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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Dimanche 2 août 7 02 /08 /Août 22:42
En rentrant d'Asie, j'avais dit que je voulais la faire. Les semaines passant, je n'en avais plus envie. Pas le cœur à la fête. Pas l'âme à la rigolade. Puis l'excuse toute trouvée des vacances.
"Y aura personne, tout le monde s'en va."

C'est Ether qui m'a poussée. Ether et un autre truc à l'intérieur de moi. Un truc comme une lueur qui vacille
au bout du couloir, un lacet qui se desserre autour de ma gorge, un fourmillement de poings qui pousse.

J'ai alors pris mes nouvelles mains pour faire une liste. Y ai couché les noms de ceux que je connais et aime, de ceux que j'aime sans bien les connaître, de ceux que j'aimerais connaître davantage. Et j'ai enfin décroché mon téléphone.
"Es-tu libre vendredi ?"

L'après-midi du jour dit, loin de l'excitation de réunir mes amis, j'étais au lit. Échouée en méduse, dormant comme deux sapeurs. Les cris des ouvriers qui, dans la cour voisine, s'interpellaient du haut des échafaudages ne me troublaient pas. Le vacarme de leurs machines non plus.
Écrasée de fatigue, de cette fatigue si lourde qu'elle a des airs d'abysses, je dormais.
C'est le réveil qui m'a tirée de mes
brumes.

J'ai regardé l'heure. Pas encore levée, déjà épuisée, déjà en retard. J'ai appelé Ether pour lui dire que j'arrivais. Adorable, elle s'était chargée des courses et du lieu : chez elle, parce qu'elle a un grand salon.
Je savais qu'à tous on ne le remplirait pas, mais qu'importe ?

À peine arrivée, je suis ressortie. Il manquait, pensait-on, trop de nourriture et de boissons pour que la fête ait un air de fête.
En fait, nous nous trompions. C'est l'opulence des restes qui, une fois l'appartement vide, nous l'a appris.

En revenant chargée de quelques sacs, j'ai aperçu Dorian. Il marchait, dégagé, en jeans et chemise bleue, un sac sur l'épaule. J'ai poussé un cri qui pourrait être de ralliement.
Il a sursauté, souri, pris les sacs puis moi entre ses bras.

Depuis notre dernier dîner, d'autres mauvaises nouvelles étaient tombées. Dorian et moi en avions parlé, très peu, très vite. Aussi quand il m'a serrée, très fort, pensai-je qu'il estimait à quel point ma résistance avait été entamée. À quel point j'étais fragile sur mes deux pieds.
J'étais sûrement partie sur une fausse route.
S'il me serrait si fort, c'était juste qu'il m'aimait et me le montrait, simplement, sans mots.
- Tu es radieuse, me complimenta-t-il alors que nous traversions la cour arborée.
J'agitais les mains pour ne pas le traiter de menteur.
Chez Ether, la glace m'avait renvoyé un petit visage chiffonné. Cernes, plis, creux et bosses des coups du sort et des stigmates du combat. La poudre masque, le fard avive, mais sous la poudre et le fard se tient toujours la même peau.

Les invités arrivèrent les uns après les autres. Aucun ne se connaissait auparavant, mais je ne m'inquiétais pas. Je savais qu'ils s'apprécieraient autant que moi, je les appréciais. Et la soirée a coulé comme l'alcool. S
imple, fluide, forte.
Appuyée sur le minibar, entourée de rires, d'exclamations et de paroles en l'air, je me suis soudain retranchée. Ai appuyé sur pause pour les regarder tous, un par un. Ether mon amie-ma sœur et Yann son frère, Kim le voyageur, Sandra si drôle et Agustin si sensible, Antoine l'artiste, la belle Mathilda à son bras, et Dorian.
J'ai pensé q
ue j'avais la chance de les avoir tous autour de moi. Que ce moment de grâce ne reviendrait plus.
L'émotion me serra la gorge.

- Vous savez ce qu'elle a osé faire lors de notre dernier dîner ? lança Dorian à la cantonade.
Concert amusé de non en invitation à dire davantage.
Ouh là, aucun doute, il va m'habiller pour l'été. Je relâche à la hâte le bouton pause et redescends de mon nuage. Dorian a au coin des lèvres la malice des enfants qui possèdent un secret, doublée de l'excitation de ceux qui vont le révéler.
Ce secret, j'ai beau le chercher, je ne le trouve pas. Que le serveur soucieux de m'orienter vers un plat féminin ait été congédié d'une "grosse entrecôte à point et dégoulinante de frites", est-ce un secret ?
Non. Tout au plus un micro-événement culinaire.

- J'vous raconte, alors ?
Chœur de oui aussi intrigués qu'enthousiastes.
- Et bien... Nous mangions en tête-à-tête sur une terrasse. À un moment, je m'absente cinq minutes et lorsque je reviens... Elle draguait les trois garçons de la table voisine !!

Je m'insurge. Soutiens à Dorian qu'il n'a rien compris. Que sa mauvaise foi est d'une évidence rare.
- Mais je ne les ai pas abordés ! C'est le petit brun qui m'a demandé si, entre toi et moi, il y avait une possible ouverture.
- Et tu as répondu ?
- Impensable, on est des amis de 13 ans.
- Voilà... Merci de confirmer : tu lui as laissé la porte ouverte.
- Mais pas une seconde ! Admets que tu es tordu, à voir des sens cachés partout !
- Et son voisin, il te plaisait beaucoup, non ?
- Là, j'avoue. Il était canon, son voisin. Mais aussi beaucoup trop jeune.

- Trop jeune, trop jeune... Tu me parlais à moi en le regardant lui !

Dorian faussement indigné rit, avec dans le regard une pointe d'autre chose. Quoi exactement ? Mieux vaut sans doute pas chercher.
La zone est trop instable, dangereuse, à la lisière de notre amitié.

À la fin de la soirée, Dorian m'enlaça et me souffla :
- Je voudrais t'aider. Mais pas que t'aider. La vérité est que j'ai envie de toi. Et que cette vérité-là, c'est aussi le moyen de t'aider.
Nous sommes rentrés ensemble. Avons fait lentement les gestes du rituel de l'amour et du sexe. Aussi tendres, forts et complices qu'il y a onze ans, lorsque nous ouvrîmes notre brève parenthèse d'amants.
Quand son sexe vint aux bords du mien, ma paume se posa sur sa hanche. Un petit stop qu'il était libre d'ignorer.
- Tu es sûr que... ?
- Oui, certain.

Le préservatif resta emmailloté dans son sachet.
- Tu sais qu'il y a une chance sur un million, n'est-ce pas ?
- Je veux la courir. Parce que la science peut se tromper. Parce que j'aimerais un enfant avec toi.

Lorsqu'il jouit, des milliers d'étoiles s'invitèrent dans ses yeux.
- Je crois qu'on est fous, dis-je.
- Je ne crois pas. Et même si, et alors ?
Je ne te demande que de me donner des nouvelles. Où que tu sois, ne cesse jamais de m'en donner.

Dorian parti, je me renversai sur le sommier, glissai un coussin sous mes fesses, encerclai mon ventre de mes mains. Puis je parlais, parlais dans le noir, à cet enfant si désiré.
Je lui racontais cette nuit, je lui racontais son père.
Je lui expliquais mes doutes et cette envie qui montait du dedans.
Je le suppliais de s'accrocher pour que j'ai la chance de le connaître.
Je l'assurais que s'il venait en dépit de mon corps cassé, il serait le fruit de l'amour.
D'un amour très particulier entre un homme et une femme.

Par Chut ! - Publié dans : Dorian, un amour particulier
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