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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 17 février 2 17 /02 /Fév 00:45
Paulien a laissé le double de ses clefs chez moi. Depuis notre bizarre rupture, elles sont suspendues à un clou sur ma bibliothèque, parmi d'autres clefs qui n'ouvrent plus aucune porte.
Ces clefs-là n'appartiennent pas à d'anciens amants mais à des appartements où j'ai vécu.
Il paraît que chaque pot a son couvercle, chaque pied sa chaussure. Pour moi, avec ou sans manie des cadenas, chaque clef aurait plutôt sa serrure.

Les clefs de Paulien n'ont rien de spécial à part ouvrir une porte blindée. Particularité qui les rend embêtantes à perdre ou à laisser sur la bibliothèque d'une ex.
Après le temps de silence à observer après toute rupture, je lui proposai de les récupérer.
Je tombai sur son répondeur et souris.

Rien n'avait changé. Toujours le même ferraillement de métro ou de gare à l'amorce du message. Puis,
juxtaposée au vacarme, sa voix hésitante comme s'il ne se rappelait plus de son nom, plongeant dans les basses pour ânonner son numéro, comme s'il en découvrait les chiffres dans une boule de cristal.

Paulien me rendit la politesse du répondeur quelques jours plus tard. Il partait aux États-Unis pour des colloques, rentrerait quand je partirai en Asie. Ses clefs pouvaient donc attendre mon retour, un prochain coup de fil, une sédimentation sur ma bibliothèque.

Le temps passa. La sédimentation prit corps et racine. Il était temps de sortir la machette.
Je rappelai Paulien, sûrement surpris qu'une fille tienne tant à lui rendre ses clefs sans qu'il ne les ait réclamées.
Avec lui, dès la première rencontre, le contact avait toujours été immédiat, évident. Là, il l'était moins. Notre entame de conversation avait des airs de machine usée se dégrippant à coup de politesse bien huilée.
"Comment-vas-tu-bien-super".
Quand on n'a plus rien à se dire, on recommence souvent le cycle depuis le début.
"Comment-vas-tu-bien-super-génial-au revoir".
Quand on a juste besoin d'un tour de chauffe, on laisse l'entame à sa juste place : la poubelle. Aussi la discussion s'emballa-t-elle à sauts et à gambades de puce et de géant, entre New York, la Malaisie, Bangkok, l'Arménie et Paris. D'ordinateurs en bouquins, de destinations improbables en appareils photo sur fond de cris d'enfants.

Rarement, j'ai trouvé en un homme autant qu'en Paulien ma moitié d'orange et de cerveau. Des soirées entières, assis à même le sol, nous sirotions du bon vin, plongés dans des arguties qui ne passionneraient que nous.
- Tout ça, c'est quand même de l'enculage de coléoptères, rigolais-je en chemin.
Aussi une seule évocation de la mouche de Uexküll, biologiste et philosophe allemand, pionnier de l'éthologie, suffisait à nous faire hurler de rire.
 

Le combiné collé à l'oreille, j'écoutais Paulien en souriant, submergée de souvenirs.
Je revoyais son appartement moquetté de poils gai-luronesque, le fatras de ses livres débordant des étagères, le piano surchargé de photos et de dessins, le balcon exigu où nous nous serrions pour le petit-déjeuner,
le doudou abandonné sur la rembarde.
La lumière chaude d'été filtrée par les stores alors que nous faisions l'amour dans la chambre, la nuit profonde des stores fermés alors que nous reposions au salon, enlacés sous la couverture trop mince par des nuits trop fraîches.

Sa salle de bains presque pire que la mienne, avec ses étagères et sa patère qui n'en finissaient plus de tomber.
Ses voisines collet-monté et son ascenseur qui s'arrêtait au premier au lieu du rez-de-chaussée.
Le jour où il en sortit, lunettes de soleil sur le nez, son plus jeune enfant dans les bras, image d'une paternité douce que je n'ai jamais connue.
Le jour où la baby-sitter, débarquant dans le chaos du lieu, bousculée par un basset et deux gamins surexcités, me prit pour la mère du plus jeune parce que Paulien était brun et moi blonde aux yeux bleus.
Je m'amusais de la méprise en songeant que l'évidence ne coule pas toujours de source.

- Je suis heureux de t'avoir connue, me lança Paulien tout à trac, alors que la conversation touchait à sa fin.
- Moi aussi. Mais si tu le dis comme ça, brrr... J'ai l'impression que je vais mourir.
- Alors disons que je suis heureux de te connaître.

L'émotion passa, fugitive.
Moi aussi je suis heureuse de connaître Paulien.
J'espère même qu'un jour, nous deviendrons amis. Peut-être lorsque je lui rendrai, au printemps, le trousseau qui ouvre sa porte blindée.
Par Chut ! - Publié dans : Eux
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