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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Samedi 3 octobre 6 03 /10 /Oct 03:33
J'étais en retard de cinq minutes, elle de plus d'une heure.
À un moment, elle traversa la petite salle d'attente et me sourit. Je pensai qu'elle m'avait reconnue. Alors je lui souris, espérant que mon tour allait enfin venir.

De la musique trop forte sortait des enceintes fixées au mur. Du rock, des groupés indés à flux continu. J'ai pensé que ça faisait bizarre, cette musique pas raccord avec le maintien supposé, un peu rigide, d'un cabinet de médecins.
Puis j'ai pensé que je tournais vieille bique d'avoir de tels préjugés. Quà sa place, j'aurais probablement voulu dépoussiérer la raideur des conventions.
Recevoir des malades n'empêche ni d'aimer le rock, ni de le faire savoir.

J'ai pensé ensuite que cette musique jouait peut-être un rôle dans celle, répétitive et lassante, qui s'égrenait à l'intérieur du cabinet.
"Docteur, j'ai le nez bouché."
"Docteur, j'ai mal au ventre."
"Docteur, j'ai des insomnies."
Difficultés à respirer, à digérer, à dormir.
Difficultés à vivre, tout simplement.
Une musique couvre l'autre et empêche les oreilles indiscrètes d'entendre ce qui ne les concerne pas. À moins que la finesse des cloisons n'en soit la raison : sans même vouloir les écouter, les malheurs des autres nous prennent à témoin. Noyés sous une bonne couche de musique, on n'est plus témoin de rien.
Pratique.

Une femme très jeune sortit du cabinet, louvoya dans la salle d'attente. Je crus qu'il s'agissait d'une patiente, que mon tour était enfin venu.
"Impossible, rectifiai-je aussitôt, elle n'a pas de manteau."
En effet,
documents calés sous un bras, elle fit route dans l'autre sens. La porte se referma derrière elle.
J'avais déjà inspecté de haut en bas la pile de magazines, feuilleté les plus intéressants, lu les affiches placardées dans un joyeux désordre, refait mentalement la déco. La pièce triste, à la limite du miteux, en aurait eu bien besoin.

Le temps commençait à me sembler long. Très long.

J'ai pensé que si j'avais été médecin, j'aurais eu une jolie salle d'attente. Une accueillante qui met à l'aise comme du baume sur une plaie. Une dont on n'a pas envie de sortir à peine y est-on entré. Une de bon goût mais sans ostentation, histoire de ne pas effaroucher la clientèle.
Chez certains médecins, on flaire déjà que la plus douloureuse
partie de la visite sera la fin, ce moment où vous serez gratifiés, sans même un sourire, d'une facture à trois chiffres.

Au bout de trois quarts d'heure, j'ai pensé qu'elle m'avait oubliée, peut-être parce que mon nom ne figurait pas dans son carnet. J'avais appelé en début d'après-midi sans conviction : obtenir un rendez-vous pour le jour même, je n'y croyais pas. Et que j'en aie besoin ne changeait rien à l'affaire.
Aussi fus-je agréablement surprise lorsque la secrétaire me demanda :
- 15h45, cela vous convient ?

Au bout d'une heure, ma patience se réduisait à peau de chagrin. Quand la porte s'ouvrit à nouveau, j'étais résolue à réclamer un brin d'attention. Gentiment et sans râler, renfonçant dans ma gorge l'irritation qui y couvait.
Elle me coupa l'herbe sous le talon :
- Vous êtes... ? Vous avez rendez-vous à... ? Avec mon collègue ?
Au temps pour moi. Fichue prétention de croire qu'elle m'avait reconnue. Son sourire n'était que de politesse, un truc creux adressé en passant à quelqu'un qui visiblement s'emmerde.
Je décline mon nom. Précise que j'attends depuis une heure. Elle ne s'excuse ni ne me propose d'entrer. Non. À la place, elle s'esclaffe. Me tourne le dos et s'adresse, toujours hilare, à quelqu'un. Sûrement la jeune femme aux documents, qui rigole aussi.
Deux minutes et dix blagues plus tard, elles n'ont toujours pas éclairci le mystère de qui est passé à ma place. En revanche, elles se sont bien marré.
Moi pas du tout. N'ayant pas été invitée à me lever, j'attends encore agrégée à ma chaise.

