maison jadis si tranquille, protégée du monde par un coin de jungle, se dresse maintenant un chantier.
Du matin au soir des ouvriers s'y démènent, glissant volontiers un regard à travers les arbres qu'ils ont ravagés. Droit sur notre terrasse, notre vie quotidienne, nos objets de luxe à leurs yeux, mes jambes que j'escamote désormais sous un pantalon ample, redoutant de tomber fesses à œil avec un observateur blotti sur le ciment tout neuf.
Sûrement qu'ils s'en fichent, les ouvriers.
Pas moi, après les histoires sordides que j'ai entendues, bien qu'elles tiennent moins à un ici qu'à la nature humaine : petits larcins, cambriolages en règle en cours de travaux, exactions poussées jusqu'au viol d'une touriste à la fin d'un chantier.

Le soir de Noël fut lui-même entaché de violence. Après un barbecue tout à fait pacifique sur une maison dominant la colline, je zonais sur notre terrasse. Les éclats d'une dispute sur la route me montèrent bientôt aux oreilles.
Un homme et une femme lui répondant pied à pied en écho, stridulant dans les aigus, lâchant aux quatre vents sa hargne, hurlant son indignation pour couvrir sa voix à lui, aussi pressée mais plus basse, plus profonde, comme la lame d'un fleuve se brisant en bourdonnements sur un barrage.
Leurs cris étaient si forts, si pressés, que j'eus d'abord du mal à distinguer la langue.
- Rien d'anormal, pensai-je. Juste une altercation entre un couple d'étrangers ivres.
Bien que brumeux, mon esprit continuait à compiler les données.
Étaient-ils Anglais ? Non. Trop de modulations dans cette langue-là.
Thaïs ? Peut-être, mais à mesure des mots j'inclinais vers le birman, sans aucune certitude.
C'est alors que j'entendis le claquement sec d'une gifle suivi d'une plainte misérable.
Je bondis pour réveiller Ethan.
- Aide-moi ! Il est en train de la frapper !
Ethan se leva encore confit de sommeil. Écouta la nuit traversée de chocs sourds et de cris éteints alors que j'arrachai
ma nuisette pour la troquer contre un pantalon et un tee-shirt informes. Surtout ne pas ressembler à une femme, mais à un être asexué à défaut d'être homme.
- J'y vais, conclut-il, chevauchant sa moto
en titubant.
Je l'arrêtai.
- Je viens avec toi.

Les phares éclairaient une route de bosses et de cahots.
Nous les trouvâmes bientôt, elle assise au milieu du chemin, muette, une main pressée contre sa joue. L'encerclant, non pas un homme mais deux.
Thaïs ou birmans, impossible de le deviner, quoique cette différence ait ici toute son importance.
Thaïs, ils étaient dans leur pays et nous, étrangers, n'avions au final rien à dire.
Birmans, ils appartenaient à une sous-classe contre laquelle, étrangers, nous pouvions nous dresser.
Mais toujours, entre les lignes, ce concept si important en Asie, auquel personne ne doit déroger sous peine de représailles : ne pas perdre la face et ne jamais la faire perdre à l'autre, aussi coupable qu'il soit.

Fourbissant mon rôle, je sautai de la moto pour jouer les touristes affolées, passant là par hasard pour
me précipiter vers elle qui ne me regardait pas.
- Miss, are you OK ? Can I help you ?
Le désir de l'aider, joint à ma récente formation de secouriste, me remontait dans la gorge, parlant à travers ma peur et ma colère de voir une femme à terre, pitoyable, malmenée par deux hommes.
Mes mains qui se tendaient vers elle brûlaient de se serrer en poings pour la venger sous une grêle de coups, d'autant plus furieuse que l'un des deux hommes - probablement celui qui l'avait frappée - me regardait par en dessous, contrit, navré, geignard, joignant les mains en une prière pour me jurer :
- It's OK... OK.. Sorry, sorry, M'âââm.
"Désolé... Really ?" avais-je envie de brailler en le renversant dans le fossé pour mieux lui cogner sa tronche d'hypocrite.
Mais je ne pouvais pas. Non, je ne pouvais pas, car je n'étais pas ici chez moi.

Dans notre scénario improvisé, Ethan me lança une phrase qu'aussitôt je répétai :
- Miss... Can we give a lift somewhere ?
Notre proposition s'échoua contre le deuxième homme. Saisissant la femme sous les aisselles, il la traîna le long du chemin.
Elle n'eut ni réaction, ni protestation.
Nous les suivîmes à petite vitesse, prêts à intervenir, les éclairant de la lueur de nos phares pour les perdre à la faveur d'un carrefour.
Le trio s'était volatilisé dans l'air. Nous restâmes longtemps coincés sur ce bord de chemin avant de regagner notre maison.
Nous avions essayé, nous avions échoué.
Le sommeil fut dur à trouver cette nuit-là.
Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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