Jeudi 27 décembre
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Cette photo, c'est moi ou, à proprement parler, une partie de moi. Celle retranchée du monde, absente, indifférente, injoignable, ayant coupé les fils qui la relient à la
terre. Les fils du téléphone et de la parentèle, quoique j'ai hérité de la large mâchoire paternelle. Mais justement, et cela tombe à pic, mon visage est sur la photo in extenso effacé,
saturé par la lumière qui le dévore.
Dans une autre vie, j'ai dû être bonne sœur, vœux de chasteté, de silence et de vantardise mis à part.
Zut, loupé, pas de bol.
Je suis païenne, je suis bavarde, je suis pédante. J'aime à citer le latin, histoire de me faire mousser. De me rappeler à moi-même - et aux autres, tant qu'à faire - que j'ai fait mes humanités.
Que je ne suis ni une cruche ni un panier percé, même si je prends l'eau de toutes parts.
Pourtant, je le jure, j'ai tenté de m'amender.
La preuve ? Macérer dans ma culpabilité, me flageller pour mes péchés, je n'arrête pas. À tel point que je suis incapable de garder le fouet pour moi-même : je dois en faire profiter mon prochain
qui ne m'a rien demandé, le retourner contre ceux que j'aime, à la mesure de mon affection. Et Dieu sait si ça cingle dru, parfois.
Tendre vers l'inaccessible, la pureté sans tache des anges, voilà une vocation à la mesure de mes imperfections. J'aurais pu y consacrer ma vie si j'avais été moins égoïste et impatiente - deux
autres de mes défauts. Mais chez moi comme sur mon visage, rien ne marche droit. Mes yeux sont trop grands, mon nez trop fort, ma bouche trop petite.
Gamine, je me suis construite sur le manque, la faille. Toujours trop ou pas assez, jamais respectable, jamais comme il faut. Pour mon père, la comparaison était la norme, et elle tournait toujours
à mon désavantage. Même la chiure de mouche avait plus de qualités que moi. Mes succès rebattaient cependant les oreilles des autres. Les miennes, rarement. Qui sait, j'aurais pu prendre la grosse
tête.
Adulte, je me suis rebâtie seule, aidée d'un reposoir bien commode : le divan. Trop ou pas assez, finalement, peu importe. J'ai appris à faire mien le "et alors ?", fusible parfait pour
court-circuiter toute critique. Aussi efficace que le drapeau blanc, il éteint le feu de l'adversité pour vous assurer une paix royale.
Maintenant, lorsque mes démons reviennent me chatouiller, je les renvoie au purgatoire. Seulement une fois sur deux, d'accord, mais c'est toujours ça de pris.
En attendant le carton plein, je m'exerce. J'ai trop tiré le diable par la queue pour redouter encore ses coups de fourche. Caudines, évidemment.
Oui, je vous avais prévenus, j'aime les adjectifs qui la posent là.
Et alors ?
Par Chut !
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Publié dans : Bribes perso
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