Ce rendez-vous part vraiment mal. D'autant plus mal que ce n'est pas elle qui s'installe derrière le bureau, mais la jeune femme. Qui ne se présente pas.
Comme je garde aussi le silence, une gêne s'installe.
Un "Mademoiselle Cortez, interne" vient la rompre. C'est la généraliste qui a parlé et non Mademoiselle Cortez, trop occupée à bidouiller l'ordinateur.
Je n'avais rien contre elle mais là, ça commence.

Aucune envie de m'adresser à cette interne, de lui expliquer ce qui m'amène ici, de lui dérouler le fil de mes problèmes alors que je ne l'ai jamais vue.
Ce que j'ai à dire est trop intime pour sortir facilement devant une personne. Alors devant deux...
Je suis agacée qu'on m'impose sa présence sans me demander mon avis. Je juge ça incorrect, déplacé, non professionnel.

Ah oui, j'oubliais.
Moi, je suis la patiente. Celle qu'on oublie en salle d'attente, qui paye et qui, en prime, doit fermer sa gueule.
Ma gueule, il vaut
en l'occurrence mieux que je la ferme, car je suis venue demander un service. Pas grand chose en soi, mais je me doute que ça risque de coincer.
Mon bon sens me souffle que si je commence par "j'aimerais que Mademoiselle Cortez sorte", je n'obtiendrai jamais ce dont j'ai besoin.

- Qu'est-ce qui vous amène ?
me questionne la généraliste.
Je commence à réexpliquer ce que je lui ai confié il y a des mois. Qui figure déjà dans mon dossier. Mon dossier qu'elle ne voit pas puisque l'interne monopolise l'ordinateur. Qu'elle se fiche d'ailleurs de voir, puisqu'elle n'a pas un geste pour accéder aux données.
Je mentionne que je reviens d'une consultation spécialisée en Espagne.
- En
Espagne ? Et pourquoi ?
L'inflexion n'est pas cordiale, elle est suspicieuse. Je serre les poings. Dans mon dos, pour que ce geste lui échappe.
Je brûle de lui rétorquer que
pourquoi, elle devrait s'en douter. Qu'en tant que médecin, elle est censée connaître les lois médicales de notre pays. Mais peut-être est-ce moi qui suis trop exigeante, puisqu'être médecin ne signifie pas tout savoir.
Ma réponse tombe, laconique :
- Parce que je n'ai pas le droit en France.
Moue dubitative et ennuyée, genre "à d'autres".
"Me crois pas, t'as raison. Se taper 2500 bornes pour atterrir dans une clinique, tout le monde en rêve. Trop nul
d'être pris en charge à côté de chez soi. Et être exclue de toute couverture sociale, c'est le pied intégral. Bientôt tu vas m'accuser de faire du tourisme sous prétexte que Barcelone est une belle ville, pas vrai ?"

Je respire un bon coup. Sors mes dernières analyses et les papiers fournis par la spécialiste d'Espagne, qui n'est d'ailleurs pas espagnole mais française. Clair que sur ce créneau-là, y a des sous à se faire à l'expatriation.
- Mes analyses sont anormales, j'aurais besoin d'un traitement. Ou plutôt de deux.
Elle prend la feuille que je lui tends, la parcourt d'un air vaguement dégoûté, lève les yeux au ciel et les rabaisse sur un classeur. Classeur qu'elle prend et feuillette en marmonnant "mais où est donc ce papier de formation ?".
Enfin... Feuilleter est un grand mot, puisque ledit classeur est bourré de papiers volants, de demi-pages griffonnées et de post-it.
Moins une que le contenu ne finisse sur la moquette.

