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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
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Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 27 septembre 4 27 /09 /Sep 18:36

Dilemme bisErwald est arrivé chez moi mains dans le dos. J'avais beau l'attendre, je l'ai regardé un peu surprise.

- Qu'est-ce que tu caches ? ai-je demandé.

Ses mains ont décrit un demi-cercle pour me tendre précipitamment un bouquet.

Erwald avait l'air d'un galant ravi et celui, mutin, d'un collégien me jouant un bon tour. Mes yeux se sont écarquillés, ma bouche s'est arrondie.

Des fleurs... Des années qu'un homme ne m'en avait pas offertes. J'avais même oublié comment c'était, d'en recevoir.


Matt était arrivé à la maison avec une bouteille de soda.

Noam, lui, amenait souvent des fruits que nous partagions en dessert.

Mais comme Adrien, la plupart de mes amants n'apportent qu'eux-mêmes sans que je n'y trouve à redire.

- Zut, je n'ai pas de vase ! ai-je pouffé.

Le rire puis le mouvement pour camoufler mon léger embarras. Un baiser sur sa bouche, une soudaine course vers la cuisine, Erwald sur mes talons, la fouille de tous les placards, le remue-ménage dans les assiettes, les tasses et les verres, la quête d'un récipient pouvant faire office de.

J'ai fini par le trouver. En m'excusant.

Un vieux pot de café à l'étiquette craquelée, déteinte et encore accrochée au verre.

- Pile la bonne taille, a approuvé Erwald. C'est parfait.

- Tu penses ?

Moi, je trouvais ça un peu minable. Le bouquet avait beau être modeste, c'était l'intention qui comptait, et mon pot de Nescafé ne me semblait guère à la hauteur.

Bertille s'en esclafferait plus tard :

- Bon, si jamais il en doutait, il sait maintenant que tu n'as rien d'une fée du logis. Et qu'importe le flacon, hein...

- Pourvu qu'on ait l'ivresse ?

- Bingo.

 

Bertille et moi avons plaisanté au sujet de cette histoire de vase.

- Mais tu en as un, toi ? l'ai-je questionné.

La réponse fut non, mais mon amie a des cruches.

Les cruches et l'ivresse, justement. C'est là que le bât blesse et que les Athéniens s'atteignirent. Les fleurs d'Erwald m'ont touchée. Mais tandis que, les prenant, je l'observais avec curiosité, ce que trahissait son visage m'a chagrinée.

Erwald m'aime beaucoup, je crois. Beaucoup trop, du moins davantage qu'il ne le devrait. Car moi, l'objet de son désir, je me sens gênée, presque coupable. Parce que cet homme, je l'aime bien.

Juste bien.

Me voilà du coup peinée de ne pas lui rendre la pareille, à la fois séduite et agacée par ses multiples attentions.

Un message, chaque matin vers dix heures, en guise de une bonne journée.

D'autres l'après-midi et le soir en vue de tâter le terrain. Serais-je libre ? Ai-je envie de le retrouver à la plage ? Ou qu'il passe chez moi ?

Si j'ai besoin de me rendre à la ville voisine, il peut m'y emmener en moto. Ou en voiture en cas de pluie ou de ravitaillement programmé.

Si je ne réponds pas à ses messages, Erwald s'inquiète. Me demande si je vais bien. M'appelle pour s'en assurer.

 

Dilemme 2Erwald a pour moi des égards d'amoureux, égards qui me combleraient si j'étais, moi aussi, amoureuse.

L'amour...

Précisément ce qui bouleverse la donne.

Venus d'un homme aimé, ces égards sont charmants ; d'un autre homme, agaçants.

Or là, j'ai l'impression d'être envahie. Étouffée.

Ce qui me rend triste, irritée, irritable.

Au bout de quatre petits jours, il y a souci, quand même.


