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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Lundi 7 mars 1 07 /03 /Mars 23:39

Chambre.pngLa rivière sombre roule derrière la vitre. Quelques bateaux passent, formes imprécises grignotées de noir.

Ca et là, des lumières.

Phares de voitures sur les ponts reliant les deux berges. Enseignes publicitaires, fenêtres scintillant très haut sur les buildings.

Béton sans âme et lucioles électriques, nuit de grande ville vue d'une chambre d'hôtel.


Nos sacs sont sagement posés de part et d'autre du meuble télé. Celui de Pierrig est rangé, fermé, bouclé. Le mien est ouvert, en vrac, surmonté de vêtements chiffonnés.

Nous quittons les lieux demain, lui plus tôt que moi. Il prend l'avion et moi je reste, mais sûrement dans un autre hôtel. Pas envie de garder cette chambre que nous avons partagée. Si peu mais qu'importe, puisque ce n'est pas le temps qui compte.

Sur le bureau, des bouteilles de bière vides. Un cendrier improvisé rempli de mégots. Des serviettes sales. Utilisés puis jetés... La tristesse de ces objets  me serre la gorge.


Nostalgique, déjà.

Mélancolie de ce qui a été, regret de ce qui ne sera pas. Pierrig s'en va et moi je reste. J'aurais souhaité partir avec lui. Avoir une place à ses côtés.

Je n'obtiendrai ni l'un ni l'autre. C'est la vie d'une fille au coeur trop près des côtes, d'une nomade éparpillée entre plusieurs pays, plusieurs hommes. Certains sont des îlots, d'autres des continents. Nul n'est ma patrie.

J'aimerais pourtant, quand la fatigue ou le trop plein me guette, me revendiquer d'un drapeau, d'une bannière, d'un étendard, les hisser dans mon ciel pour crier :

- C'est à ce sol que j'appartiens. C'est à cet homme que je suis liée.

Et me reposer, dormir contre l'humus tiède d'une épaule, me remplir de son odeur d'herbes et de terre. La sieste en plein soleil contre les galets d'une peau aimée.


Nous fumons en silence. Chacun à un bout de la longue baie vitrée, les yeux tournés vers la rivière. Pierrig voit-il le même paysage que moi, ce noir déchirée de jaune, cette encre griffée par la nuit ?

 Probablement que non. Il est déjà dans le demain, l'après. Moi, je demeure prisonnière de l'instant et des pensées qui voltigent comme les cendres de ma cigarette.

 Après seize heures de train, nous nous sommes présentés, fourbus, crasseux, à la réception de cet hôtel un peu chic.

L'employée a d'abord dit :

- C'est complet.

Puis elle a reconnu Pierrig, a souri et consulté encore une fois son registre.

- Il me reste une chambre avec vue sur la rivière. Vous la prenez ?

- D'accord.

La clef est une carte magnétique. La chambre, une pièce moderne, propre et claire, avec un lit immense. Côté droit ou côté gauche ? Pierrig n'a aucune préférence. Alors j'ai lancé mes affaires au hasard. Elles ont atterri à droite, près du drap de bain plié en orchidée.


Sa serviette drapée autour de la taille, Pierrig est sorti de la douche. S'est assis sur son bord de lit. A posé son ordinateur sur ses genoux. Tapé un texte à frappes nerveuses.

Immobile sur les draps, je contemplais ses vertèbres alignées en une courbe parfaite, les bosses de ses muscles et les creux de ses os. De ses cheveux glissaient des serpentins liquides.

Son téléphone avait déjà sonné trois fois. Sa messagerie devait être saturée de mails.

Oserais-je le déranger en plein travail ?

Oui. Ma paume s'est posée sur son dos pour en parcourir montagnes et vallons. Je m'attendais à ce qu'impatient, il se dérobe, me demande de cesser cette caresse inopportune. Il n'a rien dit. A continué d'écrire, plus vite. Puis ses muscles ont tressailli et, lentement, il s'est retourné.

