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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Samedi 5 mars 6 05 /03 /Mars 21:20

Viktor Butra4Je dis "Rijj-kss-miou-zé-om" en détachant bien les syllabes, rien que pour l'asticoter.

- Rèèèksmuseum, sweety.

Mingus me reprend, encore et encore, et je ris.

Je connais la bonne prononciation depuis la veille, depuis que j'ai pris un livre qui traînait et que Mingus m'a demandé :

- Lis pour moi, s'il te plaît.

J'ai écorché le néerlandais mot après mot, butant sur les trop longs, avalant les trop courts. Attentif, attendri, Mingus me corrigeait.

- J'aime cette langue dans ta bouche.

- Moi, je préfère ta langue dans la mienne.

Il interrompt ma lecture pour me donner un baiser. Long et langoureux, très différent du premier.


Adossé à son siège côté hublot, Mingus était alors un peu raide, comme sur la défensive. Pas mal à l'aise, non. Timide, peut-être, ou embarrassé. Retenu et presque maladroit, en tout cas.

- Un baiser d'homme qui n'embrasse guère, pensai-je.

Je ne me trompai pas de beaucoup. Sauf lorsqu'il leur fait l'amour, Mingus embrasse rarement les femmes qui passent, voire restent dans sa vie.

- Je ne sais pas pourquoi, sweety... C'est comme ça. Mais avec toi, c'est autrement.

Et je souris en pensant au soir où, après le plaisir, nous nous assoupîmes l'un contre l'autre, bras, jambes et bouches mêlés. Ni le sommeil ni les rêves n'avaient eu le pouvoir de nous séparer. Quand j'ouvris les yeux, les lèvres de Mingus se pressaient toujours contre les miennes.

Abandon, intimité.

Nous étions encore plus proches endormis qu'éveillés.

Je bougeai à peine, tendis la main pour éteindre la lampe. Mingus sursauta.

Le moment était brisé.


Rijj-kss-miou-zé-om. C'est donc là que nous allons.

Mingus porte mon écharpe. Rouge, elle s'épand de son cou en une large tache de sang. Celle-ci a coulé de la blessure de mon épée car moi, je m'appelle d'Artagnan. La faute à mes longues bottes noires, souples comme une deuxième peau.

- D'Artagnan, tu es prête ?

- Affirmatif. A l'assaut.

Nous traversons un parc. Le lieu doit être agréable en été mais, en ce dimanche d'hiver, il est presque désert. Un homme promène son chien. Une femme passe en bicyclette. A l'avant, une carriole dans laquelle se tiennent deux enfants. Seules leurs têtes et leurs mains en dépassent. Je songe, bizarrement, aux animaux encagés en Asie à l'arrière des motos, poulets comprimés croupions contre gésiers, plumes ébouriffées et ergots sectionnés, cochons renversés aux pattes tendues, crevant l'osier de leurs pieds.

Mingus suit mon regard et me glisse :

- C'est très à la mode ici.

- Oh ? dis-je, chassant les images parasites d'un revers de manteau.

 

Rijj-kss-miou-ze-um 2A la sortie du parc, nous longeons des façades écrasées de nuages. Puis, soudain, le ciel s'éclaircit. Nos pas résonnent sur de petits pavés disjoints. Le blanc tranchant sur la terre de Sienne m'aveugle. Je cligne les paupières, très vite.

Les portes des maisons sont ouvertes, certains de leurs volets clos. Derrière les croisées noires, pas un curieux pour nous épier, lui, l'homme à la gorge ouverte et moi, la fille aux bottes de d'Artagnan.

Des femmes d'un autre temps vaquent aux tâches quotidiennes. Rapetasser un bas, remplir un seau dans l'arrière-cour... La journée maussade est longue, l'eau du tonneau bien froide, l'aiguille bien fine entre les doigts gourds. Ca ira mieux ce soir, à l'heure de la veillée. En attendant, il y a ces heures à tuer et ces travaux à accomplir tête baissée.

Nous passons sans un mot. Les ménagères nous ignorent. Le molosse couché près du banc aussi. Il ne nous a pas vus.

Normal. Mingus et moi sommes des ombres entrées dans un tableau. Par effraction.

 

- C'est le paysage de mon enfance, dit Mingus.

Sa phrase bute avec force contre les façades. Et avec une force égale, comme expulsés par un ricochet, nous sortons de la toile sous le soleil tamisé des lampes, chancelants sur le parquet ciré.

- Rijj-kss-miou-zé-om.

- Non, sweety. Rèèèk. Rèèèksmuseum.

M'en fiche.

J'ai acheté la carte de notre voyage immobile.

 

 

 

 

Photo : Viktor Butra.

Tableau de Vermeer, La Petite Rue,

exposé au Rijj-kss-miou-zé-om. Na.

Par Chut ! - Publié dans : Mingus, my dutch herring
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