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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

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  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Vendredi 25 janvier 5 25 /01 /Jan 05:19

undefined Un homme, un petit homme qui marche dans les rues. Il avance et dans sa tête fredonne une rengaine qui parle d'un amour déçu puis retrouvé.
L'homme pense :
- Mais alors, ce n'était plus le même amour.
Et il sourit, pour lui-même et aux passants.

Il marche et regarde le visage des femmes, mais à la place de leurs yeux il voit leur sexe qui lui fait de l'œil. Leur sexe qui s'attarde, le fixe droit dans les pupilles, leur sexe doux et profond sous le coton de leurs cheveux, si proche lorsqu'il les croise et si lointain lorsqu'elles sont passées.
Autant de sexes différents que de femmes dans la rue, autant d'endroits où il souhaiterait poser une main qu'il ne posera jamais.
Femmes mûres, sexes mûrs, puis une jeune fille et un sexe tendre sur son visage, jumeau de celui qui tremble sous sa jupe qui se relève.

La jeune fille qui pleure passe tout contre le petit homme, l'évite d'un souple mouvement de hanches. Lui, il fixe sa jupe et sa main sur son sac en cuir.
Il se retourne : le sexe mouillé et caché, la jupe. Et sous la jupe les jambes qui lui adressent des signes jusqu'au coin de la rue.
La main était blanche sur le cuir du sac.
Le petit homme soupire. La jeune fille portait une alliance à l'annulaire.

Sexe promis, sexe captif, cette jeune fille c'est Marie et Marie pense à Arnaud qu'elle vient de quitter et que déjà elle a envie de rejoindre.
Elle regarde sa main : l'alliance forme un petit cercle brillant comme le cercle de son amour. Elle enlève la bague et l'enfouit dans sa poche.
Cette alliance enlevée, c'est une bague de pacotille semblable à celle que porte Arnaud.

Le petit homme continue sa route. Il a oublié les paroles de la rengaine et en invente une autre parlant de sexes qui pleurent et de jupe qui se dressent toutes seules.
Il pense à la jupe de la jeune fille, Marie pense à Arnaud et Arnaud pense qu'il est en retard.
Courir, il n'arrête pas de courir et il s'épuise à vouloir rattraper ce temps qu'il ne rejoindra jamais. Il remonte les heures jusqu'au début de la journée. Si mal commencée avec un filet de sang sur la joue.
Fichu rasoir...
Il faudrait acheter une lame neuve. Mais aujourd'hui pas plus demain il n'en aura le temps.

Fichu rasoir, fichue coupure, aujourd'hui est une journée entre parenthèses, pleine de contrariétés, de silences, de mots à éviter. Une journée qui ne compte pas, dont les moments ne comptent pas. Dans leur longue suite, quelques instants à sauver, peut-être : celui du visage de Marie appuyée contre la porte, les seins dans le noir ; celui de l'étreinte ; celui du plaisir.
Mais, déjà, ces moments s'évaporent dans la buée de la grande ville et reculent devant l'instant présent : celui de la course pour rien, si ce n'est pour arriver en retard.

Fichu temps, fichu retard, fichu rasoir, fichue journée... Et cet arrêt de bus qui s'éloigne à mesure qu'il se rapproche, comme un mirage vers lequel il tend ses jambes impuissantes.
"Distance, fichue distance, distance entre moi et cet arrêt, distance entre moi et elle, elle, elle c'est toi Marie, toi si douce et moi si dur, corps doux, corps dur, sexe dur en toi.
C'était si beau sous les draps, cette chaleur au milieu de ta poitrine, cette écorchure par ma faute, je l'ai baisée. J'ai demandé pardon, pardon pour la brûlure et pardon. Pardon pour quoi ? Pardon pour tout.
Fichue coupure, fichue brûlure, fichue absence... Et cet arrêt de bus que je n'en finis pas de rejoindre..."

Le petit homme lisse un épi dans ses cheveux, Marie s'arrête devant la glace d'une boutique pour se recoiffer, Arnaud effleure la petite cicatrice à son menton. Il grimace, le petit homme grimace de se voir si laid dans les reflets des vitres, Marie grimace en frottant la brûlure entre les deux seins.

Le petit homme chantonne à mi-voix. Il entre dans un café et commande une bière. Plongent ses lèvres dans la mousse. Marie caresse ses lèvres en pensant aux baisers d'Arnaud, Arnaud se mord les lèvres. Le bus qu'il devait prendre vient de passer devant lui.
Il s'arrête de courir pour attendre le suivant. Il peste avant de rire de sa colère. Le petit homme rit. Il a déjà fini sa bière, il en voudrait une autre, puis une autre encore, il aimerait être ivre pour ne plus songer au sexe de la femme en face de lui.
Il ne veut plus y penser mais il pense qu'il y pose sa bouche. Il pense qu'il pourrait être amoureux, amoureux comme dans la rengaine, d'un amour déçu puis retrouvé. D'un amour différent de l'amour rapide entre les portes battantes des hôtels.
Pas cette fois, l'amour des hôtels.
Aujourd'hui, il veut l'amour chez lui, avec renversée
sous lui cette femme sur les draps propres, et dans sa bouche le goût d'un sexe qui ne s'ouvrirait que pour lui.
Pas cette fois, l'amour à la va-vite, pas aujourd'hui.

