Dans ces bras-là...
Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.
Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire
comme jamais.
Camille
Laurens.
Décembre 2024 | ||||||||||
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Miles aimait autant le jazz que le latex sur la peau des femmes.
Miles aimait davantage le champagne que le vin. Mais un champagne spécial, cuvée unique millésimée aux flancs de celle qui la distille en elle.
Cette boisson était sa griserie à lui, un plaisir d'autant plus enivrant que ses amantes le lui refusaient souvent. Certaines le décrétaient bizarre, pervers, soudain infréquentable. Il s'en désolait sans pouvoir changer leur opinion.
Quand le manque se faisait trop criant, Miles empruntait le raccourci de l'argent. Payait une professionnelle qui, elle, ne le jugerait pas.
Comparé à d'autres, son fantasme était d'ailleurs bien inoffensif.
Miles m'avait conviée à une soirée privée. Fétichiste, SM, bondage... Tous les désirs interlopes y auraient droit de cité. Joyeuse débauche de libertins, Maîtres(ses) et esclaves en cuir, latex, vinyle. Encapuchonnés, cagoulés, nus, héros de scènes lascives brillant tels des joyaux dans la pénombre.
Une nuit de stupre accrochée aux entrailles de Paris.
Un goût de nostalgie sur ma langue.
Depuis huit mois, j'avais rompu avec les soirées du bon vieux temps. Ni la tête ni le coeur à ça, d'autant que dans ma vie avait surgi Andrea d'ébène. Un homme qui, bien qu'ouvert d'esprit, jamais ne comprendrait ce monde à la lisière, cette parenthèse de liberté ouverte au soir pour se refermer à l'aube.
Un amant qui, bien qu'ouvert à d'autres jeux, gardait trop de prévention contre ceux qui mêlaient douleur et jouissance.
Un amoureux qui, bien qu'en couple, me voulait pour lui seul. Moi sa chasse gardée, son territoire d'exclusivité.
À sa façon, cette "party privée" était une rivale qu'il toisait d'un oeil mauvais. Jaloux et inquiet, mais impuissant à s'y opposer, puisqu'en contrepartie il n'avait rien à offrir. Rien à exiger non plus. De toute façon, il se doutait que mieux valait ne rien m'interdire.
Lassée de notre histoire sans issue, je n'étais, de mon côté, pas mécontente de prendre la clef des champs. De faire l'école buissonnière à la faveur d'une invitation tombée par hasard, par jeu ou par curiosité.
Miles ne m'avait en effet jamais vue. De moi il ne connaissait pas grand-chose, mais ce peu lui suffisait.
Forte de mon anonymat, j'avais parié qu'il ne me distinguerait pas parmi la foule des invités. Lui avait parié l'inverse. Ne nous manquait que le gage, qui fut facile à trouver. Si Miles me reconnaissait - mais peut-on reconnaître une inconnue ? -, je lui prodiguerais et le flacon et l'ivresse.
Marché conclu.
Dans le taxi qui cinglait vers le Marais, je riais toute seule. Si mes cuissardes et mon fouet étaient sagement rangés dans un sac, ma robe en vinyle m'épousait au plus juste. Cachée par un long manteau, elle ne laissait toutefois rien deviner de son indécence.
J'imaginais la tête du chauffeur si, d'un souple mouvement d'épaules, je me dénudais.
Je savais le pouvoir de transformation de ma tenue. La surprise, le désir qu'elles versaient dans les pupilles des hommes - et même des femmes.
Plus tôt, fin prête, j'étais sortie de ma chambre devant mon amie Ether. Celle-ci s'était immobilisée. M'avait fixée stupéfaite, une onde de chaleur traversant ses beaux yeux bruns.
Très court vêtue et très haut bottée, j'étais, plus que femme, créature. De Lilith ou des ténèbres, un moi plastique composé de morceaux juxtaposés. Nulle place pour la tristesse dans cette seconde peau brillante et corsetée. Juste l'éclat d'une femme désirée signant une trêve dédiée au(x) jeu(x).
Le taxi s'enfonça dans une ruelle. S'arrêta devant la seule boutique éclairée. J'étais arrivée.
