Samedi 5 janvier
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J'ai une tendresse particulière pour cette photo prise sur le vif, à la terrasse d'un café.
Coupe à la garçonne, bracelet en plastique soulignant la finesse de
son bras et avivant le blanc de sa robe, décolleté sage sur une peau que j'imagine bronzée... C'est une jeune femme à la fin des années
soixante. Figée dans le temps mais se jouant des époques, tant son portrait a traversé les décennies sans prendre une ride.
Les yeux tournés vers une personne invisible, les lèvres boudeuses, elle a l'éclat d'une héroïne de cinéma. Je la jurerais échappée d'un film de Godard ou d'Antonioni, devisant avec
Anna Karina ou Jane Birkin.
Belle, éclatante, mais pas seulement. L'objectif a capturé quelque chose d'indéfinissable et de plus profond. Une grâce, un mystère,
une absence impossibles à décrire.
Il paraît qu'elle et moi nous ressemblons beaucoup. Que mon visage est le décalque du sien.
C'est peut-être vrai, mais j'en ai toujours douté. Les gens s'arrêtaient trop à ce qui les marquaient : la couleur très pâle de nos iris. Bleus pour nous deux, mais d'une intensité différente. Les
siens avaient la transparence de l'eau pure ; les miens sont mêlés des algues des étangs.
Je suis également plus carrée, plus grande, plus charpentée.
Plus terrienne, en un mot.
Ne croyez pas que je le regrette. J'aime la terre, l'herbe, la mousse,
l'humus. Ce qui me soutient et m'enracine.
De nous deux et sans conteste, la femme godardienne, c'était ma mère.
Par Chut !
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Publié dans : Elles...
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