Mercredi 12 mars
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22:21
Le
premier baiser fut volé. Le deuxième fut rêvé. Le troisième fut interrompu.
Le quatrième fut encore plus délicieux que les trois premiers.
Du cinquième, du sixième, du septième, je ne me souviens plus. Ils se sont tous confondus en un seul, immense, sans limites, étiré comme une longue bande de plage sous le soleil. Petits galets
polis soudain assemblés en un océan liquide. Et son ressac ricoche sur moi, résonne dans ma tête, accélère le flux de mon sang dans mes veines.
Timides, fougueux, tendres ou fatigués, avec ou sans la langue, avec ou sans les dents, la mosaïque de nos baisers sont devenus le baiser. La caracole de notre désir alors que nos corps se
cherchent sous les draps. Aussi spontané que le mouvement qui nous pousse l'un vers l'autre, aussi naturel que la respiration que l'on prend sans y penser.
Le baiser, le vrai, le nôtre, est un pur moment d'intimité. Effaçant les murs de mon appartement, le bruit des klaxons sur le boulevard, abolissant le monde autour, les regards posés sur
nous. Certains s'en fichent, d'autres nous jugent ; certains nous
envient, d'autres s'en offusquent.
Parmi tous ceux-ci, seuls ceux-là ont raison : notre baiser est de la dernière indécence, aussi impudique que si nous portions nos sexes sur notre visage. Aussi pornographique que si nous étions
soudain accouplés à la terrasse du restaurant.
Notre baiser, c'est notre mise à nu. Que nous gardions ou non nos vêtements importe peu. Le tempo, la douceur, la frénésie de notre lèvres mêlées se déjouent bien de l'enveloppe des tissus qui nous
recouvrent. Et cette gangue, bientôt arrachée comme la peau d'un fruit trop mûr, laissera place à l'essentiel : ta salive qui coule sur mon menton, à moins que ce ne soit l'inverse...
Notre baiser, c'est l'expression épurée de notre désir, plus parlante que nos mots incapables de dire l'évidence. Parfois, les mots ne savent pas expliquer mais juste trahir. Dire, c'est déjà
retrancher, appauvrir, enfermer la courbe dans une ligne droite, en briser le délié d'un coup de machette.
La vérité est en creux, mais il ne faut pas creuser.
Le baiser, le vrai, le nôtre, se charge d'un intense pouvoir érotique. À peine m'as-tu effleurée que mon corps devient brasier, volcan en éruption dont le magma sourd entre mes
cuisses.
Prends ma bouche que je t'offre, prends-moi tout entière.
Mais je t'en prie - je t'en conjure, même ! -, que ta langue n'arrête pas de caresser la mienne, à la tienne enroulée comme le lierre au tronc, comme la licorne attachée à sa pâture, comme Excalibur enserrée dans son fourreau.
Le sexe comblé du tien, défaillante, au bord de cette jouissance dont tu m'interdis les cris en collant tes lèvres aux miennes. Puis ta main si tes lèvres ne suffisent pas à contenir mes
plaintes.
Si je jouis, c'est par ta bouche.
Le "si" t'embête, n'est-ce pas ? Je te vois déjà froncer les sourcils, t'indigner avec tous ces petits plis qui se dessinent sur ton front, et ta ride du lion prête à rugir :
- Quoi, scélérate, ce n'est que ma bouche qui te donne du plaisir ?
Je pourrais à loisir jouer les coquettes ou les insatisfaites.
- Oui, mon chéri, tu l'ignorais donc ?
Mais non... Remplace à ta guise le "si" par un "lorsque", mais surtout, ne touche pas à ta bouche.
Je l'aime trop pour en changer, la troquer contre un autre terme... ou un autre, tout simplement.
Et ce soir comme tous les soirs, je donne mon empire de papier pour un baiser.
À une condition : qu'il soit de toi.
Par Chut !
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Publié dans : Feu mon amour
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