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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 28 août 4 28 /08 /Août 00:58
J'ai déjà parlé, très incidemment, d'Emmanuel.
Depuis que je le connais, j'ai envie d'écrire sur lui. Cet article fut cent fois repoussé faute de temps, de disponibilité et même d'inspiration. Car Emmanuel est si complexe qu'il n'y a probablement aucune bonne façon de "l'aborder".
Ce sera donc la mienne, imparfaite, avec les mots tels qu'ils me viennent et les images telles qu'elles se bousculent.

Quand je pense à Emmanuel, je vois son visage au nez aigu et la chemise blanche, légèrement déboutonnée, qu'il portait lors de notre premier rendez-vous.
Je vois
sa peau blanche parsemée de discrètes rousseurs et son sexe dressé entre ses cuisses.
Je vois sa main branler son sexe et le plaisir dans ses yeux.
Je vois son salon, le canapé gris sur lequel nous devisons, les guitares posées sur leur socle, le masque d'inspiration africaine accroché au mur.
Je vois l'horloge pétrifiée à la même heure, les persiennes qu'il ferme alors que nous sommes tous les deux.
Je vois le long couloir qui mène à sa chambre, le bureau où nous ne faisons que passer, nus l'un derrière l'autre, pour rejoindre
son lit.
Je vois sa chambre spartiate, son immense salle de bain, spartiate elle aussi, et le miroir dans lequel nous nous voyons.
Quand je pense à Emmanuel, ma mémoire est en partie réflexive.
Et quand je pense à Emmanuel, je pense à son appartement.

L'appartement d'Emmanuel est comme le prolongement de son propre corps. Un espace débarrassé du superflu, une coquille qui le protège et dans lequel je me sens libre d'être moi.
Libre de parler de sujets jugés ça et là inconvenants, libre de boire jusqu'à l'ivresse si je désire m'enivrer, de ramper sur son plancher, la jupe remontée sur les cuisses, si l'envie me prend d'être honorée à genoux.
Libre en paroles comme en actes, sachant que rien ne le choquera.
Cette certitude est en elle-même une libération.

À bien y réfléchir, rares sont les personnes devant lesquelles je me montre totalement nue. Pas dans la nudité du corps mais dans celle de l'esprit, parce que je ne crains aucun jugement ni retour en boomerang au cours d'une discussion.
Sur ce plan-là, Emmanuel est à mille coudées au-dessus de moi.
Il est sans tricher, sans faux-semblants, dans ses failles et névroses.
Il est.
Et étant, il m'autorise du même coup à être. Dans mon instabilité, mes folles envies, mes douleurs, mes contradictions, mon écartèlement entre Maîtresse et soumise.


À ce titre, notre première fois fut une lutte.
Less is more... Pour ce rendez-vous inaugural, je misai sur ma tenue préférée : mes bottes fétiches et une robe simple rehaussée de quelques bijoux.
Une fois arrivée à sa porte cochère, je l'appelai. Mon message tenait en une phrase :
- Je suis en bas, je t'attends.

Une minute plus tard, il était là. Si j'en crois son regard, celui qui avoue tout en se passant de mots, il sembla apprécier mon choix.
Nous remontâmes une rue à pic en causant gaiement. La discussion se gâta un brin à la terrasse du café.
- C'est parce que la réalité est plate que j'écris.
- La réalité est plate ? Ah ah, comme tu te la pètes !
railla-t-il.

À ces mots, j'eus brusquement envie d'allonger mon bras par dessus la table et de le gifler à la volée. De bousculer son
harmonieux visage de mon poing pour lui faire admettre que oui, la réalité est plate comme la Terre est ronde.
Que la succession des actions quotidiennes est inintéressante comme une liste de courses.
Que peu de faits valent en soi d'être reportés, noyés dans la masse d'une pesanteur sans intérêt. Et que si ce plomb-là est susceptible d'être changé en or, c'est bien grâce à la transmutation de l'écrit qui lui tisse un écrin.
- Si peu vaut d'être sauvé, mais tout peut valoir le détour à condition d'être bien raconté, plaidai-je.

Nous ergotâmes sur cette question sûrement plus que nécessaire. Mais ce superflu-là n'était en vérité point accessoire, il était essentiel : Emmanuel et moi joutions avec plaisir, avec délectation, et nos passes d'armes rhétoriques, nos joutes verbales n'étaient que préludes à une bonne baise.
La tension du verbe ?
Une annonciatrice de la tension de la verge, à un genre et une lettre près.

M'abandonner à des hommes dont je ne salue pas l'intelligence m'a toujours été difficile.
En bonne pétasse littéraire, j'ai toujours prétendu que la zone la plus érogène de mon être résidait en mon cerveau, et ce n'était pas en cette occasion que j'allais me désavouer.
Autant dire qu'à cette terrase, la controverse apportée par Emmanuel me faisait trembler d'excitation.
Ou qu'en termes crus, je mouillais.