Certaine que Miles se trouvait déjà à l'intérieur, je poussai la porte.
À peine avais-je franchi le seuil qu'une voix cria mon prénom.
Plus tard, Miles me dirait ne pas avoir hésité une seconde. Cette femme qui entrait ne pouvait être que moi. Pourquoi ? Il n'en savait rien. C'était peut-être ma démarche, ma robe, l'expression de mon visage. Ceci ou tout cela à la fois.
Je m'inclinai. Il avait remporté son pari, et haut la main.
Nous bûmes du champagne. Du vin. Des cocktails. Au fil de notre conversation, la pression dans mon ventre augmentait. Lorsqu'elle fut insoutenable, je cessai soudain de parler. Me levai. Enfourchai Miles renversé sur les coussins. Et, penchée sur lui, talons au sol et jambes tendues, lui restituai dans un long flot une alchimie dorée.
Que, ce soir-là, j'aie aussi fait l'amour avec une femme ne gêna pas Andrea. C'est de cette intimité avec Miles, fugace, muette et sans réel contact physique, qu'il fut jaloux.
1re photo : Helmut Newton.
Rubrique classé X, mais toujours aussi puissamment rédigé dans les moindres détails de trouble. Je vous l'ai dit une fois, "putain, que ne publiez vous tout ceci, enfin ?"
Je vous le redis, évidemment.
Fait soif, d'un coup...
J'ai du champagne au frais !
Pour la publication : j'y pense... Ai même commencé un recueil rassemblant certains des textes, avec pour critère de choix "un homme, une nouvelle". Puis en relisant des textes anciens du blog, me dis qu'il y aurait également matière pour un recueil érotique. Pour être sincère, je suis surprise de les trouver bons, ces textes. Assez, j'espère, pour intéresser un éditeur (papier). Doute quand tu nous tiens !
Va falloir me donner un coup de pied aux fesses, cher Stan ! Je sais, beaucoup moins érotique qu'une fessée... Mais un p'tit électrochoc me ferait pas de mal !
J'y songe... j'ai bien quelques clés mais vous savez que mon secteur éditorial n'est pas précisément le même, et qu'il n'y a pas de passerelles.
D'ailleurs moi même, j'écris quelques trucs. Que je verrais bien aussi en livre.
Passez me voir, à l'occasion.
Je n'y manquerais pas lors de mon prochain passage en Europe.
Oui, je sais que l'édition est compartimentée. Les contacts que j'ai (eus) dans certaines branches ne concernent pas ces écrits-là, puis je préfère garder des cloisons étanches.
Vous écrivez aussi d'autres textes que pour le blog ? N'hésitez pas à me les envoyer !
Stan va sûrement se dévouer!
Argh, cela prend tout à coup des allures de corvée ! :D
Des bises piquantes, Ordalie !
Mais pas du tout! Nous souhaitons tous que tu sois publiée puisque tu as un style et des choses à raconter et que tu mérites une reconnaissance plus étendue que celle des lecteurs de ton blog.
Tu n'as pas à te sentir stressée mais aiguillonée par une "affectueuse pression de tes amis", formule qui est bien sincère de la part de tes admirateurs mais que je mets entre guillemets car je l'ai trop souvent entendue pour des politiciens.
Mais tu fais comme tu le sens, personne ne te harcèle, nous sommes très patients!
Non, non, je parlais du coup de pied ! Mauvais jeu de mots. :)
Je ne me sens pas du tout harcelée, au contraire : tu sais que doutant beaucoup par rapport à l'écriture, ce soutien d'amis et de lecteurs (et d'amis-lecteurs) m'est vraiment précieux. D'autant que vu ma fâcheuse tendance à laisser glisser, j'ai aussi besoin qu'ils me remettent sur les rails !
Je le ressens comme des marques d'affection et de confiance qui me font du bien et me poussent à travailler. Alors, surtout, n'arrêtez pas de me pousser ! :)
Me "dévouer", ça vous a une notion de sacrifice qui ne me ressemble pas trop. Par contre, altruiste pour les gens que j'aime, certes, et voue en êtes ! Mais vous connaissez ma partie. Ceci dit, la qualité de vos écrits touchera du monde, qui sait juger mieux que moi, je ne doute pas de ça une seconde.
