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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mercredi 11 janvier 3 11 /01 /Jan 20:18


Au lit 2Avant, je n'aimais pas dormir avec mes amants. L'intimité du sommeil me semblait bien plus grande et emplie d'enjeux que celle de l'étreinte.
 Si je pouvais m'abandonner entre leurs bras, le véritable abandon était celui du sommeil, de ses heures de complète vulnérabilité.

Je ne me défiais pas de l'homme à mes côtés. Ne supposais pas qu'il mettrait mon repos à profit pour me violenter, fouiller mon appartement ou me dépouiller.

Ce que je craignais - et crains toujours un peu -, c'était l'abolition du contrôle. L'ouverture à mon corps défendant d'un accès à moi non maîtrisé, donc non autorisé.

Une vue, peut-être, sur ma chair, mon visage en proie à l'inconscience. Seins déformés par le contact du matelas, traits relâchés, bouche entrouverte sur un filet de salive.


J'ai d'ailleurs la particularité de souvent dormir les yeux ouverts. Iris révulsés comme si je m'étais évanouie ou droits dans l'axe des paupières, écarquillées sur un regard qui ne voit rien.

Il paraît que c'est impressionnant. Dérangeant aussi. Bien que vivante, je semble morte. Inerte et molle, pire qu'une poupée de chiffons.

Souvent je peine à m'endormir. Me tourne, me retourne jusqu'au moment où j'abdique et me relève. Oiselle de nuit aux horaires depuis longtemps décalés. Insomniaque de nature, un vrai poison pour qui partage ma couche.

Parfois aussi, je parle. Des mots sans suite, des phrases inachevées, semble-t-il. Aucun amant ne m'a jusqu'à présent rapporté mes propos. La raison, je l'espère, est que ceux-ci lui étaient incompréhensibles et non directement adressés. Loin dans les limbes, la couche protectrice du mensonge poli s'efface sûrement pour laisser place à une rude franchise.

Selon le dicton, la vérité sort de la bouche des enfants.

Pourquoi ne sortirait-elle pas des lèvres du dormeur ?

 

J'aime encore moins subir le sommeil de l'autre. Son souffle lourd, ses ronflements, ses bonds de cabri, son acharnement à me délester de ma part de couette. Je suis pour les chambres séparées. Pas toutes les nuits, bien sûr. Mais sans conteste pour celles où l'on préfèrerait sombrer en solitaire et en paix, seul avec nos rêves et tout l'espace pour s'étaler.

Dormir avec quelqu'un, même un compagnon, ne va pas pour moi de soi. Ce qui devrait être un plaisir devient une habitude, si ce n'est une contrainte. S'étendre dans le même lit après s'être disputés, rien de plus détestable sans réconciliation sur l'oreiller. Détestables, aussi, les relents d'alcool d'un homme soûl, tombé dans le sommeil telle une masse foudroyée.

Puis mon désir s'accommode mal de la routine. Capricieux, il goûte les chemins de traverse, les enclaves cachées. Et j'aime l'idée d'être invitée par mon amoureux sur son territoire - ou de l'inviter sur le mien. Ca a des airs de rendez-vous clandestins au sein d'un couple installé.

J'aimerais rendre à la chambre et sa fonction d'abandon et son symbole : l'intimité, le lieu d'alliance par excellence, denrées rares se ternissant d'être trop utilisées. 

Refaire d'une nuit ensemble un cadeau et non une habitude. Un dû, encore moins.


Au lit 3Avant, je fuyais les matins avec mes amants comme un inutile ennui. Aucune envie d'un réveil en vis-à-vis, d'un petit-déjeuner en tête-à-tête. D'une discussion qui, laborieuse, ruinerait l'entrain de la veille. D'un café trop fort ou trop léger servi par un homme pressé. D'un embarrassant au revoir tendu d'un muet "nous reverrons-nous ?".

De mes brumes je voulais émerger en solitaire.

Cet homme étant de passage, qu'il passe donc. Qu'il rentre chez lui ou me laisse rentrer chez moi. Enfin seule après la baise, libre de me mettre à l'aise en vieux tee-shirt, d'ouvrir un bon livre et de me repasser, peut-être, le film de nos ébats.

 

Maintenant, j'aime bien partager la nuit. Pas toujours, certes, mais plus souvent qu'autrefois. Expérience oblige, il m'est facile de repérer les hommes qui étaient comme moi. Ceux qui, à peine comblés, se relèvent, tournoient, rassemblent leurs affaires, cherchent une excuse pour s'éclipser.

Ainsi fut Sean, un Américain doté de Barry, un encombrant copain. Arrivée en avance à notre dîner, j'aperçus les deux hommes au bar. Glissai entre les tables pour les saluer, supposant que seul Sean, son verre terminé, me rejoindrait. Ou que si le duo buvait l'apéritif en ma compagnie, Barry disparaîtrait au moment du repas.

Je me trompais. Barry commanda entrée, plat et dessert. Reprit avec Sean le chemin de l'hôtel situé sur la route de ma maison.

La situation devenait délicate et Sean nerveux. Barry, lui, restait aussi placide qu'une lumière éteinte. Amusée, j'observais Sean qui, confus de fausser compagnie à son ami, s'emmêlait dans ses explications. Hormis bonsoir, il n'y avait pourtant pas grand-chose à dire. À moins d'être aveugle, Barry avait déjà compris l'intrigue nouée en sous-main ce soir-là.


