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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 28 octobre 4 28 /10 /Oct 13:32

Malapascua, Philippines.

 

 

Salée 1Salée comme l'eau de la douche.

Sur cette petite île de carte postale, aucune chambre n'a d'eau vraiment douce. Elle coule toujours salée des robinets, avec une concentration variable selon les jours et les endroits.

Même propre, le linge reste rêche, raidi de sel, crissant légèrement sous les doigts. Il n'a ni la souplesse qui suit les grandes lessives, ni le toucher aérien des étoffes pourtant séchées au grand vent.

 

 

Salée comme ma peau.

Baignée de sel et de sueur, la peau non plus n'est jamais tout à fait souple. Elle s'assèche, se fendille et tiraille, rendue comme trop étroite par le soleil, écharpée par la limaille du sable.

Ma langue suit le contour de ma bouche, humectant mes lèvres de salive douce. Renversée face au ciel, je pense au goût qu'aurait une autre peau sous mes dents, à celui du sperme fusant sur ma langue et au sucré apaisant d'un chocolat chaud. Celui que je boirai après la plongée, quand le vent se sera levé pour me laisser frissonnante, maillot mouillé collé à la peau, tapie derrière le moteur du bateau pour lui arracher un peu de sa chaleur, les yeux encore débordants de visions sous-marines.

Le coeur noir et bleu des oursins palpitant entre les piquants, les poissons virevoltant au-dessus des rochers, les minuscules crabes cachés au centre des anémones.

Les vallons de coraux multicolores ondulant dans le courant, paysage d'une autre planète que nous survolons en apesanteur.

 


Salés comme les embruns.

Lorsque nous avons quitté la plage, le ciel était blanc. Minute après minute, il se teinta d'un gris d'encre pour virer au noir fusain. La bangka enfonçait son étrave dans les vagues, moissonnant le champ de l'océan dans une inutile récolte. Les crêtes moutonnantes tourbillonnaient autour de la coque. Des paquets de mer giflaient le pont, jaillissaient de sous les plats-bords pour nous tremper jusqu'aux os. Coincées sous les bancs, les caisses de matériel rebondissaient les unes contre les autres. Les bouteilles d'aluminium s'entrechoquaient dans de brusques cliquetis.

Depuis que je plonge, je sais reconnaître ce bruit entre mille. A chaque fois, il me transporte car il me parle de liberté et de périples, de traversées et d'immersions.

A Paris, un de mes voisins avait accroché un mobile à sa fenêtre. Quand le vent soufflait, les pièces métalliques tintaient comme des tanks de plongée et je fermais les paupières en m'imaginant ailleurs, passagère clandestine d'un voyage immobile.

 

SaléeLe ciel creva dans un coup de tonnerre. Des trombes d'eau nous cinglèrent, délayant sur nos peaux le sel de la mer.

L'ancre jetée, nous nous harnachâmes pour sauter du pont un à un, vidèrent nos gilets pour descendre dans l'eau sombre.

Sous nos palmes, l'épave d'un navire japonais.

Eparpillées entre les coraux, les pierres et les sédiments, des traces des marins perdus, dérisoires témoins d'un naufrage de la seconde guerre mondiale.

D'épaisses semelles de chaussures, gros orteil séparé des quatre autres.

Un interrupteur intact au bouton encore mobile.

Il paraît qu'un squelette gît encore au fond. Nous ne l'avons pas vu.


Salée comme la mer.

Jambes écartées, bras croisés sur la poitrine, je flottais. Sans poids, sans efforts, dans un merveilleux équilibre.

Avoir un corps ne me signifiait plus rien, puisque je n'avais plus de corps. Plus de chair non plus.

Vidée de ma substance des cheveux aux orteils, j'étais eau, mêlée à elle dans ce qui n'était même pas une étreinte. Une étreinte suppose un corps étranger, une autre masse à laquelle s'accrocher et là, il n'y avait rien. Rien que le liquide et moi fusionnés.


Pourtant j'avais la sensation aiguë de mon corps oublié. Magique et étrange sensation de m'habiter pleinement en étant absente à moi-même.

Je savais qu'en gonflant plus amplement mes poumons, je remonterais d'un petit mètre. Qu'en inclinant un peu, à peine ma cheville, je virerais sur la droite. Mes palmes n'étaient pas un ajout de plastique, mais une partie de moi-même, mes nageoires terminales.

Je flottais, volais, dissoute et démultipliée, parcourue d'un plaisir impossible à décrire.

 

De retour sur terre, une plongeuse me dit :

- Je te regardais sous l'eau. Tout avait l'air si facile, tu bougeais si peu que j'ai cru que tu dormais.

Non, je ne dormais pas. J'étais ailleurs, en patrie de grâce.

Salée comme les larmes qui embuèrent mon masque.

 

 

La 2e photo est de James Walter.

Par Chut ! - Publié dans : En profondeur... passion plongée
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