"Piquantes "? Hmmm.
Merci, cher Stan. Marier l'altruisme au dévouement, voilà qui serait pourtant encore plus grandiose !
Piquantes, oui. Allez... épicées, même.
En fait je faisais allusion aux textes sur le blog, écrits depuis six ans que je l'ai entamé et qui pour certains semblent "publiables". à condition des les retravailler un peu et de les assembler, probablement. Quand vous serez en Europe pour quelques jours, semaines, j'espère que nous pourrons en débattre, confit à la clé.
Oui, en effet, je vois très bien. C'est aussi ce que j'avais entrepris pour le recueil : un assemblage de textes (mais consacrés à un seul homme, donc). Ce qui suppose une réécriture partielle pour que les mots "collent ensemble" sans répétition, quelques ajouts et allégements ci et là, la tentative de créer une "colonne vertébrale à l'histoire" pour éviter l'impression de fragmentation... L'idée est que le texte final se donne à lire comme une nouvelle - ou un court roman, car au moins l'un d'eux explose le nombre de pages réservé aux genres courts.
Pour vous, je suppose qu'une des difficultés sera la sélection : vous avez beaucoup écrit, selon différentes angles, sur un même sujet. Pas évident de ne garder qu'une cinquantaine, centaine (?) de billets quand chacun a ses qualités propres. Et le choix oriente aussi la tonalité du recueil... Vous auriez, je crois, matière à un livre théorique sur la fessée - mais rester dans la pure théorie serait bien dommage !
Pour en revenir au texte ci dessus, au fond c'est très joliment écrit pour narrer par l'élipse et avec des mots chosisi un acte pour le moins "trivial" que la morale réprouve (mais la morale hein...), voilà qui donnerait presque envie aux plus réfractaires, les dégoûtés par bile sueur et humeurs diverses, ceux qui s'arrêtent au premier degré sans se laisser aller.
Plus terre à terre, comment sauver la moquette ? Prévoir une alèse étalée avant semble un peu nuisible à la spontanéité de la chose, ou alors Tout boire sans en perdre une goutte ?
Oui, la morale, hein...
Plusieurs solutions pour le côté très pratique de la chose : soit en effet une ingestion complète, soit un cadre à l'abri des éclaboussures (carrelage, béton comme dans la salle de la fête, douche ou baignoire). La moquette est bien sûr déconseillée. Un vrai repaire à acariens, qui plus est !
Je vois que votre côté pratique l'emporte. Mort aux acariens !
Parfait.
Pour les récits, vous avez très précisément défini la chose, c'est certainement comme il faut faire. élaguer, reformater, pour une cohérence, en gardant le charme et la folie potentielle du récit. Un vrai travail. On pourrait d'ailleurs avoir l'un sur l'autre le regard neuf, mieux percevoir ce qu'il faut faire, que quand on a le nez dans le guidon... Parfois, sur des textes qu'on a écrit, il y a des choses qu'on ne voit plus.
Absolument ! Mon truc à moi : laisser "poser" (pauser conviendrait aussi) le texte quelques jours ou mieux, semaines, pour le relire avec un oeil presque neuf. Mais vous avez raison : les avis extérieurs sont essentiels. Ces yeux-là voient ce que nous, nous ne distinguons plus. Et ils n'ont pas la faiblesse qu'on peut avoir quand on a sué sur une page : ma tendance serait de la garder, ne serait-ce que pour me dédommager du temps qu'elle m'a coûté. Ce qui n'est pas toujours le meilleur choix...
Volontiers pour les regards croisés. L'avantage du net ? Abolir la distance entre deux cerveaux !
Et doutez moins de votre écriture, ma chère Chut. Vous donnez à lire de petits bijoux ciselés tendres-pimentés-doux-amers très parlants qu'il serait dommage de ne réserver qu'aux seul lecteurs d'in blog, même si j'aime bien ce côté privilégié.
