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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Lundi 3 novembre 1 03 /11 /Nov 02:39
L'homme-montagne prit place à la table.
- Je suis en retard ? Je t'ai fait attendre ?
Je secouai la tête. Non, non. Ou plutôt oui, mais après ?
Le retard, l'attente, je m'en moquais d'autant plus que j'aimais sa simplicité.
Sa façon
nonchalante de s'asseoir puis d'occuper l'espace, comme s'il avait passé sa vie à tirer des chaises pour poser ses fesses face à des inconnues.
Celle de me dire qu'il portait un prénom italien, Andrea, et de ne pas s'offusquer alors que je crus qu'il avait mal compris le mien :
- Non, je ne m'appelle pas Andrée !
- Mais moi, je m'appelle Andrea, même si cela peut sembler étrange...
glissa-t-il en me désignant sa peau d'ébène.
Celle de m'avouer qu'il était enrhumé, de renifler et d'accepter le mouchoir fripé qui traînait au fond de mon sac.
Celle de m'avouer ce qui aurait tant coûté à certains, une fois les usuelles formules de politesse prononcées :
- Je ne sais pas trop quoi te dire, en vérité.
J'objectai du tac au tac :
- Voilà donc venu le moment où on est supposé se demander ce qu'on fait dans la vie.
Sa bouche charbon se fendit d'un large sourire. Beaucoup d'hommes, piqués au vif, auraient vu là un défi lancé à leur imagination, un piège dont ils devaient se déjouer en inventant une question farfelue.
Pas lui, qui se contenta de :
- Alors, tu fais quoi dans la vie ?
Je résistai à la tentation de répondre "Je m'emmerde, ce qui m'occupe à plein temps, et toi ?" pour me rabattre sur la vérité. Qui n'était pas si loin de ce mensonge, mais point confondu à lui non plus.

Bien m'en prit. En quelques phrases à peine, Andrea et moi nous étions déjà trouvé des points communs. Assez suffisants pour alimenter des heures de discussion, si nous avions besoin de cette excuse.
C'est le froid qui eut raison de notre bavardage.
Pris jusqu'aux tréfonds des sinus et t
ransi jusqu'aux os, Andrea se dirigea à l'intérieur du café pour régler les consommations.
Je protestai :
- Eh, on avait convenu que c'était moi qui t'invitais !
Il repoussa mes protestations d'un revers de main. Puis me raccompagna au bas de chez moi.


Ce fut un prêté pour un rendu, car deux heures plus tard, Andrea franchissait la porte de mon appartement.
Toujours aussi beau mais follement plus chic, ayant troqué dans l'intervalle son large blouson contre une veste cintrée. Il n'en était que plus impressionnant.
Parce que de mon côté, dans ce même intervalle, j'avais opéré un troc inverse. Renoncé à ma jolie robe pour un large pantalon et à mes hauts talons pour marcher pieds nus.
Oublié le format gommette. Là, j'étais réduite à la taille lilliputienne.

La nuit qui suivit n'est pas racontable, car ce qu'Andrea me confia n'a pas à être raconté.
- C'est la première fois que je dis ça à quelqu'un.
Je le crus parce que ces heures étaient de grâce. Que sa bouche comme ses yeux me disaient la vérité. Qu'au creux de la nuit, même sur le canapé d'un appartement inconnu, même face à une étrangère, on peut être plus vrai que face aux siens, autorisé à entrouvrir le barrage qu'on a patiemment construit pour sauver sa peau, libre de formuler des pensées qu'on ne garde d'habitude que pour soi.

Peut-être parce qu'en ces instants d'exception, aucun jugement n'est de mise. Que seules comptent l'écoute bienveillante de l'autre, l'infinie confiance qu'on lui accorde, la fragile ouverture d'âme qu'il pourrait saccager d'une seule parole.

Ces instants magiques sont ceux de la fusion totale. Les yeux rivés à ceux de l'autre, les jambes mêlées aux siennes, les mains qui le cherchent et le serrent, ont beau être tissé d'un désir aussi fou que tu, il n'a finalement rien d'érotique.
À moins que cette fusion même ne soit la figure de l'érotisme suprême : un homme et une femme unis le temps d'un long spasme, comme deux chaînons d'une humanité enfin assemblés.

