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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mercredi 14 janvier 3 14 /01 /Jan 05:51
Je suis dans la salle de bains du trois-pièces que j’occupe avec une amie d’enfance. Seule et postée entre les deux glaces de notre vieille armoire de toilette. J’ai découvert qu’en les ouvrant, je peux enfin me voir comme les autres me voient : de profil.

Les sourcils arqués au crayon, les yeux rehaussés de fard, les oreilles alourdies de perles, je pose en me racontant des histoires. J’ai un quart de siècle, je suis grande, je suis adulte, je suis belle.
Sur ce dernier point la glace ne me contredit pas, car dedans, je suis belle. Belle et lisse comme un fruit encore trop vert de ses vingt printemps. Alors je plisse la bouche, fronce les sourcils pour me vieillir et deviner les sillons que le temps creusera sur l’écorce, quand la pulpe, vidée de l’intérieur, aura disparu.

Rien ne se passe.
Dans le miroir mon reflet est toujours désespérément plane. À croire que je ne vieillirai jamais. Ou trop à l’image des femmes de ma famille, brutalement par le bas, le menton soudain plongeant et triste, les joues tirées par un poids invisible, affaissées sur un cou fondant comme de la cire chaude.
Ma grand-mère a ce visage lentement détruit par la gravité de la pesanteur. Sur moi la pesanteur n’a encore aucun poids, la gravité non plus. Pourtant, Dieu sait que dès ma plus tendre enfance, j’ai été grave.

« Allez… Plisse davantage la bouche, fronce encore les sourcils... »
Sentant la ligne d’arrivée toute proche, je m’encourage telle une jument de tiercé pressée de rejoindre l’écurie. Mon acharnement paye. Fibre après fibre crispée, les voilà qui apparaissent, mes pattes d’oie et ma ride du lion. Timides et légères, à peine des entailles sur mon visage de poupée russe, à peine un coup de canif au contrat de ma jeunesse.
À peine, oui, mais le bouleversement de cet à peine-là est une décennie de plus.
Soudain je repense à Duras et à son « visage parti dans une direction imprévue », « détruit » à dix-neuf ans. D’ailleurs, dans mes rêves, je m’appelle Marguerite et construis un barrage contre le Pacifique.
Dans mes rêves, c’est même moi qui ai écrit L’Amant.

J’ai vingt ans, plus tout à fait l’âge de la candeur mais pas encore celui du désenchantement. Et du haut de mon insolence, je réclame une face cabossée par la vie, ignorant encore qu’il est stupide de devancer ce qu'elle vous servira à triple dose.
Si j’avais su, j’aurais demandé le plan pour la fontaine de jouvence.
Tout entière à ma tâche, je ne m’aperçois pas que ma colocataire a poussé la porte de la salle de bains. Ni qu’elle s’arrête, interdite face à mon reflet.
- Euh… Tu fais quoi, là ? me demande-t-elle.
- Je me fais vieille et je me plais. D’autres questions ?

Maintenant, j'ai l’âge où l’on triche de plus en plus avec son apparence et de moins en moins avec soi-même.
Par Chut ! - Publié dans : Bribes perso
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