Dans ces bras-là...
Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.
Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire
comme jamais.
Camille
Laurens.
Décembre 2024 | ||||||||||
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"Ça
va être ta fête, ma chérie..."
Quand il prononçait cette phrase, tapotant ma joue l'air de rien, je savais ce que ça signifiait.
A fortiori s'il avait un sourire
en coin et le regard
malicieux.
De ce regard mon amie Ether m'avait dit, peu après l'avoir vu :
- C'est celui d'un coquin.
Des mois plus tard, elle m'avait avoué :
- Lorsque j'ai vu ses yeux, j'ai vu le diable.
Le diable probablement... Voilà ce que Feu mon amour était pour moi.
Lorsqu'il rentra pour un break, nous savions que nous allions le faire. Pas l'amour, non, qui allait
tellement de soi, mais tout ce que nous avions évoqué au fil de notre correspondance-fleuve.
Ces jeux ébauchés que page après page nous avions couchés pour mieux nous endormir ensemble, séparés par des milliers de kilomètres.
Ma folle envie de lui me poussait à imaginer, concevoir, inventer les mots du manque, les mots du sexe. Tout mon désir concentré dans la pulpe de mes doigts frappant le clavier et dérobant à la
nuit son repos.
L'écriture, ma chair torturée en lettres de sang.
Les défis qu'il me lançait ne me suffisaient plus. Il fallait que je crée les miens pour les lui soumettre.
Ainsi une idée jaillit-elle du thème "tenir la tête pendant la fellation".
Je lui écrivis :
"Je te proposerai quatre scénarii en espérant que ton fantasme se trouve dans l'un d'eux. Hormis
oui ou non, tu ne me donneras aucune indication.
Si tu me réponds oui, je devrais deviner lequel te plaît le plus. Si je me trompe, tu me
puniras.
Si tu me réponds non, tu me puniras.
Autant dire qu'il y a de grandes chances que tu me punisses..."
Cet homme m'avait vu Maîtresse, maltraitant trois hommes rendus
à mes pieds. Je voulais devenir sa
soumise, totalement et sans condition.
Lui le désirait également, à la condition expresse de me bander les yeux.
Je sortis alors un masque d'avion de ma table de chevet. Un qui, servant à dormir, hanterait désormais mes insomnies.
En oblitérant ma vue, cet homme me poussait à exacerber mes autres sens, dérobant aussi à mon regard sa timidité et sa peur de mal
faire.
Dominer n'est pas tâche facile, je le sais. Comme je sais qu'en lui j'ai ouvert une porte qui ne demandait qu'à être poussée.
La porte du diable probablement.
Je me souviens de cet après-midi où pour
lui je me changeai, troquant mes habits de ville contre une robe en latex. Ceinturée sous la poitrine par un nœud chic, elle était rose, sobre et chic. Escarpins aux pieds, bijoux discrets, lèvres fardées et
cheveux noués en chignon, je m'étais changée en jeune fille de bonne famille.
- Tu es ravissante, souffla-t-il dans mon cou alors que ses ongles
m'écorchaient. Ça va être ta fête, ma chérie...
Il m'attira dans la chambre, apposa le masque sur mes paupières, me bascula agenouillée contre le lit. Le claquement de la cravache sur ma croupe tendue de
latex produisait un bruit mat.
Entre ma peau et le cuir, entre son désir et le mien, il y avait cette matière qui atténuait la brûlure.
Il n'en a pas toujours été ainsi. Un jour il me mit nue, mains menottées au
milieu du salon, et me fouetta doucement.
Je relevai la tête en signe de défi.
Ma provocation l'aiguillonna, la chambrière siffla plus fort.
Je le narguai d'un sourire.
En réplique la mèche me cingla durement, s'enroulant en langues de serpents autour de mes cuisses, de mes fesses, de mon ventre.
Une fois, deux fois, dix fois.
Je n'étais plus moi mais une autre debout dans un cerceau de feu. Et le sexe de cet homme cette mèche s'immisçant dans mes chairs pour les
marquer de son sceau.
Rouge puis bleu sur blanc tendre, la couleur de la soumission.
La douleur avait beau me diviser et me fendre, je riais à gorge déployée, menton haut, aveugle sous le bandeau imbibé de
sel.
Une morsure frappa mes seins. Taisant un cri, je courbai les épaules pour mieux les ouvrir et m'offrir
encore.
Dressée contre lui toute droite, volonté contre volonté.
"À tes mains fais-moi plier, mon amour", l'implorai-je en silence.
Un coup plus ardent fit rouler une
larme sur ma joue.
Il ne dit pas désolé, comme au début de nos jeux :
- Je suis allé trop loin... Tu pleures, ma chérie...
Il avait compris que son "trop loin" était pour moi un "trop près". Que pleurer n'était rien, et surtout pas se rendre.
Aussi ne lui dis-je pas :
- Je pleure mais continue. Continue... S'il te plaît.
Je serrai les dents, cambrai la taille, rassemblai les jambes en un pas de deux, l'ultime figure de notre danse secrète.
Un autre coup encore et mes genoux ployèrent.
Je tombai sur le sol, vaincue, palpitante, avide de boire son sexe. C'est lui qui me retourna pour coller ses lèvres à ma blessure.
- Viens, ma chérie, me murmura-t-il en se coulant le long de mon échine.
Je secouai la tête. Il me tira les cheveux, m'arquant les épaules jusqu'aux reins.
- Tu veux donc être punie ? Vraiment punie ?
J'ouvris la bouche pour répondre
mais le bâillon-boule glissa entre mes dents, se ferma derrière ma nuque.
À cet homme j'étais cette fois rendue. Ligotée corps et âme, salivant à même le plancher ces mots qui me
brûlaient.
"Je t'aime et fais-moi plier encore, mon amour, et baise-moi... Oui,
baise-moi..."
Recueillant mes mots à la source, il les étala sur mes seins, ma chatte et mon cul.
- Baise-moi... S'il te plaît... l'implorai-je en
me tortillant.
- Quoi ? Tu sais bien qu'avec ça, je ne te comprends pas.
Le bâillon se resserra encore d'un cran.
Lorsqu'il me prit, je serrai mon entrave à la broyer. Non de douleur, mais d'un plaisir longtemps retenu.
Plus
tard, face à la glace, je chéris mes bleus.
Le diable me les avait faits dans un vertige.
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