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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 17 avril 2 17 /04 /Avr 16:51

Le début ici.


Trampling a domicile 3bisMatt souriait encore lorsqu'à la fin du cours, il dit :

- Il faudrait que quelqu'un me marche dessus. Pour débloquer mon dos, c'est hélas la seule solution.

- Mmmh... quelqu'un...

Je feignis de réfléchir pour suggérer avec malice :

- Une femme, par exemple ?

- Ce serait mieux, en effet.

- Avec ou sans talons aiguille ?

Matt parut interloqué.

- Pardon ?

- Avec... ou sans... talons... aiguilles ? répétai-je lentement. Ce n'est pas pareil. Enfin, le but est différent. Mais j'aime bien les deux.

- Mais ça doit faire mal ! s'exclama-t-il.

- Oui. Mais la douleur, c'est aussi le jeu.

Matt dut croire que je plaisantais. Mi incrédule mi intrigué, il partit d'un bref éclat de rire qui n'engageait à rien, et surtout pas à se faire piétiner.

Puis, comme une ultime fin de non-recevoir, il enfila son tee-shirt.

 

Je me tenais derrière Matt dans ma cuisine. Proche de lui jusqu'à presque le toucher, presque jusqu'à épouser, frémissante, la virgule de son dos. Entre ses doigts charpentés, un paquet de spaghettis qu'il versait dans l'eau bouillante.

Il avait très faim. Moi aussi, mais d'autres nourritures.

J'avais pourtant résolu de ne rien brusquer. De museler la bête qui en moi rugissait. De la plier, même, à se contenter d'un dénouement platonique. Le plus important était le partage de ces moments de tropiques, jazz en sourdine et cigales crissant sur la pelouse, obscurité moite rafraîchie des pales du ventilateur.

Pas une idée fixe qui, tout autour du sexe enroulée, gauchirait et gâcherait la soirée. Quelle qu'en soit l'issue, je décidai qu'elle serait belle. Et me promis d'en savourer chaque instant au lieu de me jeter sur le plat de résistance.

Plat qui résistait d'ailleurs avec mollesse, m'effleurant dès qu'il le pouvait les flancs, posant sa main sur mon épaule d'un mouvement naturel.

Si naturel que j'en conçus un doute : ce grand garçon comptait-il vraiment coucher avec moi ?


Je repensai à Yaelle qui, chez Matt, ne sentait pas grand-chose.

Peut-être était-ce l'explication : des ondes trop faibles pour qu'elles m'atteignent, trop ambiguës pour me permettre de trancher.

Peut-être ignorait-il lui-même ce qu'il désirait.

Peut-être, timide, me laissait-le le soin d'ouvrir les hostilités. Chaussée de talons aiguille s'il m'en prenait la fantaisie.

Je repensai à un film, comédie de fin de nuit blanche dont j'avais oublié le titre.

Une femme y affirmait à une amie :

- Enfin, à nos âges, une invitation après 19h00, this is a date !

Sceptique, l'amie posait la question à un homme. Et lui de répondre :

- Évidemment ! Après 19h00, à nos âges, une invitation is bound to be a date !


Trampling a domicile 4Un rendez-vous amoureux, d'accord... Mais les signes restaient obstinément confus.

En témoignaient nos chaises rapprochées sur la terrasse en un intime tête-à-tête, comme la soudaine distance que Matt prit en secouant le fond du paquet de pâtes au-dessus de la casserole.

Une nuée d'insectes noirs, morts depuis longtemps dans la Sibérie du frigo, se noyait dans l'eau trouble.

- Beurk ! fit-il.

- Beurk ! repris-je en écho. Et si euh... nous allions acheter une pizza ?

Raté pour le dîner. Encore une fois mes vélléités de cuisinière se fracassaient contre le rempart de mon incompétence.


Après le cours de yoga, Matt, vêtu de frais, boucla la lanière de son casque.

- Ca t'ennuierait de me reconduire ? demandai-je. J'habite plus haut sur la route. Un petit trajet en moto, beaucoup plus long à pied.

- Sans problème. Monte !

J'obéis prestement. Nous parlâmes de son dive master, de l'affluence des touristes, de la difficulté grandissante de trouver un toit à un prix raisonnable. Dès qu'ils avaient à faire un étranger, nombre de Philippins doublaient les prix du loyer.

- À propos de toit... Veux-tu visiter ma villa ?

Matt accepta sur le champ. Bifurqua sur le chemin de terre, gara sa moto sur le parking et entra, mal assuré, dans le jardin.

- La piscine est au bout, dis-je.

Il opina de la tête, impressionné. Aima l'allée ornée de plantes vertes, la maison, sa déco et sa grande terrasse.

- J'aurais rêvé d'un lieu comme celui-ci... Trop tard. Je quitte l'île dans deux semaines.

"Deux semaines...", songeai-je. Le temps d'une longue histoire sous ces latitudes où les gens ne font que passer. Touristes ou plongeurs, leur séjour dure à peine la parenthèse d'une découverte.

Cette longue bande de jours, d'heures et de minutes me mit en joie.

Extrêmement.

 

 

À suivre. 

 

Photos : William Wegman, Constant Puyo.

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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