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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Vendredi 26 décembre 5 26 /12 /Déc 23:40
J'ai toujours aimé les hôtels. Être seule dans une chambre et imaginer ce qui se passe et se trame derrière les autres portes closes. Savoir que, mes affaires remballées, la femme de ménage m'effacera demain comme si je n'avais jamais existé.

Un jour je confiai à une amie :
-
Une nuit ici, une nuit ailleurs... J'adorerais posséder plusieurs appartements pour dormir au choix dans l'un d'eux.
Lorsqu'elle partit en vacances, elle me laissa ses clés :
- Dispose du mien si tu veux.
Je déclinai sa proposition. Puisque nous habitions le même immeuble, le voyage n'aurait été que d'un étage.

Voyage et hôtel, les deux sont pour moi liés à mes souvenirs d'Asie.
L'Inde ouvre le bal du périple de mes premières fois : première expédition sac au dos, première en couple, avec Dermott.
À Delhi, notre chambre après l'aéroport est une arnaque. Largués devant une bâtisse par un chauffeur avide d'empocher sa commission, nous acquittons le prix d'un hôtel de standing.
La réception empeste le renfermé, l'ascenseur ne marche pas plus que la douche. Serrés l'un contre l'autre dans le grand lit, nous avons l'air de deux oiseaux tombés de leur branche.

Nous changeons dès le lendemain pour un autre quartier. Bien qu'à peine meilleure, la chambre nous paraît presque luxueuse, peut-être parce la peur nous a quittés.
Lové contre Dermott, je lui demande de me faire l'amour. Il se détourne.
Je contemple résignée les fissures du plafond, tandis qu'en dessous, une fille que je jalouse crie de plaisir.

À Varanasi, les nuits dans un réduit miteux donnant sur le Gange sont atroces. Quand ce ne sont pas les moustiques qui me dévorent, les chiens errant sur le quai me réveillent. Alors que je sombre de guerre lasse, leurs aboiements furieux se mêlent à mes cauchemars.
Au matin nous tombons sur un chiot dépecé dans une mare de sang.

À Jaisalmer, la nuit est en revanche magique. Dans notre chambre digne d'un palais de maharadjah, toute décorée de miroirs et de tentures pourpres, nous nous aimons avec l'intensité des années enfuies.

Un autre voyage et je suis en Chine.
En Chine, seule à Lijiang où je débarque moulue du train, attendant affalée à l'ombre qu'on vienne me chercher. "On" est une
jeune paysanne robuste, qui à un autre siècle se serait appelée "fille de charge" ou "bonne à tout faire". Première levée et dernière couchée, elle s'use les mains et le dos à battre le linge, éplucher les légumes, récurer les fonds de casseroles et la merde des toilettes.
Le tout p
our un salaire de misère.
"On" vient aussi prendre les touristes à la gare. Sans son fil d'Ariane ils iraient ailleurs tant la guesthouse, perdue
dans le labyrinthe des ruelles, est impossible à trouver.
Sa patronne m'accueille en me promettant une bonne chambre. Elle me case en fait dans une du rez-de-chaussée où il reste un lit.
J'y entre en tâtonnant dans l'obscurité et pousse un hurlement.
Le visage d'un enfant trisomique a surgi d'un drap. Je ne m'y attendais pas.

En Chine encore, accompagnée à Hong-Kong de Giuseppe. Tous deux logeons au sommet d'un immeuble délabré. Tard le soir, une fois la foule clairsemée, des prostituées indiennes battent le pavé. L'intérieur du bâtiment, aux boutiques toutes closes, ressemble à un immense paquebot en perdition.
Giuseppe et moi le traversons pour gagner notre chambre. Le montant journalier, payable avant midi tapant, en est aussi exorbitant que l'espace réduit. À peine pouvons-nous tenir debout, côte à côte, près du grand sommier.
Voilà qui ne ressemble pas au confort. C'en est pourtant car, un étage au-dessus, les voyageurs s'entassent dans un dortoir de quelques mètres carrés.
Leur promiscuité se monnaye presque au même prix que notre intimité.
Pour quelques dollars de plus, nous avons choisi de reposer en paix.

