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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Vendredi 20 janvier 5 20 /01 /Jan 11:25

FinsPourquoi, comment cesse-t-on d'aimer ?

Je ne connais pas la réponse et pourtant, j'aimerais...

Le plus souvent, c'est moi qui termine une histoire. D'une cassure nette, tranchante comme un éclat d'os. Mes désamours ont des allures brutales, incompréhensibles, coups de tonnerre dans un ciel en apparence serein.

En apparence seulement...

Hier ensemble, aujourd'hui séparés sur un simple :

- C'est fini.

Et je m'en vais. Sans me retourner ni garder le contact.


Rarement mes ex deviennent mes amis.

Je ne les déteste pas, pourtant. Ne leur garde (en général) pas rancune de grand-chose. Ne les évite pas afin de me ménager, ni ne jalouse leurs nouvelles compagnes - a fortiori si rompre était mon choix, décision prise et assumée sans le mauvais goût de m'en plaindre.

La vérité est beaucoup plus plate et crue : je n'ai plus rien à leur dire.

Avec mes sentiments se sont éteints la curiosité, l'élan, le désir de partage.

Inaccessible, retranchée, me voilà en esprit distante de plusieurs océans. L'autre appartient à un passé dont mon départ a clos le chapitre. Un nouveau s'ouvre, encore vierge.

Il s'écrira sans lui, sans eux, ces hommes qui firent partie de ma route.


En avril dernier, "mon ange" fut profondément blessé de cette indifférence. Assis face à face près de la table de notre première rencontre, nous gardions le silence. J'étais enrhumée. J'étais soucieuse. J'avais mal au crâne.

Sa présence m'embarrassait.

Lui, chagriné, indécis, me scrutait comme si mon profil pouvait répondre à la place de ma bouche. En retour je le regardais m'observer en m'étonnant de ne rien ressentir.

C'était cependant bien le même homme. Toujours aussi brun. La bouche aussi généreuse. Le même beau visage taillé à la serpe, avec ces rides précoces qui lui donnaient tout son caractère. Ce visage que j'avais pressé entre mes paumes, étreint entre mes cuisses, dessiné sur le vide de ma chambre.

Le même homme, oui, mais plus celui si impétueusement aimé. Qu'ului vidé de lui-même, presque un étranger.

Impossible de le lui avouer comme de le lui cacher.

Retenant ses larmes, il bégaya :

- Je sais que c'est fini, mais... c'est effrayant... Tes yeux sont vides, si vides. Dedans, pas l'ombre d'un sentiment à mon égard. Pas même une étincelle, une toute petite. Je ne comprends pas.

 

Fins 2Il avait raison. À mes propres yeux mon détachement semblait effrayant. Je me faisais l'effet d'un monstre, d'un animal à sang froid.

Moi non plus, je ne comprenais pas. Ou plutôt, j'avais déjà compris, cinq mois auparavant, que notre histoire ne mènerait nulle part.

Parce qu'entre temps il y avait eu Pierrig et Mingus.

Parce que le train qui devait nous rassembler, mon ange et moi, je ne le pris qu'à contrecoeur.

Parce qu'une fois avec lui, le sentiment qui domina fut l'ennui.


Je baissai la tête sur mon jus de calamansi. Comme coupable alors que je n'éprouvais guère de remords.

Il n'y avait rien à répondre. Rien à expliquer. Rien à justifier.

C'était comme ça, juste comme ça.

Loin de moi l'idée de faire souffrir cet homme, mais qu'y pouvais-je ?

Rien. Sauf, peut-être, lui opposer le mur de mon indifférence pour le délivrer.


La douleur de le perdre m'avait néanmoins ployée. En décembre, à Chiang Mai, alors que nous attendions d'être réunis.

Un matin, je m'éveillai malade. Pas encore de la dengue mais de tristesse. Le malaise diffus des jours précédents s'était incarné en douleur aiguë. Je n'avais plus envie de notre appel aussi rituel que quotidien. Plus envie de nos discussions ni de son visage se mouvant sur mon ordinateur.

Cette absence de désir me glaça. Elle avait des airs de deuil bien avant un décès. Je tentai de la conjurer en lui attribuant des causes : la lassitude à chaque soir se répéter les mêmes phrases ; la présence, si rare, de mon demi-frère ; la fatigue de notre voyage.

Je voulais y croire mais n'y croyais pas.

Mon amour s'était effrité, mes sentiments lézardés. Leur lente carapate me laissait à nu, seule et désespérément vide.


Mais par quelle magie perverse cet homme ne comptait-il plus que si peu ?

Peut-être parce que j'avais vu ses failles. Pas celles d'une histoire personnelle, troublée et malheureuse. Sa fragilité me l'avait au contraire rendu proche, d'une proximité de guerriers ayant combattu leurs peurs et pansé leurs blessures.