 

Chambre avec vue 2Je suis aveugle. Je suis étranglée. Je suis entravée. Poignets liés contre les reins, écrasés par mon propre poids. Cuisses attachées, reliées à mon cou par une bride. Une ceinture. Un foulard. Quelque chose que je n'ai pas vu ou qu'il a sorti de son sac.

Je ne peux plus bouger.

 Si je sursaute, je suffoque. Et fouillée par ses mains, je sursaute. Et arrosée de gouttelettes d'eau, douchée de mots en geysers crus, je suffoque, bouche ouverte aussitôt comblée par son sexe.

Je sombre. J'étouffe. D'asphyxie. De plaisir.

Je suis son jouet, sa bête à foutre, son réceptacle et son épine. Son esclave, sa complice et son adversaire.

Je ne veux pas jouir.

 

Ses mains me claquent les fesses. Sa bite me remplit. A l'avant, à l'arrière. Sans ménagements au rythme des gifles, de son souffle, de ses jurons.

Je défaille.

Happée par l'eau noire je vais mourir, m'évanouir mais ressusciter plus forte, plus dure, plus obstinée.

Ses doigts se referment sur mon cou.

Je dévale jusqu'à l'inconscience les spirales des courants, fétu tourbillonnant sur l'écume, jambes repliées contre ses cuisses tendues, eau salée de sa sueur contre eau douce de ma salive.

Je ne veux pas jouir.


Soudain ma gorge se libère. Mes yeux perçoivent de nouveau la lumière et, dans un spasme, son visage penché, l'éclat métallique de ses iris, les rides que creusent à son front son plaisir contenu.

Je suis la soumise rétive qui le nargue d'un sourire. Un sourire qu'il brise de son gland enfoncé entre mes lèvres.

Il jouit.

Pas moi.

 

De l'autre côté de la baie, la rivière roule ses flots boueux. 

J'écrase ma cigarette. Demain Pierrig part et moi je reste.

Lorsque la porte a claqué, je n'étais pas sûre de le revoir.

 

 

 

Dessin de Wessi.

Par Chut ! - Publié dans : Pierrig, près de l'os
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Commentaires

Je continue de te lire en renversant les roles. 

Je me suis souvent dit qu'il y a chez les hommes une sorte de marais, de glaise, de crasse organique que les femmes ne connaissent ou ne partagent pas. Un mélange de désir, de douleur infligée, de foutre et de sang.

Tout cela est là, mais en miroir. Fessée, penetrée, remplie, en état de resistance passive, elle ne veux pas jouir. Comme si elle ne voulait pas être complice de la violence mesurée de son partenaire. Comme si elle ne voulait pas être souillée par ce désir trouble, si elle ne voulait pas lui faire le cadeau de sa jouissance. 

Pourtant, de la façon dont tu l'écris, avec cette tentative d'équilibrer le jeu (adversaire, épine...) elle y prend pleinement sa part. Elle ne subit pas, elle prend. 

En fait, elle ne jouit pas car elle veut garder les yeux grands ouverts. Vigileance pour garder la capacité à maintenir des limites ? Où participation exacerbée au jeu ? Où quoi ?

Où quoi ?

commentaire n° :1 posté par : COLDBEAR le: 08/03/2011 à 09h17

Oui, oui, elle y prend sa part... et bien plus. Aucune crainte de la souillure dans ce jeu partagé, aucun malaise une fois qu'il est terminé. Aucune crainte, non plus, que son partenaire ne dépasse ses limites : elle a pleinement confiance en lui, elle sait qu'elle peut s'abandonner à lui les yeux fermés (ou plus justement bandés).

En revanche : envie que ces moments durent alors que la jouissance signerait leur fin. La retenue en prolongation des hostilités, en somme.