Ce que j'ai est clair, les traitements simples. Je les connais pour les avoir déjà pris et même conseillé à d'autres femmes dans mon cas.
D'accord, je ne suis pas médecin, mais le sujet m'intéresse depuis longtemps. Partant de là, je me suis bien documentée. Et d'autant mieux que me voilà touchée.
Elle,
façon cochon truffier, fourrage encore dans son classeur. Me débite un truc sans intérêt et se contredit aussitôt.
Une vague de découragement me submerge. Elle n'y connaît rien.
J'avance un éclaircissement. Elle me foudroie du regard.
Vrai, j'oubliais. Chacune à sa place.
Moi, je suis la patiente, l'imbécile, l'ignorante qui ne doit pas se mêler de savoir. Et si je sais et que par malheur j'ose le dire, je suis une chieuse.


- Je ne vous prescrirai pas ça, tonne-t-elle. Hors de question !
J'essaie d'argumenter. Elle me coupe. J'argumente plus fort mais je n'ai plus la patience, juste une énorme boule de colère qui fait dérailler ma voix.
Je suis épuisée de ce cirque.
Je veux m'en aller mais... Ces
antibiotiques, il me les faut.
Alors je me dis qu'à défaut du premier, je pourrais peut-être obtenir le second.

C'était compter sans Mademoiselle Cortez. Après avoir entré le nom dudit
antibiotique dans l'ordinateur, elle lâche un triomphal :
- Celui-là, il n'est pas pour ce que vous avez. Enfin, pas pour un de vos problèmes immédiats, hein.
- Tiens donc... Pourquoi un spécialiste me l'aurait-il prescrit, alors ?
Silence embarrassé.
Mademoiselle Cortez feint de n'en avoir aucune idée. Si elle lisait la notice en entier, elle en trouverait peut-être une.

Sentant la situation lui échapper, la généraliste
s'empare de la feuille oubliée sur le bureau. Pointe un à un les médicaments de la liste en les ponctuant d'un rageur :
- Et ça, ça, ça, à quoi ça sert, d'abord ?
J'hallucine. Moi à qui elle n'accordait
plus tôt aucun crédit, elle me somme à présent de lui fournir des explications techniques.
Je grille de lui balancer de retourner à son classeur. D'ouvrir son Vidal. De me rendre cette putain de feuille qui ne la concerne pas, puisque destinée à un autre spécialiste.

Mais non. Lorsque j'ouvre la bouche, c'est pour lui expliquer mon futur traitement. Dans lequel elle ne sera pas impliquée, qu'elle se rassure.
Plus j'explique, plus ma voix s'emballe, plus mon ton monte. Je suis à bout d'avoir à me justifier, d'être malade et de quémander deux - pardon, trois - médocs. Qui ne figurent d'ailleurs pas sur cette liste qu'elle s'acharne à secouer comme un prunier.
D'accord, j'ai sûrement mal présenté les choses.
D'accord, aucun médecin n'apprécie d'être guidé dans ses prescriptions.
D'accord, la doctoresse espagnole aurait dû écrire une lettre.
Tout cela, je l'admets volontiers. Mais ce que je n'admets pas, c'est l'
incompréhension, l'incompétence et le mépris.
- Ça suffit, maintenant !
Oui, madame la généraliste. Ça suffit bien.
- Si ça ne vous convient pas, allez ailleurs ! Ou retournez en Espagne !

Là, j'ai craqué, attrapé un mouchoir dans mon sac, l'ai serré contre ma bouche et hurlé dedans. En silence, parce qu'aucun son ne voulait sortir.
Le silence a dû durer cinq minutes. Après autant de cris, c'est interminable.
Les deux femmes ont dû me regarder interloquées. M'en foutais. J'avais tellement d'eau dans les yeux que j'étais aveugle. F
ixant le mur, j'ai balbutié :
-
J'ai des problèmes de santé, je viens ici parce que j'ai besoin d'aide, et voilà... Tout ça, c'est double peine. Double peine.

Fin de la consultation.
Mademoiselle Cortez a tapé une ordonnance incomplète. La généraliste me l'a remise.
J'ai quitté le cabinet.
Je n'y reviendrai plus jamais.
- Bon courage, qu'elles m'ont dit.
Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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