Ses failles relevaient plutôt de nos différences. Il n'était pas là où je l'attendais. Son manque d'intérêt pour des domaines me tenant à coeur me frustrait. Une certaine patine de l'esprit, une profondeur de réflexion me manquaient. Mon ange tendait à trop accepter le monde tel qu'il était, sans remise en cause ni passage au crible.

Nos échanges figuraient une partie de ballon privée de rebonds, d'audacieuses passes et de piquantes remises en jeu.

Fatalement, ils tournaient court.


Fins 4Mon ange en était gêné. À l'autre bout de la corde, moi aussi. Je me reprochais d'être snob, inutilement raffinée et toujours insatisfaite.

Mais encore une fois, qu'y pouvais-je ?

Quand bien même je l'aurais voulu, il m'était impossible de me refaire.

Impossible, également, d'ignorer la réunion d'éléments jusqu'alors épars, rassemblement qui fit sens d'une flèche pointée vers la sortie.

Mais pourquoi ce que j'acceptais jusqu'alors m'était-il devenu insupportable ?

Existe-t-il une frontière invisible, une butée secrète frappée d'un "au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable" ?

 

Et avais-je vraiment aimé cet homme, au fond ?

Encore aujourd'hui je l'ignore. Oui, si j'en crois notre bonheur aux Philippines. Non, si je retire de l'amour mon emballement, un feu de paille qui vite se consuma. Sûrement avais-je davantage aimé l'amour, ces sentiments si délicieux et violents qu'ils me firent me sentir vivante.

Passionnément.

Quelques semaines après notre dernier verre sur la plage, il rencontra une autre femme. C'est peut-être ce qui lui permit de ne pas m'en vouloir.


D'autres n'eurent pas cette possibilité. De fait, leur rancune, leur désarroi ou leur colère durèrent davantage.

F., que je quittai brutalement pour Feu mon amour. Un an que nous étions ensemble et il n'avait rien vu venir. À dire vrai, moi non plus.

J'aurais pu rester mais jugeai la rupture plus honnête. Que Feu mon amour fût en mission à l'étranger ne changeait pas la donne. C'est avec lui que je désirais être, lui qui chaque minute m'habitait. Ajouter l'humiliation au mensonge me paraissait injuste vis-à-vis de mon compagnon.

Il ne méritait pas cette infidélité-là. Non celle de la chair dont il se moquait mais celle, bien plus intime et difficilement acceptable, de l'esprit et du désir.


Dermott avec lequel je passai plus de trois ans, jusqu'à un 31 décembre et une dispute de trop. Séparés par les barbelés de notre discorde, nous rentrâmes en métro à l'aube. Lui debout contre la porte, moi assise sur la banquette.

Je fixais son manteau gris en songeant "tout ça pour ça ? Quel gâchis...".

2005 commençait bien mal. Je refusais une nouvelle année minée par nos querelles, le fossé d'une incompréhension, d'un agacement réciproques ne cessant de s'agrandir.

Ma décision fut à l'image de ma colère : rapide et non maîtrisée. J'allais achever cette histoire qui, de toute façon, se mourait.


Fins 3Une fois dans son appartement, je vidai à terre le sac de cadeaux destinés à sa famille, emballai mes affaires et dis :

- C'est terminé. Adieu.

Dermott ne me prit pas au sérieux. Ou si peu qu'il ne bougea pas du canapé ni n'esquissa un geste pour me retenir.

Ses lèvres se fendirent d'un sourire sarcastique.

- C'est ça. À demain midi, pour le déjeuner chez mes parents.

Il n'y eut pas de demain.

Pas vraiment d'explications non plus.

 

La prédiction faite deux ans plus tôt avait fini par s'accomplir.

J'avais alors annoncé :

- Je suis capable de démolir ce que j'ai patiemment construit. En une minute, sur un claquement de doigts et quasi sans regrets.

- Merci de me prévenir... avait soufflé un Dermott aussi grognon et surpris.

Aussitôt je m'étais mordu les lèvres. Consciente de m'être trop livrée, mécontente de mon bavardage, inquiète de lui fournir des raisons de ne pas s'engager, navrée de le pousser à se défier de moi. J'avais par étourderie négligé une évidence : toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

J'espérais toutefois que cet homme soit l'exception à ma règle. Règle qu'en vérité je subissais autant qu'eux, sauf qu'elle les blessait davantage.

Dermott ne fut pas l'exception. Feu mon amour, si, mais sûrement parce que je le quittai en l'aimant encore.

C'est, je crois, une des choses les plus difficiles que j'ai faites, comme une des décisions les plus douloureuses à tenir.

Il me fallut plus d'un an pour vraiment m'en remettre.


 

 

Photos : Izis, Al Fenn,

Heinz Hajek, DR.

Par Chut ! - Publié dans : Bribes perso - Communauté : les blogs persos
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