Voilà un travers que je vais essayer de corriger ! 2012, les bonnes résolutions, toussa...
Même si je m'en désole parfois, j'aime aussi ce côté presque intime du blog.
Un grand merci, cher Stan, pour vos mots et encouragements.
Mais ça fait un tas de trucs à corriger, dites donc !
Ne m'en parlez pas... Je vais y laisser la peau du dos ! :)
Vous allez rire, connaissant mes travers, je visais évidemment plus bas.
Bon va falloir que je fesse un peu, moi, je suis énervé, d'un coup...
Je le savais bien... :)
J'ai hâte de découvrir le récit de vos envies fessières sur votre blog !
Stan a raison! Et je ne suis pas la seule à estimer qu'il n'y a aucune raison de douter d'une écriture aussi personelle (faute de meilleurs adjectifs)! Je ne compte plus les fois où je te l'aurais dit...Grrr!
Chère Ordalie,
l'enseignement est affaire de répétition... :) Je suis décidément une bien mauvaise élève !
Amitiés de plume.
@Stan: je pense que le coup de pied aux fesses que réclame Chut n'est pas dans vos habitudes, c'est pourquoi je parlais de se dévouer.. Vous, ce serait plutôt la main aux fesses avec élan préalable.
Vous avez raison, chère Ordalie. Je botte peu (et encore moins en touche) privilégiant ma main gauche. Et c'est vrai que Chut incite plus à la claque culière bien appliquée qu'au coup de pied de l'âne, croyez-moi.
Je transmets juste. :)
D'emblée la barre est mise très haut, "cuvée unique millésimée aux flancs de celle qui la distille en elle". On se cale sur sa chaise, voilà qui promet un morceau particulièrement choisi.
Et par tous les saints d'Eros, il l'est !
Ta plume est trempée d'une encre telle que ça, oui, ça pourrait faire des jaloux.
Oh, merci ! Un texte liquide auquel un marin ne saurait rester insensible, peut-être... :)
J'aurais préféré une piquante émulation à la jalousie, mais snif, pas eu le choix... D'ailleurs, à propos d'écriture, tu sais que ma proposition de jadis est toujours d'actualité : si tu désires composer un billet pour ce blog, j'en serais autant séduite que ravie. Et je pourrais même choisir les photos pour l'accompagner (avec ton autorisation, bien sûr !).
Sourires......... Râvissement, j'ai les banines relevées lol
bisous
Beav'
Les banines, à mi-chemin entre la banane et les canines ! Concept intéressant après le sujet de l'article (hé hé).
Bises !!!
Trés beau texte où tu parles (comme toujours) très librement et sans hinibitions des toutes les pratiques qui conduisent aux plaisirs.
J'aprends aussi que tu as eu une (des?) expérience(s?) féminine. J'imagine qu'il y a quelque part un post, un portrait, de celle que tu as goutée.
Impatient de le découvrir.
Amitiés et remèt tois bien
Xu
Merci Xu, je sors enfin du black-out par KO debout !
Pour les expériences fémnines, si, si, tu le savais déjà : celle de ce soir-là est relatée ici http://sous-le-signe-du-lien.over-blog.com/article-27105184-6.html#anchorComment , et tu avais même commenté le billet. Après, vu le nombre que contient ce blog, y a de quoi être perdu !
je vois que tu tiens une comptabilité précise des commentaires
Sans doute l'autre post ne correspond pas a ce que j'ai fantasme en lisant celui ci je vais aller verifier
Il faut dire qu'a te lire dans le désordre ca embrouille.
Au passage j'ai lu tout a l'heure ûn de tes textes qui me faisait penser a la chèvre de monsieur Seguin Ne le prends pas mal mais il y avait la meme tension vers l'inéluctable fin
A bientôt
Xu
Non, pas spécialement, mais le tien est récent et m'avait marquée.
Au moins, on en epourra pas me reprocher de se moquer de ce que les lecteurs écrivent ! :)
La chèvre de M. Seguin ? Mazette, voilà une comparaison pour le moins étrange. Curieuse de savoir de quel billet il s'agit. Peut-être avec Mingus ?