Peut-être ai-je manqué de discernement. Erwald m'a trop longtemps désirée pour ne pas être enchanté de "m'avoir". Je distingue bien, dans ses prunelles, l'étincelle de fierté quand il parle de moi, l'inquiétude quand j'évoque mon prochain voyage et le soulagement devant ma réponse :

- Combien de temps ? Trois semaines.

Il faudra provoquer une discussion.

J'y répugne. Je déteste blesser, décevoir. A fortiori quelqu'un qui ne m'a causé aucun tort et pire, ne cherche que mon bien.

Mais se taire, c'est pire, non ?

Je ne veux pas forcément que cette histoire s'arrête. Mais si elle continue, que ce soit différemment. Moins de (omni)présence, plus de légèreté.

Est-ce possible ? Pas certaine.

 

Amoureuse, je suis comme Erwald. Pire sans doute, du moins à l'intérieur : la fébrilité avant un rendez-vous ; le désir d'être avec l'autre, tout le temps ; l'urgence à le voir et le manque de ne pas, ne serait-ce qu'une poignée d'heures ; le sentiment d'être habitée, emplie ; les sourires rêveurs à contretemps, les pensées qui divaguent, les images qui reviennent, embrument mon esprit et creusent mon ventre.

À l'extérieur, la réserve. Je souhaite sans montrer, ou uniquement à petites touches. Trop peur de m'imposer, d'être importune ou, horreur, rejetée.

Je comprends Erwald et cette compréhension même m'est douloureuse.

Personne n'aime à être freiné dans ses élans ni se heurter à une limite en forme de mur. Or Erwald s'en approche et, s'en approchant, devient une menace pour ma liberté, mon espace, mon bien-être.

S'il persiste, je me doute de ce qui arrivera. De l'exaspération, de la colère, une fin abrupte.

À moi de l'éviter. D'essayer, du moins.

 

Mais cette histoire, si courte soit-elle, est également un révélateur. Il y a de la douceur, oui, dans toutes ces attentions-là, dans cette présence même trop appuyée. Un soutien relevant parfois du détail, comme ces bambous supportant les rideaux de la terrasse que, las de voir branlants, Erwald m'aida à ficeler aux poteaux. Un sentiment d'apaisement, de solidarité, de solitude brisée. D'intimité cette fois partagée, de couple, d'alliance possibles si seulement je le désirais.

Grâce à Erwald j'entrevois à nouveau ce que j'ai fini par oublier : la force d'une union amoureuse. L'intense, le délicieux plaisir à être deux pour échanger, rire, manger, s'enivrer, travailler, faire l'amour... ou ne rien faire. Juste rester enlacés, repus, corps encore tremblants de l'étreinte, yeux ouverts sur un vague béat, tête nichée contre une épaule.

L'immense réconfort à parler de ses soucis - bien que je ne me sois guère épanchée sur les miens. Les partager, c'est déjà les diminuer, dit-on. C'est vrai.

Je ne mesurais pas à quel point l'ensemble m'avait manqué, surtout lors de cette année difficile marquée de décès, d'incompréhensions, de combats et de séparations.

 

Dilemme 3Je suis habituée à vivre seule, lutter et me requinquer (presque) seule.

Une femme forte, a affirmé Ayal rencontré en Mongolie. Ayal qui, m'enveloppant de son sourire radieux, me serra à me broyer en s'étonnant de la finesse de mes os, puis s'arrêta pour me souffler :

Woman... You're a tough motherfucker !

Tough, strong, peut-être, mais pas inépuisable non plus.

Avec Erwald je pourrais me reposer. Me laisser porter, un peu. Mais ce serait injuste. Mensonge, manipulation, paiement en fausse monnaie... pas capable. Comme j'échouerai à dissimuler mon énervement si Erwald continue à m'encercler.

Tout ça me flanque le cafard, je crois.

Après quatre petits jours, y a souci, quand même.

Non ?

 

 

Photos : André Kertesz et Robert Mapplethorpe.

Pin up de Gil Elvgren.

Par Chut ! - Publié dans : Eux - Communauté : les blogs persos
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