Qu'est-ce que l'amour physique, hormis le naturel prolongement à cette communion-là ?
Je caressai le bras d'Andrea en crevant de goûter ses lèvres pour le boire à la source.
Il se rétracta :
- Je ne peux pas. J'en meurs d'envie, mais je ne peux pas.
J'acquiesçai sans vouloir connaître ses raisons. Les soupçonnant, bien sûr, car il n'y en a pas dix mille, mais partant du principe qu'elles ne me regardaient pas.
Parce qu'Andrea était un grand garçon, que je ne lui demandais rien et qu'il était libre de quitter séance tenante mon appartement.
Parce que j'étais faible devant cet homme qui me plaisait tant.
Si j'avais voulu le protéger de lui-même, je l'aurais chassé de chez moi. En le blessant, pour être certaine qu'il ne revienne pas.
Mais Andrea, désirant aussi peu partir que moi le chasser, me réclama une histoire que je lui débitai d'une voix hésitante.

Cette histoire fut évidemment un piteux sursis qui ne régla rien.
Dans le silence qui lui succéda, Andrea avança son visage vers le mien, puis resta immobile.
Une main contre sa poitrine, je soufflai
à sa bouche close :
- Je ne veux pas te forcer à faire des choses que tu regretteras.
Et je happai ses lèvres entre les miennes.

Forcé, en vérité, aucun de nous ne l'était.
Aucun baiser consenti n'a la saveur de celui-là, pas plus qu'aucun baiser consenti n'est rendu.
Alors qu'à mon tour, je demeurai immobile, Andrea vint lécher ma bouche.
Par Chut ! - Publié dans : Andrea d'ébène
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Commentaires

Je comprends mieux tes longs silences...Chut ! Intense, essentiel, je dirai même refondateur ce qui t'arrive en ce moment, à tous niveaux ! J'espère que ce voyage avec Andrea dure encore, car souviens toi, les voyages importent bien plus que la destination poursuivie lorsque tu tires le bilan de ta vie....Si tu as voyagé, que ce soit en court, moyen ou long courrier, en classe éco ou en première, c'est juste que tu as vécu ! Une rivière de bisous mon amie, j'aime te sentir bien.
commentaire n° :1 posté par : Léo le: 04/11/2008 à 01h58
Coucou Léo,
J'ai sûrement pris un abonnement voyage-éclair chez mon voyagiste. :)  Mais au fond, courts ou longs, je m'en fiche.
Ces voyages au coeur de l'autre (des autres) sont uniques. Business class pour le coup, quand l'autre, tel Andrea, est prêt à s'embarquer avec toi. Et contrairement à cette célèbre phrase de film, le plus dur n'est pas l'atterrissage... parce qu'il n'y a pas de plus dur, que du bon.
Une rivière ? Arf, j'objecte avec un torrent !
réponse de : Chut ! le: 04/11/2008 à 18h02
bonjour miss.l'ère moderne enfin de mise pour ces dames qui osent faire le premier pas.Que c'est agréable...trop d'envie non avouée qui au final reste sans suite a cause d'une gène ou d'une mentalité d'une autre époque bises yohann
commentaire n° :2 posté par : yohann le: 04/11/2008 à 10h05
Tout à fait d'accord avec toi, Yohann ! Ces envies inavouées-là, restant sans suite et dont on se mord les doigts en se répétant "mais quelle idiote, si seulement j'avais osé !", ça me parle bien. :)
Mais de l'avis de ma coupine, je ne suis pas timide, mais pas du tout, avec les hommes. Elle n'a finalement pas tort, même si je peux être parfois pire qu'une midinette, rougir, bafouiller, et n'avoir qu'une envie : m'enfuir...
Bises aussi, of course.
réponse de : Chut ! le: 04/11/2008 à 17h52
Je vous lis depuis un moment. Parfois un plaisir simple, un sourire souvent, toujours une émotion. Là, la force qui émane de ce texte m'a profondément bouleversé. Outre la vérité d'une écriture aussi maitrisée.
commentaire n° :3 posté par : Slevtar le: 04/11/2008 à 19h58
Un grand merci à toi pour tout (je prends la liberté de te tutoyer !) : découvrir un commentaire fait toujours très plaisir, et encore plus lorsqu'il vient d'un "lecteur de l'ombre", qui a le goût délicieux d'avoir choisi Slevtar pour pseudo... voilà qui ne peut que me parler (il y a là comme la vision prophétique de la journée à venir !).
réponse de : Chut ! le: 06/11/2008 à 04h45
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