Jeudi 28 août
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J'ai déjà parlé, très
incidemment, d'Emmanuel.
Depuis que je le connais, j'ai envie d'écrire sur lui. Cet article fut cent fois repoussé faute de temps, de
disponibilité et même d'inspiration. Car Emmanuel est si complexe qu'il n'y a probablement aucune bonne façon de "l'aborder".
Ce sera donc la mienne, imparfaite, avec les mots tels qu'ils me viennent et les images telles qu'elles se bousculent.
Quand je pense à Emmanuel, je vois son visage au nez aigu et la chemise blanche, légèrement déboutonnée, qu'il portait lors de notre premier rendez-vous.
Je vois sa peau blanche parsemée de discrètes rousseurs et son sexe dressé entre ses cuisses.
Je vois sa main branler son sexe et le plaisir dans ses yeux.
Je vois son salon, le canapé gris sur lequel nous devisons, les guitares posées sur leur socle, le masque d'inspiration africaine accroché au mur.
Je vois l'horloge pétrifiée à la même heure, les persiennes qu'il ferme alors que nous sommes tous les deux.
Je vois le long couloir qui mène à sa chambre, le bureau où nous ne faisons que passer, nus l'un derrière l'autre, pour rejoindre son
lit.
Je vois sa chambre spartiate, son immense salle de bain, spartiate elle aussi, et le miroir dans lequel nous nous voyons.
Quand je pense à Emmanuel, ma mémoire est en partie réflexive.
Et quand je pense à Emmanuel, je pense à son appartement.
L'appartement d'Emmanuel est comme le prolongement de son propre corps. Un espace débarrassé du superflu, une coquille qui le protège et dans lequel je me
sens libre d'être moi.
Libre de parler de sujets jugés ça et là inconvenants, libre de boire jusqu'à l'ivresse si je désire
m'enivrer, de ramper sur son plancher, la jupe remontée sur les cuisses, si l'envie me prend d'être honorée à genoux.
Libre en paroles comme en actes, sachant que rien ne le choquera.
Cette certitude est en elle-même une libération.
À bien y réfléchir, rares sont les personnes devant lesquelles je me montre totalement nue. Pas dans la nudité du corps mais dans celle de l'esprit, parce que je ne crains aucun jugement ni retour
en boomerang au cours d'une discussion.
Sur ce plan-là, Emmanuel est à mille coudées au-dessus de moi.
Il est sans tricher, sans faux-semblants, dans ses failles et névroses.
Il est.
Et étant, il m'autorise du même coup à être. Dans mon instabilité, mes folles envies, mes douleurs, mes contradictions, mon écartèlement entre Maîtresse et soumise.
À ce titre, notre
première fois fut une lutte.
Less is more... Pour ce
rendez-vous inaugural, je misai sur ma tenue préférée : mes bottes fétiches et une robe simple rehaussée de quelques
bijoux.
Une fois arrivée à sa porte cochère, je l'appelai. Mon message tenait en une phrase :
- Je suis en bas, je t'attends.
Une minute plus tard, il était là. Si j'en crois son regard, celui qui avoue tout en se passant de mots, il sembla apprécier mon choix.
Nous remontâmes une rue à pic en causant gaiement. La discussion se gâta un brin à la terrasse du café.
- C'est parce que la réalité est plate que j'écris.
- La réalité est plate ? Ah ah, comme tu te la pètes ! railla-t-il.
À ces mots, j'eus brusquement envie d'allonger mon bras par dessus la table et de le gifler à la volée. De bousculer son harmonieux visage de mon poing pour lui faire admettre que oui, la réalité est plate comme la
Terre est ronde.
Que la succession des actions quotidiennes est inintéressante comme une liste de courses.
Que peu de faits valent en soi d'être reportés, noyés dans la masse d'une pesanteur sans intérêt. Et que si ce plomb-là est susceptible d'être changé en or, c'est bien grâce à la transmutation de
l'écrit qui lui tisse un écrin.
- Si peu vaut d'être sauvé, mais tout peut valoir le détour à condition d'être bien raconté, plaidai-je.
Nous ergotâmes sur cette question sûrement plus que nécessaire. Mais ce superflu-là n'était en vérité point accessoire, il était essentiel : Emmanuel et moi joutions avec plaisir, avec délectation,
et nos passes d'armes rhétoriques, nos joutes verbales n'étaient que préludes à une bonne baise.
La tension du verbe ?
Une annonciatrice de la tension de la verge, à un genre et une lettre près.
M'abandonner à des hommes dont je ne salue pas l'intelligence m'a toujours été difficile.
En bonne pétasse littéraire, j'ai toujours prétendu que la zone la plus érogène de mon être résidait en mon cerveau, et ce n'était pas en cette occasion que j'allais me désavouer.
Autant dire qu'à cette terrase, la controverse apportée par Emmanuel me faisait trembler d'excitation.
Ou qu'en termes crus, je mouillais.
Plus tard dans la soirée, assise sur son canapé gris, je sirotais un verre de vin aussi vermeil que mes lèvres. Mon regard tomba soudain sur mon décolleté. Un bouton de ma robe s'était défait. Je
souris d'un air mutin en le remettant en place, plaisantant sur le peu de fiabilité des vêtements d'aujourd'hui.
- Voilà embarras qui ne serait point arrivé avec les camisoles de nos grand-mères... dis-je, faussement prude.
- Certes, mais en le fermant, tu m'insultes, me répondit-il.
Et s'il me laissa me rajuster, ce fut pour mieux me désajuster. D'un sûr tranchant de main, il fit sauter tous les boutons et je me retrouvai face à lui, en guêpière. Puis les agrafes de ladite
guêpière cédèrent à leur tour pour dévoiler mes seins. Lesquels furent caressés, pétris, leurs tétons titillés, mordillés, excités, comme il se doit par tout bon amant.
À mon tour, j'enlevai les boutons de sa chemise et de son pantalon. Puis la mince barrrière de tissu qui restait entre sa peau et la mienne.
- Viens !...
Sa voix était à la fois souffle, ordre et requête. Les pupilles plantées droit dans les siennes, je me levai du canapé.
- Tu as beau ordonner, c'est moi qui commande... et je t'obéis parce que là est mon plaisir... pensai-je en le suivant, main dans la sienne, le long du couloir.
Une fois sur
le lit, Emmanuel et moi nous battîmes comme deux ennemis.
Peau contre peau, poing contre poing.
Il empoignait mes cheveux, je me débattais lèvres serrées. Ces mêmes lèvres qu'il aurait voulu sentir enserrer son gland et glisser le long de sa verge.
J'avais beau mourir d'envie de le prendre dans ma bouche, obstinément je me refusais.
Sous ses assauts je luttais pied à pied, alors même que j'avais décidé de capituler.
Il savait que j'allais rendre les armes mais feignait de l'ignorer, tant mes dérobades et notre combat sur le sommier décuplaient son plaisir et le mien.
Nos regards rivés l'un dans l'autre s'affrontaient en un dialogue muet :
- Cède !
- Va te faire foutre !
- Suce-moi !
- Crève !
Farouche, je lui décochai un coup de talon pour le repousser, les poignets prisonniers de sa paume, tordus jusqu'à la douleur de la rupture.
- Aïe !
Ce cri venait de lui, ce cri venait de moi.
Lorsque la joute eut assez duré, je pliai l'échine et avalai son sexe.
Emmanuel eut un sursaut.
Il jouit plus tard en s'excusant de venir trop vite.
Depuis, il y a eu d'autres nuits, très blanches, avec Emmanuel.
Je les raconterai ici... peut-être.
Par Chut !
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Publié dans : Eux
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