Présentation

En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

Derniers Commentaires

C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

Avril 2024
L M M J V S D
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30          
<< < > >>

Recherche

Images Aléatoires

  • Blood on feathers
  • Yangon-Oiseau-de-feu.png
  • Reflets-du-soir.jpg
  • Monastere-de-Kong-Meng--Entre-les-arbres.jpg
  • Vendeuse-de-cartes-3.png

Syndication

  • Flux RSS des articles

Profil

  • Chut !
  • Le blog de Chut !
  • Femme
  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 29 mars 4 29 /03 /Mars 15:27

Île de Florès, Indonésie, fin janvier 2012.

 

MongoliaLe bémo (l'équivalent du jeepney philippin) pila. Mon samouraï et moi risquâmes un regard dehors. Nous étions au milieu de nulle part, impression aggravée par la nuit confondant d'une même encre les reliefs de la route et des collines.

- Here you are ! nous avertit le conducteur.

Nous prîmes nos sacs, nous faufilâmes entre les jambes des autres passagers et descendîmes face à un panneau.

Celui-ci portait le nom d'un resort.

En effet, c'était bien là.


Au bout d'une pente rocailleuse, un lieu improbable serti entre mer et jungle. Aussitôt séduits par le grand bungalow niché dans le jardin, nous nous y installâmes.

L'heure du dîner sonna. Les quelques clients se rassemblèrent sur une large terrasse. Soudain étranges et familiers dans ce nulle part, des mots français résonnèrent dans mon dos.

Je me retournai.

Un tee-shirt rouge enserrant de solides épaules. Des cheveux poivre et sel, un visage buriné, énergique, tourné vers une jeune femme.

Je venais de rencontrer Vincent.

 

Plus tard, je pris place à sa table. Et lorsqu'il dit "Mongolie, Ulan Bator, agence de voyages", m'exclamai. Des années que je rêvais d'un périple à cheval dans la steppe. Plus particulièrement en juillet, mois du Naadam, LA fête traditionnelle mongole.

La réalité avait fini par rejoindre mon désir. Une fois encore, l'imprévu d'une rencontre m'offrait une occasion unique.    

Hors de question de la laisser s'échapper. D'autant que la façon dont travaille Vincent me ravit.

Chacune de ses randonnées compte au maximum trois cavaliers : plus il y a de participants, plus les risques de grave problème sont majorés.

Vincent ne regroupe jamais des gens qui ne se connaissent pas. Au pire, ils se rencontrent à Ulan Bator avant le départ, et décident alors de tenter l'aventure ensemble - ou non.

- Dans la steppe, toute mésentente peut tourner au drame, m'expliqua Vincent. Même pour ce qui paraît des broutilles, mais n'en sont pas : un voisin qui ronfle et t'empêche de dormir. Quelqu'un qui, à force de se plaindre, te sape le moral. Dans des conditions difficiles, il faut rester soudés...

 

Des conditions difficiles... On y était.

La Mongolie, c'est le pays à plus faible densité de population au monde.

Un climat excessivement rude sauf - a priori - en juillet.

Des étendues infinies, une horizontalité à perte de vue donnant à certains le vertige, à d'autres une paradoxale sensation d'oppression, à d'autres encore des angoisses.

Notre chevauchée, c'est, chaque jour, des heures en selle, en dépit de la douleur et des courbatures.

Pas de jeep pour nous suivre ou nous ouvrir la route. Personne pour s'occuper de nous ou nos chevaux.

Pour tous compagnons, un guide non-anglophone et un cheval de bât chargé des tentes, des provisions, des casseroles, de nos affaires réduites au strict nécessaire.

Une alimentation certainement limitée, à cuisiner au feu de camp.

Des conditions précaires d'hygiène, avec une possibilité de se laver très limitée.

Bref, une autonomie complète sans guère de filet ni de confort.

 

A travers la steppe 2

Dur, intense, mais ça m'allait.

Toute réalisation personnelle a une contrepartie, tout rêve un prix.

Je promis à Vincent de le recontacter des Philippines.


Trois semaines plus tard.

Dîner coréen avec Bertille.

Le restaurant était vide, notre table surchargée de mets. Entre deux bouchées de kimchi* et d'omelette, je parlais à mon amie de la Mongolie.

Aussitôt son visage s'éclaira.

- C'est un de mes rêves... dit-elle.

Je lançai alors comme une évidence, sans vraiment y croire :

- Allons-y ensemble !

Une foule d'émotions se bousculèrent dans les grands yeux de Bertille. J'y lus l'incrédulité, l'envie, le goût de l'aventure, la prudence, le défi, un "chiche !" final.

- D'accord.

Des larmes montèrent à ses paupières. Très émue, je la serrai dans mes bras.

 

Préparer ce périple s'avère compliqué. Nous aurons besoin de matériel qu'on trouve difficilement ici : des vêtements chauds, des polaires, des guêtres d'équitation qui ne seraient pas du luxe.

D'une remise en selle musclée, aussi. La technique ne nous effraie pas, nous avons toutes deux assez pratiqué pour vite retrouver nos marques. La résistance, en revanche...

D'un visa, bien sûr. Impossible qu'il nous soit délivré à notre arrivée en Mongolie. Depuis les Philippines, cela semble compromis.

Pour l'obtenir, une étape sur notre route s'impose. Une bonne semaine sur place également, le temps que notre demande soit traitée.

Alors, un stop en Corée du Sud, à Hong-Kong ou en Chine ?


Pour l'instant, c'est ce dernier pays qui a notre préférence. Parce que de Beijing (Pékin), nous pourrons monter à bord du Transsibérien... Deux jours dans ce train mythique pour gagner Ulan Bator.

Et forcément, je songe à Blaise Cendrars :

En ce temps-là, j'étais en mon adolescence

J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance

J'étais à seize mille lieues du lieu de ma naissance

J'étais à Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares

Et je n'avais pas assez de sept gares et des mille et trois tours

Car mon adolescence était si ardente et si folle

Que mon coeur tour à tour brûlait comme le temple d'Éphèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.

Et mes yeux éclairaient des voies anciennes*...

 

Jouir d'être, j'ai dit.


  

 

* Kimchi : mets traditionnel coréen à base de piments et de légumes fermentés, souvent à base de chou chinois.

La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, Blaise Cendrars, 1913.


Photo de John Gutman, toile de David Delamare..

Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour - Communauté : les blogs persos
Ecrire un commentaire - Voir les 5 commentaires
Retour à l'accueil
Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus - Articles les plus commentés