En Chine, seule encore à Nanjing où j'atterris après une épopée de métros, de contrôles, de files d'attente, d'avions retardés. Je suis tellement vannée que je vois double et tremble. D'épuisement mais de froid aussi, parce que j'arrive du sud en débardeur et sandales, que mon corps n'est plus habitué aux frimas, que j'ai jeté en chemin le manteau, l'écharpe et les gants qui m'encombraient.
Mon parapluie est au fond du sac que je n'ai pas le courage de défaire.
Mon hôtel
est marqué en gros sur le plan mais je ne le trouve pas. Déchiffrer les idéogrammes chinois en voyant double, ça corse la tâche.
Misérable et trempée, je m'adresse à un couple d'étudiants tapis sous un arrêt de bus. Priant pour qu'ils parlent anglais, ne serait-ce qu'un peu.
Ils me comprennent assez pour m'indiquer le chemin. Mais moi, trop à l'ouest pour les comprendre, je cingle plein nord.
- Not this way ! me stoppent-ils.
Ils ont à cet instant, je les en remercie, pitié de moi. Et m'escortent, l'un à gauche et l'autre à droite, jusqu'à mon hôtel, ratant le bus qu'ils devaient prendre.
La fille habite en cité universitaire. Adorable, elle me propose une place dans sa chambrette. Je refuse avec diplomatie.
Ce soir-là, je ne veux pas parler mais me taire, pas partager mais me terrer sous une douche brûlante. Puis dormir, dormir sans réveil ni contrainte, lovée dans la tiédeur des couvertures.

Un autre voyage et je suis au Népal, à Kathmandu.
Mon premier logis se trouve dans un hôtel
ravissant. Pour le dénicher, j'ai une fois de plus été guidée, cette fois par un jeune homme aussi seul que moi. Il a beau être charmant, sa gentillesse tout en sourires m'est suspecte.
Ici comme ailleurs, j'ai l'instinct de la voyageuse ne pouvant s'en remettre qu'à elle-même. Jamais plus qu'à l'autre bout de la planète on ne risque sa vie sur un coup de dés.
Ma réserve se confirme à la porte de l'hôtel. Loin de m'y laisser, il insiste pour m'accompagner et,
salué par le réceptionniste comme un habitué, exige la meilleure chambre.
N'en ayant pas demandé tant, sous mon bronzage je rigole.
Je rigole encore lorsqu'il investit le lit en terrain conquis en songeant :
- Y
a encore du chemin si tu comptes me baiser.
L'homme commande du thé pour deux. J'annonce que je vais prendre une douche, lui assure m'attendre.
- Désolée, dis-je.
Je ne laisse personne garder mes affaires. Et si je voyage accompagnée, c'est en choisissant mes compagnons de route.
Il quitte les lieux, vexé par cette phrase pire qu'un camouflet.

Je troque le lendemain cet hôtel pour un de moindre standing, lui préférant une chambre encore plus propice à mes rêveries.
Nichée à l'angle du bâtiment, elle est dotée de larges baies vitrées voilées de rideaux. Le vent les balance alors que je lis en songeant à Roy.

Roy et moi nous sommes rencontrés q
uelques semaines plus tôt en Inde et donné rendez-vous à Kathmandu.
- Retrouvons-nous là-bas avant la mousson, proposai-je.
Il acquiesça.
Lorsqu'il me rejoignit, nous mangeâmes italien, assis en tailleur sur des nattes à la lueur des étoiles et des bougies.
Chacun ce soir-là regagnit sa chambre.

C'était avant Nagarkot et l'Auberge du Bout du Monde.
Après des heures en moto sur de mauvaises routes, ce nom tracé sur un panneau nous avait fait rire. Mais au bout du monde,
sertie entre les montagnes couronnées de neige, elle l'était en effet.

Dans cette auberge nous partageâmes la même chambre à flanc de rocher. Belle comme l'aube qui suivit, vaste comme le ciel à peine traversé de nuages.
Il est des nuits qui, trop pures et parfaites, ne devraient pas finir. Celles du bout du monde, comme les auberges du même nom.
Par Chut ! - Publié dans : Voyages, voyages
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