Plus tard dans la soirée, assise sur son canapé gris, je sirotais un verre de vin aussi vermeil que mes lèvres. Mon regard tomba soudain sur mon décolleté. Un bouton de ma robe s'était défait. Je souris d'un air mutin en le remettant en place, plaisantant sur le peu de fiabilité des vêtements d'aujourd'hui.
- Voilà embarras qui ne serait point arrivé avec les camisoles de nos grand-mères... dis-je, faussement prude.
- Certes, mais en le fermant, tu m'insultes, me répondit-il.
Et s'il me laissa me rajuster, ce fut pour mieux me désajuster. D'un sûr tranchant de main, il fit sauter tous les boutons et je me retrouvai face à lui, en guêpière. Puis les agrafes de ladite guêpière cédèrent à leur tour pour dévoiler mes seins. Lesquels furent caressés, pétris, leurs tétons titillés, mordillés, excités, comme il se doit par tout bon amant.
À mon tour, j'enlevai les boutons de sa chemise et de son pantalon. Puis la mince barrrière de tissu qui restait entre sa peau et la mienne.
- Viens !...
Sa voix était à la fois souffle, ordre et requête. Les pupilles plantées droit dans les siennes, je me levai du canapé.
- Tu as beau ordonner, c'est moi qui commande... et je t'obéis parce que là est mon plaisir... pensai-je en le suivant, main dans la sienne, le long du couloir.

Une fois sur le lit, Emmanuel et moi nous battîmes comme deux ennemis.
Peau contre peau, poing contre poing.
Il empoignait mes cheveux, je me débattais lèvres serrées. Ces mêmes lèvres qu'il aurait voulu sentir enserrer son gland et glisser le long de sa verge.

J'avais beau mourir d'envie de le prendre dans ma bouche,
obstinément je me refusais.
Sous ses assauts je luttais pied à pied, alors même que j'avais décidé de capituler.

Il savait que j'allais rendre les armes mais feignait de l'ignorer, tant mes dérobades et notre combat sur le sommier décuplaient son plaisir et le mien.
Nos regards rivés l'un dans l'autre s'affrontaient en un dialogue muet :
- Cède !
- Va te faire foutre !
- Suce-moi !
- Crève !

Farouche, je lui décochai un coup de talon pour le repousser, les poignets prisonniers de sa paume, tordus jusqu'à la douleur de la rupture.
- Aïe !
Ce cri venait de lui, ce cri venait de moi.
Lorsque la joute eut assez duré, je pliai l'échine et avalai son sexe.
Emmanuel eut un sursaut.
Il jouit plus tard en s'excusant de venir trop vite.

Depuis, il y a eu d'autres nuits, très blanches, avec Emmanuel.
Je les raconterai ici... peut-être.
Par Chut ! - Publié dans : Eux - Communauté : xFantasmesx
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Commentaires

Ce texte m'a inspiré ! Tu as raison, tout (ou presque) est plat et effroyablement banal dans ce monde pour ceux qui ont perdu (ou gagé)leur liberté. Tu es libre puisque tu écris (et bien), et tu sais habiller de mots lumineux et adroits des tranches de vie à la couleur du plomb parfois. Je n'aime pas l'ordinaire, et ta vie ne l'est pas, tu ne l'es pas ! Tu sais bien voyager, peu importe la destination finale en effet. Preuve que je suis transporté, acteur de tes textes, parfois à la fin d'un récit, j'ai l'impression tenace d'avoir vécu une tranche de vie en harmonie avec toi. C est là tout ton talent. Merci
commentaire n° :1 posté par : Léo le: 09/09/2008 à 01h11
Je me doutais bien que ce texte t'inspirerait, mais là, j'en reste sur les fesses. Tu as les mots qu'on n'attend pas là où on ne les attend pas. Wow.
La liberté, tu disais ? :)
réponse de : Chut ! le: 09/09/2008 à 19h15

C'est ce texte là qui m'a fait penser à Daudet etsa petite chèvre. Le combat dans la montagne, où elle sait qu'elle ne gagnera pas mais elle veut quand même luter le plus longtemps possible.

OK je suis très loin d'un point de vue thématique, quoi que? On m'a toujours dit que les comptes d'enfants avaient souvent une conotation symbolique que seuls les adultes pouvaient décoder. Mais là nous parlons de jeux d'adultes.

Xu

commentaire n° :2 posté par : Mon Xu le: 11/11/2012 à 12h48

Oui, Bettelheim a écrit un livre à ce sujet, appliquant la psychanalyse aux contes d'enfants.

Mais dans ce cas, la résistance n'est là que pour le piment, même si ça s'est terminé en vraie lutte. Puis n'appelle-t-on pas l'orgasme la petite mort ?

réponse de : Chut ! le: 11/11/2012 à 15h08

Oui en effet je pansais à "La Psychanalyse de contes de fées". Et même si tu t'ais jettée dans la geule du loup, je ne sais pas qui a fini par dévorer l'autre. Le petit chaperon rouge avait peut-être des cuissardes rouges également, mais aussi un gilet par balles en kevlar au cas ou.

commentaire n° :3 posté par : Mon Xu le: 11/11/2012 à 16h03

Exact... Toujours sortir couvert ! :)

réponse de : Chut ! le: 12/11/2012 à 09h55
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