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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

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  • 02/03/1903
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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 18 décembre 4 18 /12 /Déc 00:07

"Demain... 15h00 ?"
Le message arriva en pleine nuit. J'hésitai avant de répondre d'un seul mot :
"Oui."
Un "oui" qui n'avouerait rien s'il était intercepté, mais un "oui" qui avouait tout. Andrea et moi ne devions pas nous voir aujourd'hui, mettant ainsi fin à l'addition de nos rendez-vous quotidiens.
Dix moins la soustraction de deux, week-end oblige.
Au dixième jour, allongée sur lui après l'amour, je lui dis :
- Avec toi j'ai envie. Envie de sérieux et de futile, de cafés, d'expos, de balades, puis de toi et moi dans un lit.
Je tordis ses cheveux, les fourrai dans sa bouche pour étouffer sa réponse.
Trop tard. Elle avait déjà fusé :
- Moi aussi, j'ai envie. La prochaine fois, voyons-nous dehors, tu veux bien ?

Je l'attendais sur la place. Une caresse le long de ma taille me poussa à me retourner.
Andrea était là.
Mon premier mouvement fut de l'enlacer. Il se recula.
"Évidemment, pensai-je. Toujours se méfier des premiers mouvements."
Je reculai aussi, d'un pas entier, comme s'il n'était qu'un copain retrouvé après une longue absence. Un copain ou une connaissance avec qui je n'aurais pas grand-chose à partager.
Ma joie retomba en soufflé.
- Marchons, ordonnai-je.

Nous marchâmes sans savoir où aller.
Je proposai le Père-Lachaise. Andrea déclina. Je compris. Un cimetière n'est pas le lieu rêvé pour une promenade en amoureux.
Je résistai alors à un autre premier mouvement en forme de confession : enfant, j'adorais les cimetières, leur ombre fraîche et
leur calme profond.
D'ailleurs, quand je m'ennuyais trop, ma grand-mère me proposait :
- Tu veux qu'on aille au cimetière, ma puce ?
J'enfilais mes chaussures sans les lacer, courant devant elle pour arriver plus vite et pousser seule la grille qui grinçait. Étrangère au drame comme à la mort, mais saisie malgré moi par la solennité des croix dressées contre le ciel.

Me rendre au cimetière était mon plaisir de petite déjà grande. Un qu'il fallait taire parce que mes parents l'auraient jugé étrange, reprochant peut-être à ma grand-mère de flatter ma bizarrerie.
- Tu mets à la gamine de drôles d'idées en tête, lui auraient-ils certainement reproché.
La gamine que j'étais se fichait bien de la mort. L'adulte que je suis devenue pense qu'il ne faut pas lui tourner le dos, sous peine qu'elle nous attrape par surprise.
Le drame fait partie de la vie mais nous le refusons. Et là est en vérité le drame de la vie.
Il est néanmoins des discussions plus joyeuses pour un après-midi à deux.
Je me tus donc alors que nous nos dirigions à l'opposé du Père-Lachaise.

Sur le boulevard, je veillais à garder mes distances avec Andrea. Nos corps hier confondus ne devaient pas se côtoyer de trop près, mon épaule ne pas chevaucher sa poitrine, ma main ne pas frôler la sienne.
Parfois, comme par réflexe, mes doigts se tendaient pour agripper les siens. Ils ne happaient que le vide jusqu'au moment où, las de se replier, ils atterrirent dans ma poche.
Andrea me parlait d'une voix douce. A
gressée par le bruit des automobiles, ne l'entendant qu'à peine, je distribuais mes répliques au hasard :
- Oui. Non. Peut-être.
- Ça n'a pas l'air d'aller.
- Oui. Non.
- Ça ne va pas ?
- Hein ?

