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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Dimanche 30 mars 7 30 /03 /Mars 04:43
Je pense qu'il est horriblement tard... Que les trois chiffres indiqués par l'horloge de mon ordinateur sont les mêmes (3h33, 4h44, 5H55 ? Je vous laisse deviner...), mais que leur harmonie sera brisée dans une minute.
Je pense que je ne dors pas, alors que je devrais, parce que demain, je dois me lever et prendre un train. Et plus je veille, plus mes heures de sommeil se réduisent.
Imparable logique.

Je pense que ce train, je n'ai pas envie de le prendre. Parce qu'il m'emmène vers mon
"là-bas", vers cette ville grise de mon enfance. Et à mesure que ce train s'éloigne de la capitale, il me fera avancer vers mon passé.
Avancer vers son passé... Formule paradoxale, non ?
Si j'écrivais en réfléchissant, j'aurais mis "reculer" à la place. Mais je veux croire que les mots ne sont pas anodins. Que souvent, ils parlent à travers nous au lieu de nous faire nous exprimer à travers eux.
C'est ce qu'on appelle un lapsus.
Alors, je m'interroge : aurais-je progressé depuis la dernière fois ?

Une fois "là-bas", je retrouverai l'alignement des maisons sans âme, les quartiers frileusement resserrés sur leurs rues sans charme. Le centre-ville et ses immeubles de pierres grises, si accordés à la couleur du ciel. Les mornes banlieues de cette ville de taille moyenne, les agglomérations qu'elle a englobées au fil du temps.
J'ai grandi dans l'une d'elles, ma grand-mère
est en train d'y finir sa vie.

En vérité, c'est surtout pour elle que je le fais,
ce voyage. Parce que ce sera peut-être le dernier avant qu'elle ne perde totalement la tête ou ne disparaisse.
"Moi, je suis née en 15", disait-elle souvent, une pointe de fierté dans la voix.
Née en 1915... 93 ans au compteur, déjà.

Je pense que je vais me forcer à ne pas pleurer lorsque je verrai sa petite silhouette, si tassée, si frêle, dans le couloir froid de sa maison de retraite. Lorsqu'elle tournera ses yeux qui ne voient plus dans ma direction. Lorsqu'elle chancèlera sur ses jambes trop faibles et me prendra le bras pour ne pas tomber, en s'étonnant qu'il soit aussi jeune, aussi ferme.
- Toi, tu es mon bâton de vieillesse, ma petite-fille préférée, me répétait-elle souvent.

Je pense que le dernier soir, je la coucherai dans son lit en rabattant les couvertures sur elle pour qu'elle n'ait pas froid. Que je l'embrasserai une fois pour de faux, vite. Puis plusieurs fois pour de vrai, longtemps, avec toute ma tendresse. Effrayée de sentir sa peau si fragile sous mes lèvres, de voir son corps si petit, si ratatiné, qu'il soulève à peine le drap.

Je pense qu'ensuite, je fermerai la porte de sa chambre puis l'ouvrirai discrètement, sans qu'elle s'en aperçoive, juste pour la regarder une fois encore. Pour imprimer son image dans mon cerveau, la garder un peu plus longtemps, intacte.
Je pense qu'elle ne s'en rendra pas compte et que c'est mieux ainsi.
Ce n'est pas parce que je suis triste qu'il faut qu'elle le soit, elle.
Elle a la résignation des personnes âgées, pas moi. Le fatalisme de ceux qui se sentent, se savent glisser sur les pentes douces de l'oubli et de la mort. Pas moi.
Moi, j'ai la douleur de ceux qui restent, qui voudraient lutter contre un combat perdu d'avance.
Voir partir ceux qu'on aime ? Un déchirement.
Ne plus les voir du tout ? Une mort en soi.

Je pense aussi que je verrai mon père. Qu'il me reste tant à régler avec lui que la dette ne sera jamais épongée. Ou alors, quand je serai devenue vieille à mon tour. Vieille et sage peut-être.
Ou alors, quand il sera mort... s'il meurt avant moi, car la vie se fout bien des préséances : elle fait parfois partir les enfants avant les parents.
Puis je sais que la mort ne règle rien.
Il y a si peu de choses définitives dans l'existence. Si peu qu'elles se résument peut-être à une seule : la mort.
Faire la paix avec les vivants, n'est-ce pas la condition pour les laisser partir et vivre en paix ?
Ou qu'ils nous laissent, eux, partir en paix, si notre tour vient avant le leur ?

Je pense que je n'ai pas envie de raviver ces blessures anciennes mais que je n'ai pas le choix.
Chaque retour "là-bas" est une épreuve.
Je ne suis pas encore partie que j'ai déjà hâte d'être rentrée.
Par Chut ! - Publié dans : Elles...
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