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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Femme
  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 4 août 2 04 /08 /Août 01:13
- Tu viens de trouver le père de tes futurs enfants, me dit un soir Ethan.
Il plaisantait, bien sûr. Notre rencontre ne datait que
de trois jours, alors que, derrière le comptoir du club de plongée, il distribuait des formulaires aux nouveaux élèves.

Je lui posai une question et sa réponse me plut grâce à un mot : pamper (gâter, dorloter). Quelques semaines auparavant, je l'avais entendu dans la bouche d'un autre homme, lors d'une conversation dont je me souviendrai longtemps.
De lien en lien à rebours, ce mot m'évoquait
le golfe de Thaïlande, le sable de Malaisie, le coton doux des couches de nouveaux-nés. Pour un peu, il en était venu à m'obséder comme d'autres par le passé.
Qu'Ethan l'employât me sembla un signe que je m'efforçai d'oublier.

Ce signe, probablement rien en soi, résonnait toutefois sur un autre si violent que lui, je ne pus l'ignorer.
Dans le bateau qui me menait sur Koh Tao, je pris place près d'une fenêtre et, les yeux fixés sur l'écume, m'engonçait dans une rêverie.
Lassée de la mer, je m'adossai contre la coque.
De l'autre côté de la travée se tenait, de dos, une femme blonde et mince, un bébé sur les genoux. Lorsqu'elle tourna la tête, je crus défaillir.
Même coiffure, même nez, mêmes yeux, même bouche, même menton... Elle avait trait pour trait le visage de ma mère à trente ans.
Le bébé pivota son petit buste vers moi. Je me mordis les poings pour ne pas hurler. Cette bouille toute ronde auréolée de mèches maïs frisottées, ces yeux translucides sur une peau pâle, cette bouche ouverte sur un sourire sans dents, c'était moi sur une vieille photo.
Mon portrait tout craché jailli d'un vieil album et brandi sous mon nez.

À côté d'eux se tenait le père. A
u jugé dix ans d'écart avec sa femme, pile la différence d'âge entre mes parents. Accroché à son cou, un jeune garçon. Le frère que j'aurais eu si ma mère, à l'époque trop jeune, n'avait pas pris la décision d'avorter.
Ce fut à l'aiguille à tricoter, dans une cuisine malpropre où, se vidant de son sang, elle manqua de laisser sa peau. Après un tel carnage, m'avoir fut une bénédiction. Unique car les dégâts furent tels que son corps ne put mener une nouvelle grossesse à terme.
Je grandis donc dans le regret de n'avoir point de frère. Point de petit-grand mec en guide de vie, que j'aurais autant attendri qu'exaspéré, dorloté que martyrisé.

Pendant tout le trajet, j'observai la famillle. Le père, l'enfant, le bébé, la mère. Et toujours mes yeux incrédules revenaient sur elle, la mère.
Confondue par tant de ressemblance, je fouillai mon portefeuille pour en sortir le portrait de la mienne, la seule photo avec laquelle je voyage et qui veille sur moi dans mes ailleurs. Je me mis à comparer le portrait et le visage, le visage et le portrait.
C'était les mêmes, absolument.
Agrippée à la banquette, je me retins d'approcher, de la toucher, de me réfugier dans ses bras, de lui crier "Maman, maman !".
La scène aurait été pathétique puisque le temps passant, j'étais désormais plus âgée qu'elle.
Je quittai le bateau retournée, titubante, malade.

Juste après, je rencontrai Ethan.
Trois jours plus tard, il me proposa un verre. J'interprétai cette invitation comme une politesse de gentleman : les autres plongeurs ayant terminé leur cycle d'apprentissage, je me trouvais soudain seule.
Je la pris aussi comme une petite revanche sur un trop bref instructorat. Disposant d'une formatrice attitrée, je n'avais passé que dix minutes sous sa garde.

Trois minutes sur le bateau où, juste avant que je ne saute avec mes bouteilles, Ethan m'arrêta.
- Fran-çai-se... Cheuu-veuux, articula-t-il en feignant de se repeigner.
Je compris. Les mèches glissées par inadvertance sous mon masque n'assuraient plus son étanchéité. Je le remerciai et me jetai de la passerelle, droit dans le bleu.
Sept
minutes par des mètres de fond où, grappe humaine accrochée à la même racine, nous suivions jusqu'à l'ancre la ligne de flottaison.

