Dans ces bras-là...
Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.
Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire
comme jamais.
Camille
Laurens.
Décembre 2024 | ||||||||||
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J'aime imaginer comment les hommes font l'amour. Qu'ils me plaisent ou non, j'ai lorsqu'ils me parlent des images qui me traversent, et dans les yeux la
transparence de mes pensées.
Ils me demandent si je les écoute ? J'acquiesce alors que je suis ailleurs, écrasée sous leur poids contre le sommier, roulée par leur poigne entre les draps, râlant mon plaisir comme une bête
qu'on égorge. Haletant de dégoût parfois, les narines emplies de leur odeur âcre, fouaillée par leurs ongles sales, détournant la tête dans un dernier coup de reins qui les fera jouir.
Il est des hommes que je rêve d'asservir alors qu'ils enfilent des banalités.
- Vous avez raison, le temps s'est rafraîchi.
Mon ton est à ces mots aussi pénétré que leur cul qu'ils me tendent, basculés à quatre pattes, nuque raidie d'angoisse, poignets et chevilles entravés.
Encore une protestation et j'abattrai une main sur leurs fesses molles, leur rentrant de l'autre la bourre des oreillers entre les dents. Puis saisissant leurs cheveux à pleines paumes,
j'ordonnerai :
- Crache.
Complétant à part moi, à voix haute peut-être :
- Crache ton désir comme ta honte, dans un hurlement ou un souffle. L'abdication que tu viens chercher, je ne te la donne pas, je te l'arrache. C'est bien ce que tu veux, n'est-ce pas ?
Ensuite, à genoux tu baiseras mes doigts entrés dans ta chair. Ces doigts souillés de toi, suintant toi, sortis de toi mais y rentrant à nouveau, de ton cul à ta bouche et de ta bouche à ton
cul.
Il est aussi des hommes auxquels je rêve de me rendre. Mais pour qu'à mon tour j'abdique encore faut-il me faire plier. À moins que, bonne fille, je ne me livre avec le mode d'emploi, fermant deux mains rétives sur ma chevelure,
joignant mes poignets dans mon dos en une invitation muette.
- Serre-les, bloque-les, soumets-moi.
Fous-moi ta gentillesse à fond de gorge et ta tendresse au cul ou garde-les pour après. Après le plaisir où je serai fragile, friable comme de la porcelaine
entre tes paumes.
Souvent, lorsque des hommes
me parlent les yeux dans les yeux, les miens s'échappent malgré moi des leurs, descendent à leur cou et à leur chemise.
Sous les boutons fermés j'imagine la toison moutonnant sur leur poitrine. Ou, au contraire, leur torse imberbe aux tétons rétractiles.
Sous la ceinture leur nombril en faille sismique, leur ventre tendu de muscles ou enrobé de chair à pétrir.
Sous le pli de leur pantalon, leur sexe rangé dans leur caleçon, marquant leurs cuisses d'un cercle imperceptible.
Sous ces gangues de tissu
superflu se tient le cœur. Celui de la peau dure, de la peau douce qui répond en écho à la mienne car nous sommes du même bois, du même sang, de la même glaise.
J'aime quand, tel un aveu sous l'enveloppe, le pli impeccable de l'étoffe
s'altère d'un renflement.
Instant fugace de mise à nu du désir où se fissurent les faux-semblants.
- Je te désire.
- Moi aussi.
Sous l'homme soudain apparaît le petit garçon. Et parfois sous le petit garçon
apparaît l'homme.
J'aime cet imprévu en prélude à la séquence des corps, comme j'aime ce qui accroche, ce qui tangue et ripe pour mieux défaire le mécanisme bien huilé du coït.
Dans le cul comme ailleurs, ce n'est pas l'assurance de la plénitude que je recherche mais la faille, la fêlure, la lézarde.
Ce petit truc en moins de l'avis des autres, qui est un plus au mien. Pour moi le lisse est trop plat, le rugueux tout un monde. Je me perdrais peut-être entre ses crevasses et errerais dans ses
méandres, mais point sans boussole.
Au nord est la peur, au sud la jouissance, et l'aiguille folle de mon désir oscille de l'un à l'autre comme un homme entre mes cuisses.
Aussi l'image de Luc me revient-elle en tête.
Après notre rencontre dans le sud de la France nous avions convenu de nous revoir à Paris.
Il vint chez moi à la tombée de la nuit.
Je l'attendais, vêtue simplement d'un jeans et d'une chemise.
- Mets ta robe rouge, m'ordonna-t-il en désignant le portant qui me servait de penderie.
Je lui obéis, me changeai dans la salle de bains et marchai vers lui pieds nus, d'une légèreté dansante de
ballerine.
Il me happa alors que je le croisai pour me porter sur le lit.
Le Luc que j'avais connu en vacances était attentionné et charmant. À mille lieues du fauve que je découvrais alors, m'écartelant sur le matelas et me mordant les épaules.
La robe finit roulée sur ma poitrine, dépenaillée sur mes hanches.
Sous le tissu étaient nos peaux dans leur vérité.
Les hommes ne sont jamais aussi sincères que lorsqu'ils font l'amour.
Photos Mapplethorpe et Santillo.
Bises à toi !