Subitement je me demandai ce que je fichais sur ce boulevard, à trois pas d'un homme que je voulais dans mes bras, cinq doigts recroquevillés dans ma poche au lieu d'entourer son sexe.
- Tu fais chier, eus-je envie de lui lancer tout à trac.
Comme pour le cimetière, je me tus. Il est des phrases plus agréables pour ne pas plomber un après-midi à deux.
N'empêche que cette rue était interminable. Et que ma frustration, mue peu à peu en colère, brûlait de déverser ses mots acerbes :
- Tu crains quoi, au juste ? Qu'un espion ne te suive ? Que ta copine ne se cache derrière un réverbère ? Ah non, je suis bête... Tu crains d'être vu avec moi. Ah oui, pour sûr, être surpris en ma compagnie serait infâmant. Une vraie tuile sur Tchernobyl, il semblerait même.
La main d'Andrea serra un bref instant mon poignet.
Aussitôt, le balancier de mes pensées repartit dans l'autre sens.
- Oh, arrête de te plaindre ! Tu connais les règles, non ? Si tu les acceptes, tu avances. Si tu les refuses, tu fais demi-tour. C'est aussi simple que ça : tu marches ou tu pars, mais tu cesses de geindre.
Je continuai à marcher, cette fois avec mes souvenirs.

Il y a longtemps, je fus la maîtresse d'un homme marié. Peut-être parlerai-je un jour de ce Petrus qui compta tant et de la prédiction que je lui fis :
- Je te quitterai parce que tu m'auras menée à bout. Ta femme aussi, parce qu'elle ne t'aime plus.
Et toi, à force de ne pas choisir, tu finiras comme les cons finissent, tout seul.
Notre énième et dernière rupture fut aussi violente que notre amour. Alors qu'il me téléphona pour cracher sa peine, je décollai le combiné de mon oreille, le laissai s'épandre pour mieux l'interrompre :
- Tu me me récites du mauvais Musset, là. Au revoir.
Je lui raccrochai au nez. Petrus rappela trois fois, puis plus du tout.
Lorsque nous nous revîmes par hasard, j'appris qu'il m'avait cherchée sans me trouver, mais cela même est une autre histoire.

Avec Petrus j'avais bu jusqu'à la lie la certitude de ne pas avoir de place. J'étais la geisha des heures volées, la muse puis l'intruse qu'on efface à la porte de chez soi. Un cheveu trop blond sur un col de veste, un fard à joues trop compromettant balayés d'une main coupable, un parfum trop entêtant lavé par la douche.
Tout cela, oui, mais aussi une image trop indélébile pour être oubliée, un corps trop présent pour être absent dans l'étreinte conjugale.
- De toi je ne peux me défaire... Tu me manques, tu m'obsèdes, tu me bouffes.
Les mots anciens rejoignaient les mots présents, les premiers aux seconds donnant la main, s'emmanchant dans une ronde infernale, une sarabande virevoltant sous mon crâne.
"Tu me manques, tu me manques...", m'écrivit Andrea lors des dernières nuits.
À ses messages je ne répondis point pour ne pas le compromettre.
Ce silence forcé avait du bon car sinon, j'aurais pianoté :
"Toi aussi."

Comment empêcher les souvenirs du passé de faire écran ? Je l'ignore.
Peut-être d'ailleurs n'est-ce pas souhaitable, puisque qu'on appelle cela l'expérience.
Celle dont au final on apprend si peu pour soi mais dont on fait largement bénéficier les autres du haut de nos "avis éclairés".
Celle dont on se défie pour soi en arguant d'une situation particulière, alors que celle des autres entre, de notre point de vue, dans un schéma.
Celle, qu'oublieux des leçons données, on vit en toute subjectivité alors que celle des autres ne peut être qu'objective.
Le régime de soi n'est pas celui des autres
. À tort dans doute, mais parfois à raison.

Entre Petrus et Andrea puis-je ainsi distinguer des différences. Tandis que le premier tremblait d'être pris, le second tremble mais en souhaitant l'être, en toute inconscience aux deux sens du terme.