"
Pas cette fois, pas aujourd'hui", se dit Marie. Et pourtant, les larmes roulent sur ses joues.
Pas cette fois, pas aujourd'hui, et pourquoi pas aujourd'hui, finalement ? Aujourd'hui est un beau jour pour s'attendrir, le ciel est bleu, bleu comme l'intérieur de ses jambes ouvertes ce matin dans la lumière des rideaux ouverts, puis dans la pénombre des rideaux fermés.
Bleue comme une orange, bleue comme cette brûlure qui la cuit sous sa chemise.
Mais quelle brûlure ? Timidement, elle ose un mot. L'amour ?

"Interdites, ces deux syllabes, interdites !", "Interdit, aujourd'hui cet amour sur les draps propres...", susurre le petit homme en regardant les jambes croisées, "Interdit, monsieur, interdit !!", lance le contrôleur à Arnaud qui, renonçant à attendre le bus, enjambe le portillon automatique du métro en brandissant sa carte orange.

Marie marche et sèche ses larmes, le petit homme boit une sixième bière, la vision des jambes est trouble et sur ce flou se détache, très net, le renflement d'un triangle imaginaire, Arnaud dans le wagon égrène sa journée, le café tiède dans le bol bleu, le café brûlant dans la tasse de Marie, puis le café renversé entre ses seins.
Et le cri de Marie, sa main sur la marque rouge.
Et le cri dans l'amour, avec la crispation des hanches.
Et l'ascenseur, cette longue descente pour s'arracher à la chambre où il aurait aimé s'engourdir, pour courir.
Et Marie sous la douche avec l'eau ruisselant sur son visage fermé.
Et le petit homme qui remet son pantalon jeté sur la chaise, sous les yeux de cette femme qui a écarté ses jambes dans la lumière crue de midi, pile au moment du baiser d'Arnaud sur le pas de la porte.
Et puis la porte la porte de la chambre crasseuse qui claque, avec la femme qui suit le petit homme pour reprendre son poste dans la rue.
Et la porte de l'appartement que ferme Marie pour laisser Arnaud seul dans la cage d'ascenseur.

"Demain, peut-être", a dit Arnaud en partant, "Demain, peut-être", a répété Marie qui demain lui ouvrira et lui dira
en se déshabillant : "Ici, maintenant" ; "Demain, peut-être, dit le petit homme qui ira dans les bars à la recherche d'une femme qui se laissera aimer, ou aimera une autre femme qui ne se laissera pas aimer.
Mais pas d'ici ni de maintenant dans les bras d'Arnaud,
pas d'ici ni de maintenant pour ce rendez-vous manqué à l'autre bout de Paris, à cause du bus, du retard et de l'amour avec Marie, pas d'ici ni de maintenant pour le sexe de cette femme qui monte avec un client.

Ici, c'est la rue dans laquelle on marche seul, le quai désert de la périphérie parisienne, le café avec la bière renversée sur la table et le verre brisé.
Et maintenant, c'est l'attente, le vide du désir et le désespoir.

Demain, peut-être, qui sait ? Qui sait ?
Ni le petit homme, ni Marie, ni Arnaud.

Par Chut ! - Publié dans : Nouvelles et essais
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Commentaires

Très beau texte Chut. Cette thématique des destins parallèles chère à Echeno et Pérec, tu la renouvelle avec brio . Tu devrais la décliner sous forme de livre . Réveille la " Goncourable " qui sommeille en toi .
commentaire n° :1 posté par : Trekker le: 26/01/2008 à 18h32
Merci, Trekker ! Je l'ai écrit à une époque où je lisais la trilogie des Chemins de la liberté, de Sartre... et me suis inspirée de son "écriture simultanée". En vérité, je recommence à travailler sur un roman, plus classique dans la forme (et pas goncourable du tout, j'en ai peur !).
réponse de : Chut ! le: 28/01/2008 à 03h38
Bien qu'ayant été marqué par cette trilogie de Sartre et son personnage central ( Mathieu le prof de philo ), je n'avais pas fait le rapprochement avec son " écriture simultanée " . Pourquoi vouloir écrire un roman plus classique, quel dommage . Ce post et surtout ta série " La caresse en paire de claques " en ferait un très bon . Cela changerait agréablement de l'actuelle production Goncourable, Renaudable, etc....
commentaire n° :2 posté par : Trekker le: 28/01/2008 à 04h37
Je ne suis pas sûre de tenir la distance "roman" avec un procédé narratif compliqué à manier. Je manque sûrement de confiance en mes capacités d'écriture, mais cette forme pose aussi des difficultés assez difficiles à résoudre. Et puis j'ai une histoire qui me tient à cœur... La forme, classique pour l'instant, changera peut-être à mesure de la rédaction. Et si c'est le cas, je devrai recommencer ce que j'ai déjà écrit ! Ce travail est un tonneau des Danaïdes...
réponse de : Chut ! le: 29/01/2008 à 05h01
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