Après une, deux étreintes, Sean s'agitait encore sur le sommier.

- Tu veux que je règle le réveil pour demain ? demandai-je.

- Non, pas la peine... Je... vais y aller, en fait.

Sean était l'image même de l'embarras. Impossible de résister à l'envie de l'asticoter un peu :

- Oh... Et pourquoi donc ?

Sean se refusait à laisser son ami dans leur chambre. Quelques mois auparavant, Barry avait perdu son père. Il pouvait donc être en proie à une insomnie. Ou faire un cauchemar. Ou s'éveiller à l'aube avec le besoin de parler. Se découvrir seul au matin lui serait de toute façon trop douloureux.

J'acquiesçais entre pitié et fou rire.

Sean me mentait-il ? Probable que oui, alors que renoncer au prétexte serait plus simple. Pour tout le monde.

Sous peine de passer pour un sans coeur, la grande force du tragique est d'interdire de remettre une histoire en question. C'était, à mon avis, précisément pour cela que Sean avait choisi celle-ci.

 


Au litLes larmes aux paupières, je le félicitai d'être un si merveilleux ami. La nuit étant d'ailleurs peu avancée, il avait bien raison de rentrer. Désorienté, Sean fixa mon réveil. Trois heures du matin. Me dévisagea pour déterminer si, par hasard, je ne me moquais pas.

Mon sourire lui donna la réponse qu'il préférait. Il se rhabilla apaisé, fermant la porte sur les hoquets d'un rire que je maîtrisais plus.

Le lendemain soir, nous avions rendez-vous. Je ne vins pas.


J'aime aussi observer les petites manies des hommes qui, pour une nuit ou plus, restent chez moi.

Gauche ou droite, certains sont attachés à un côté de lit. Leur endormissement en dépend, paraît-il. Les célibataires endurcis tendent à s'allonger en plein milieu, soudain avares de ce qu'ils ont si généreusement prodigué : l'espace occupé par leurs corps étendus.

Les angoissés du dos tordu ne veulent pas d'oreiller, les soucieux de leur confort "deux, si tu as, bien sûr".

Certains réclament le noir complet ; d'autres, inquiets ou esthètes, une lumière tamisée. Un silence d'église ou une musique douce. Un matelas mou ou ferme comme bois. Ernesto, lui, préférait dormir par terre, sur un matelas aussi mince qu'une gaufrette.

Les prévoyants posent sur la table de chevet un verre d'eau. Les oublieux du temps, leurs montres. Les pratiques, la boîte de préservatifs.

Les réchauffés ne sombrent que nus, les frileux partiellement vêtus. D'autres encore se rhabillent en cachette, tel Habrien qui d'habitude ne quittait pas ses chaussettes. Soucieux de paraître à son avantage, il s'en était débarrassé à peine allongé pour mieux les remettre. Touchante habitude d'émigré qui, dans son pays d'adoption, avait toujours froid aux pieds.

 

Dans le sommeil, certains hommes m'enlacent comme au seuil d'un rêve. D'autres, isolés à l'extrême bord du lit, si loin que pour un peu, ils en chuteraient, veillent à garder leurs distances.

Certains ont le réveil tendre, triomphant ou chagrin. L'atterrissage paresseux ou suractif, café-boulangerie-croissants.

Certains doivent se lever alors que moi, je peux faire la grasse matinée. Ils me laissent en général dormir tout mon soûl avec pour consigne : claquer leur porte en partant. Et je suis touchée, très, de la confiance qu'ils m'accordent.

Pas évident de laisser une inconnue chez soi...

Lorsqu'une histoire s'ébauche, j'aime découvrir au matin, placé en évidence ou scotché sur le frigo, un message. Des mots qui m'accompagneront toute la journée jusqu'à notre prochaine nuit.

 

Au lit 4La prochaine nuit... Si la première avec Paulien était déjà écrite, la deuxième fut une surprise. Nous venions de passer ensemble la soirée, l'obscurité, le matin, le début d'après-midi. Fidèle à mes principes d'alors, je cherchais le moyen de le déloger de mon appartement. Sans réelle motivation, et moins par envie que par absurde conviction : une autre nuit consécutive, c'était déjà le début de quelque chose.

Oh, d'accord, certainement pas une histoire. Un simple flirt. Une bluette tout au plus. Mais quand même...

La journée fila à toute allure. Si vite que le soir nous trouva ensemble. Vaincus par la fatigue, nous nous endormîmes enlacés.

Le lendemain je compris ce qui, jusqu'alors, me semblait incompréhensible : que deux inconnus s'installent sous le même toit, comme ça, emportés par la foulée de quelques nuits partagées.


Paulien avait toutefois des impératifs. Un enfant à récupérer à l'école, un dîner de famille. Je le vis partir à regrets avant de verrouiller, songeuse, les serrures de mon chez moi.

 


3h et demi... L'heure d'aller me coucher, surtout que je me lève tôt demain.
Hop, au lit... et seule !

Photos : Frédéric Clément, Brassaï,
Weegee, Eikoh Hosoe.
Par Chut ! - Publié dans : Bribes perso - Communauté : les blogs persos
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