Puis surtout, cette retenue physique en miroir de ses sentiments, retenus eux aussi. Comme si ne pas jouir était une forme de résistance à l'envahissement, une façon de garder le contrôle alors que son équilibre est devenu instable. Illusoire, bien sûr, mais la logique n'a pas toujours sa place au royaume des terrains glissants. :)

 

Merci pour tous ces aperçus côté homme. Fenêtres ouvertes sur la psyché de l'autre sexe, je prends !

réponse de : Chut ! le: 09/03/2011 à 16h50

N'est-ce pas là une différence majeure entre homme et femme ?

La finalité du rapport sexuel est l'éjaculation de l'homme, seule utile à la reproduction.

Je me suis déjà donné ce challenge de mettre fin à un rapport lors de l'orgasme de ma partenaire. Elle en fut un peu frustrée car celui-ci ne marque pas pour elle la fin de son plaisir. Par contre, éjaculer marque la fin du mien, même si par le passé je pouvais reprendre assez vite, le moment d'après est terriblement égoïste, voire solitaire.

Oui, pour moi, l'orgasme est fort, incontournable, mais aussi frustrant et culpabilisant. Il signe la fin, effectivement.

Alors que tu me dises que cette résistance à la jouissance ait pour but de faire durer, ok, mais pourquoi ce « pas du tout », même pas à la fin, même pas ... après ?  

commentaire n° :2 posté par : COLDBEAR le: 13/03/2011 à 14h58

Je comprends que ta partenaire en ait été frustrée. Qu'un homme ne jouisse me laisse souvent une impression d'inachèvement, même si la jouissance n'est pas le seul but - loin s'en faut - du rapport sexuel. Enfin, tout dépend aussi avec qui, dans quelles circonstances et comment. Il se peut aussi que le sexe, ce soit l'assouvissement d'une pulsion, une envie de jouir, vite et fort, sans préliminaires ni tendresse. Quelque chose d'organique, en somme, et excitant parce que ce n'est justement que cela : de la sueur, de la cyprine et du sperme, une lutte des corps qui se cherchent et se trouvent, violemment, sans fards ni justifications autres que charnelles.

Il paraît que c'est mon côté masculin, mais je ne suis pas d'accord. Les femmes également - peut-être pas toutes cependant - éprouvent ce désir organique brut, mais il est jugé de bon ton de l'habiller, le déguiser, l'adoucir en le parant de romantisme. Ainsi vêtu, il semble plus acceptable - quand il n'est pas bonnement et simplement renié, parce que tout de même, ça fait salope.

 

Pour te répondre plus précisément : plus j'y réfléchis, plus je pense qu'il s'est joué quelque chose de l'ordre du pouvoir dans ce rapport sexuel-là, mais d'un pouvoir plus subtil que celui du bâillon et des entraves. Une sorte de résistance psychologique sur fond de bataille. Refuser au partenaire cette jouissance est une façon de refuser de lui livrer une part de soi, celle qu'il s'emploie justement à obtenir. Le plaisir ultime se déplace ainsi sur un autre enjeu, non sexuel. Ne pas se déposer tout entière à ses pieds mais garder une frange, toute petite, de "sécurité". Refus du plaisir en verrouillage : l'autre pénètre profondément dans mon intimité mais n'a pas la clé ultime pour l'ouvrir. Cette clé, c'est moi qui l'ai gardée. Par mesure de précaution et de repli, comme refermée sur un bien précieux qui pourrait, sinon, être mis à sac.

Et je pense, forcément, aux cadenas que je collectionnais...

réponse de : Chut ! le: 13/03/2011 à 16h11
commentaire n° :3 posté par : COLDBEAR le: 13/03/2011 à 14h59

Tiens, Nancy Huston, un de mes auteurs préférés... Etonnant, en effet, même si ne je suis pas sûre de savoir comment le lire - ou plutôt à quel degré.

réponse de : Chut ! le: 13/03/2011 à 15h38
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