Je me trompai toutefois. L'invitation d'Ethan ne relevait pas plus de la galanterie que d'un cours inachevé. Elle s'articulait plutôt sur le "montrez-moi qui désirer" du Fragment d'un discours amoureux.
Notre passeur fut Bob, un de ses amis australiens. J'ignore ce que Bob (pres)sentit en moi, ce qui lui permit d'affirmer à Ethan qu'il devrait me connaître : des quelques phrases banales que nous échangeâmes, je n'en compris que le tiers. Juste assez pour fournir des réponses indigentes de parfaite couillonne.

Un crochet à Bornéo. Un aux îles Perhentians où Ethan me rejoignit. Après un marathon de vingt-quatre heures, nous revînmes sur son île, donnant ainsi raison au proverbe local :
"Ici, on ne se dit jamais adieu, juste au revoir."
Pour moi Ethan ouvrit tous ses espaces de célibataire : sa maison, la chambre de mon choix, les lieux secrets qu'il aimait.
Il me confia également ses clés, métaphore d'une serrure qui jour après jour s'ouvrait.
Au petit matin, alors que je dormais encore, il m'enlaçait ou me regardait. Me nourrissait et glissait ses jambes autour de mes hanches pour mieux discuter à fleur de peau, apaisait mes cauchemars et sécha mes larmes le jour d'un triste anniversaire.
Mais jamais, dans sa grande délicatesse, il ne prononçat le mot "amour".

Une fois en France, je lui fis part du dilemme auquel j'étais confrontée et qui menaçait de m'engloutir. Il m'offrit d'être le père de mon enfant. Vu son histoire tourmentée, je savais ce que cette proposition lui coûtait et faisait résonner en lui.
J'hésitai, longtemps, avant de refuser.
Avec le cadeau de Dorian, ce fut le plus beau que je n'ai jamais reçu.

Depuis un mois, la générosité inouïe des hommes de mon chemin ne cesse de me bouleverser.
Par Chut ! - Publié dans : Ethan, little big man
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Commentaires

Question idiote, sûrement:
as-tu pris une photo de cette femme?
commentaire n° :1 posté par : Ordalie le: 04/08/2009 à 06h08
Non, Ordalie, ta question n'est pas idiote. J'y ai pensé. Sortir l'appareil photo, le braquer sur elle, je n'ai pas osé.
Puis il y a autre chose, plus difficile à formuler :
j'ai eu l'impression d'être face à un "fantôme" de chair et d'os (fantôme n'est pas le mot juste, mais je ne le trouve pas s'il existe), un fantôme que je ne devais pas fixer sur pellicule, juste dans ma mémoire. Un peu comme on laisse partir une ombre - ou un passeur - qui vous a indiqué un chemin. Comme si son rôle avait été de me dire "Tu vois, je suis là malgré tout" mais que je ne devais pas chercher à la retenir.
Je ne sais pas si je suis très claire...
réponse de : Chut ! le: 04/08/2009 à 16h17
Oh oui c'est clair. Une vision aussi extraordinaire, on doit rester pétrifié, avoir l'esprit qui chavire. Comment oser photographier un ...fantôme? un souvenir incarné? un rêve?
Dans un appartement rénové d'une bâtisse datant du Moyen Age, j'ai été réveillée une nuit par les bruits d'une réception: roues des carosses sur les pavés, injonctions aux cochers, bavardage des invités, tout cela bien réel et pourtant...J'avais basculé dans le temps. C'était il y a trente ans, je ne l'ai jamais oublié.
commentaire n° :2 posté par : Ordalie le: 05/08/2009 à 05h05
Des "visions" comme celles-là ne s'oublient jamais. Je crois profondément qu'il y a une autre dimension dont nous ignorons tout et que nous effleurons parfois. A moins de rencontrer un(e) passeur(se) qui nous y fait entrer par à coups. Ou, du moins, qui nous emmène tout près de la porte entrouverte.
Il arrive aussi que cette dimension s'impose avec violence. Et comme tu le dis, on en reste profondément bouleversé.
réponse de : Chut ! le: 08/08/2009 à 23h06
Accroche toi, tu es sur le point de trouver ta voie, je sais que les heures actuelles sont très pénibles mais ne lache rien.
Termine ce que tu dois faire ici et va renouer le fil de ta vie...entrevu sur le pont d'un bateau qq part en Asie. Tout a un sens...
commentaire n° :3 posté par : léo le: 11/08/2009 à 01h45
... pour celui qui sait le lire. Il me paraît rarement évident (il y a tant de lectures possibles) mais là, oui, je tiens quelque chose.... et pas le diable par la queue !
Ca s'éclaircit, comme le ciel après une tempête. Sauf typhon, je retournerai à Koh Tao, l'île sur laquelle on ne se dit jamais adieu. :)
réponse de : Chut ! le: 02/09/2009 à 14h24
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