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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Dimanche 7 septembre 7 07 /09 /Sep 02:26

Il est de l'autre côté du canal.
J'agite les bras et traverse le pont, vite, pour me précipiter dans les siens.
Il me serre et c'est bon, c'est doux comme sa chemise fraîchement repassée.
Des semaines que nous ne nous sommes vus. Des semaines qu'il m'a manqué.
Il m'enveloppe les épaules de ses grandes mains et me recule, un peu, pour mieux me regarder.
Je souris de le voir sourire.

- Décidément... Tu es toujours aussi ravissante !
Et je souris encore, et je pense qu'il me voit avec les yeux de sa tendresse. À moins que j'ai bien réussi
mon maquillage et effacé, à savantes touches de beige, d'ocre et de rouge, les plis et replis de la fatigue, les creux et les bosses de ma drôle de vie.
En vérité, je suis éreintée, moulue, courbaturée comme une vieille jument dans ma robe et mes escarpins de Cendrillon.

Je lui hennis d'ailleurs une protestation de vraie coquette avant de lui retourner le compliment.

Sauf que moi, c'est vrai.
Dorian a le teint éclatant de ceux qui ont passé plusieurs semaines au soleil, entre terre, mer et ciel. Le hâle prononcé qui rehausse, sans même qu'il n'ait joué au tournedos sur la plage, ses cils de châtaignes mûres et ses iris cobalt.
Contrairement aux femmes, les hommes n'ont ni mascara, ni fard, ni poudre pour tricher. C'est peut-être, d'ailleurs, ce qui rend les plus beaux d'entre eux si admirables.

Nous déambulons le long du fleuve à la recherche d'un restaurant.
Un jour de pleine forme, la promenade eût été charmante. Mais ce soir-là, mon dos, mes reins, mes genoux, mes mollets, mes chevilles, mes talons crient grâce.
J'ai l'épuisement chevillé au corps comme d'autres la fièvre au sang.
Ce soir-là, je n'ai - presque - qu'un rêve : enfin me laisser tomber sur un fauteuil, délivrée de cette lutte contre la gravité qui me force à chanceler, comme ivre,
tantôt tutoyant le traître rebord du trottoir, tantôt butant contre le corps alerte de Dorian.
Non que ce contact
, fortuit comme la rencontre sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie, soit désagréable. Il me semble juste étrange, hybride tel le mélange de deux espèces, de deux essences destinées à ne jamais se mêler : la chaude souplesse du tigre et la raideur arthritique de la carne de labour.

Dorian 2- Il est agréable, ce restau...
hasardé-je. En plus, il y a une table libre en terrasse.
- Parfait, allons-y ! Dans ce sens sur le quai, ça devient le désert,
répond Dorian.
Je m'affale avec reconnaissance sur la chaise vide en soupirant de toutes mes jointures. Allume une cigarette qui me colle la nausée pour me gratifier de mes efforts. Choisis sur la carte le plat le plus calorique pour me redonner du cœur au ventre et du poil de la bête.
La serveuse nous avertit :
- Comme nous sommes en sous-effectif aujourd'hui, le service risque d'être long. Ça ne vous dérange pas ?
Nous déranger ? Du tout.
Dorian a sa soirée entièrement libre et moi, calée sur mon siège face à lui, je me fiche de la lenteur. Du genre éperdument.

La cuisine tient les promesses de notre discussion. Épicée, fraîche, savoureuse, un régal en bouche, un festin de gourmets.
Nous terminons à peine le plat que mon portable sonne.
Paulien.
Je sollicite par dessus mon assiette l'approbation
de Dorian.
Il me l'accorde dans un clin d'œil.
- Rejoins-nous, soufflé-je.
Voilà, c'est dit, presque fait.
Les deux hommes de ma vie
vont se rencontrer. Ou, pour parler plus justement, les hommes de mes deux vies : celui de l'ancienne déjà vécue, celui de la nouvelle à peine ébauchée.
Il y a quoi me redresser sur mon siège et allumer une autre cigarette.

Une heure plus tard, Paulien arrive, mais point seul. Au bout de son poing, tenu en courte laisse, chemine à ras de macadam Gai-Luron.
Au café, il s'esquive quelques minutes.
Je caresse l'animal en hasardant :
- Il est adorable, n'est-ce pas ?
- Qui ?
me questionne Dorian.
- Euh... Le chien, évidemment !
Je me ratatine sur ma chaise en tirant trop fort les interminables oreilles du basset. Qui se fend d'un jappement de protestation alors que Dorian, lui, éclate de rire. Un rire franc qui habille ma maladresse d'indulgence et ne me reproche pas de dire un nom à la place d'un autre.
Ce rire-là, c'est celui d'un ami qui me connaît bien, qui sait ce que je viens de traverser, respecte ma pudeur comme mes préventions et m'absout en une phrase :
- Oui, tu as raison. Il est en effet est adorable... ce chien.

Lorsque je me décolle de ma chaise pour quitter le restaurant, j'ai les jambes flageolantes de la pouliche à peine sortie du pré.
Dorian à ma gauche, Paulien à ma droite m'encadrent.
Un pas.
Je faufile une main dans leur paume.
Un autre pas.
Je redresse mon dos fourbu, hausse la tête.
Un
autre pas.
J'avance plus droite, plus légère.
Un
autre pas.
Je
dévore le bitume, nez au vent, couvée par le regard des passants, protégée, heureuse, comblée entre ces deux grands hommes.
Mes hommes, le temps et l'espace de quelques foulées.

 


Photos : Willy Ronis, Brassaï.
Par Chut ! - Publié dans : Dorian, un amour particulier
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