Aussi, alors que je m'appliquai à effacer mes traces de leur appartement, Andrea les y laissa.
Le dernier jour où nous nous vîmes chez eux, il abandonna les lieux, couette tachée de mon sang et poubelle renversée sur nos agapes, partant au travail tout en subodorant que sa compagne rentrerait plus tôt de voyage.
- Rentre mettre de l'ordre ! l'enjoignis-je au téléphone.
Il m'obéit, faisant toutefois l'impasse sur le plus beau de mes actes manqués.

La veille, je me fardais dans la salle de bains en plaisantant :
- Si j'oublie ici un rouge à lèvres, elle saura, car jamais une femme ne se trompe sur ses produits de beauté.
Andrea acquiesça :
- Cet indice-là, je ne pourrai pas l'enlever. À mes yeux, tous les rouges à lèvres se ressemblent.

Rangeant mes produits dans une trousse, je ris en l'accusant de n'être qu'un homme.
- Pour vous, la différence est si ténue qu'elle en devient invisible. Comme ce naturel que vous trouvez à certaines, alors que leurs semblables n'y voient que comédie. Seule une femme est en mesure de deviner les artifices d'une autre. Vous, les hommes, n'y voyez que du feu.
Et, une fois le rouge à lèvres appliqué, je posai sans m'en apercevoir le tube sur la machine à laver.
Elle le trouva, bien sûr.
Il prétexta l'oubli d'une copine. Elle le crut, se persuada-t-il.
À mon avis, elle savait.

Elle savait que j'étais là comme l'odeur de tabac, de parfum et d'encens dans les dreadlocks d'Andrea. Mon odeur à moi mêlée de ma peau et de ma cyprine, qu'il ne peut entièrement ôter alors qu'il se lave parce je suis sa tache, l'image de son désir incarné et un corps trop présent, nu sous ses paumes malgré les vêtements.
Dans la Maison Européenne de la Photographie, le lieu que nous préférâmes au cimetière, je l'enlaçai en lui susurrant :
- Pense que ta peau est sur la mienne, ton sexe au fond de ma gorge.
Andrea m'étreignit follement au lieu de me repousser.

Quelques matinées tôt, sous la couette, il me demanda ce que je souhaitais pour Noël.
- Un cadenas, dis-je.
- Un cadenas ? Mais... Ce n'est pas un cadeau.
- Si, c'est même le plus beau. Achète-le où tu veux, dans un magasin de bricolage ou une boutique de luxe, mais offre m'en un.

Ma réponse le laissa pantois. À peu près autant que ce soir où, devant une boutique de belles robes, il me demanda si je voulais me marier.
La question avait tout l'air d'un piège. Plutôt que de l'esquiver, je répondis :
- Non, pas spécialement. Mais si un jour je me marie, ce sera en rouge.
Je n'ajoutai pas
"sur une plage, bronzée, pieds nus, sans témoin autre que le ciel, lors d'une cérémonie sans apprêts, riant de mon bonheur à la gueule des étoiles alors que mon amour me baisera dans le profane et le sacré, parce que baiser est un acte mystique, tellurique, primitif comme celui qui unit le premier homme à la première femme".
- En rouge ?
- Oui, en rouge. En blanc n'aurait aucun sens, et je déteste l'hypocrisie.

Facile à dire, puisque l'hypocrisie, nous baignons tous trois dedans.
Elle qui sait sans savoir, lui qui veut sans vouloir, moi qui sais et veux sans bouger.

Sans bouger comme au dixième jour où Andrea, coulant un œil sur le réveil, se récria :
- Je dois partir.
Et que je l'accueillis entre mes cuisses en lui murmurant :
- Va t'en.
Et qu'il jouit sur mon visage tandis que j'étalais sa semence sur mes lèvres, mes joues, mon menton, mon cou.
- Demain nous nous verrons chez toi, proposa-t-il.
- Oui. Demain. Chez moi. Je t'attends.

Par Chut ! - Publié dans : Andrea d'ébène
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