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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Lundi 28 mai 1 28 /05 /Mai 15:47

Adri bisAdrien et moi avions prévu de nous revoir. Cette deuxième rencontre a priori très simple fut en vérité très compliquée à organiser.

Impossible, même.

Pourtant, j'étais prête à retourner à Puerto Princesa.

Pourtant, si Adrien débarquait sur mon île, je lui ouvrais toute grande ma villa.

Mais Adrien voulait d'abord se rendre à Manille. En revenir si tard que je renonçai à le rejoindre : pas question de bâcler les préparatifs de mon périple en Mongolie avec Bertille.

Il conclut mon refus d'un "en effet c'est dommage..." auquel je ne réagis pas.

Adrien et ses regrets m'agaçaient.

 

Le lendemain Adrien annula son déplacement sur Manille. Je ne lui demandai pas quelle était ma part dans cette décision. Peut-être aucune, d'ailleurs. Réjouie de la tournure des événements, je ne souhaitais pas les creuser davantage. Et m'apprêtais, sans plus de délai, à réserver mes billets d'avion et de ferry.

Une petite voix me souffla d'attendre.

Je l'écoutai. J'eus raison.

Après moult tergiversations, changements de programme et messages laconiques, Adrien séjournerait bien à Manille. Mais, promit-il, il serait chez moi le 23 ou 24 mai.

Plusieurs jours filèrent sans nouvelles.

De guerre lasse, je le textai la veille de sa possible arrivée.

Il ne répondit pas.

J'abandonnai.


Au fil des semaines j'avais découvert le fonctionnement d'Adrien. C'est le règne des coups de tête, du fil du vent, du gré des courants, l'ouverture à ce que les uns et les autres lui proposent. Le prier de fixer une date, d'établir un plan, des horaires et de s'y conformer est aussi inutile que de tamiser la plage à la cuillère.

J'avais aussi saisi qu'interpréter contre moi ses multiples hésitations, silences, annulations, était une erreur. Au début ceux-ci m'avaient peinée. Chagrinée de ne pas me sentir assez désirée. Irritée de dépendre de son bon vouloir.

Moi aussi j'avais des projets, des obligations, du travail à boucler, des gens à voir, mais les incessantes voltes-faces d'Adrien me bloquaient.

Cette façon de souffler le chaud et le froid aurait pu être délibérée, une manière tordue de prendre l'ascendant sur moi, d'étendre son emprise sur mon quotidien.

Pas du tout. Adrien est comme ça. Léger. Étourdi. Irréfléchi. Inconséquent. D'une imprévoyance qui à mes yeux frôle l'irrespect et se confond parfois à lui.

Comprendre cette donne me libéra de l'attente. Pas forcément de la déception de notre rencontre manquée, mais celle-ci s'estompa vite.

Finalement je ne voulais plus qu'Adrien vienne. Et ne voyais pas, d'ailleurs, comment il en serait capable. Il ignorait quelle route, quel bout de lande j'habitais. Il n'avait pas mon adresse. Pas mon nom de famille.

Sans lui j'avais repris le cours ma vie. Un chemin duquel il (s')était totalement exclu.

 

Adri bis 2L'après-midi d'hier fila dans l'écriture.

À peine avais-je terminé le billet sur Noam que ma voisine italienne m'appela.

- Yes, I'm here ! criai-je depuis ma terrasse masquée de rideaux blancs.

- There is someone for you, dear !

Quelqu'un pour moi ?

Étonnée je quittai ma chaise, entrebâillai les rideaux et distinguai, au bout de l'allée sombre, ma voisine escortée d'une silhouette masculine, si mangée de nuit qu'elle semblait irréelle.


Mon esprit travaillait à toute allure.

Bon sang de bonsoir, mais qui était donc ce visiteur surprise ?

Je crus deviner des cheveux longs.

Noam ?

Impossible. Il n'avait pas besoin de guide pour localiser la villa.

Ayhan, mon étudiant philippin ?

Idiot. Jamais il n'aurait osé débouler chez moi sans m'avertir.

Un ami de Bertille, peut-être ?

Mais lequel ?

Et pourquoi ?

Je n'avais rendez-vous avec personne.

Alors... QUI ?


À tout hasard je lançai :

- Hello...

Une voix que je ne reconnus pas s'exclama :

Hello ! Je suis si content de te revoir !

La silhouette marchait bras tendus vers moi. Et vers elle je marchais hypnotisée, irrésolue. Les bras serrés et les yeux écarquillés pour percer ce fichu noir.

- Mais qui est-ce ? lâchai-je brutalement, plus sèchement qu'escompté.

- Adrien !

- Adrien ??

Un bloc de stupéfaction s'abattit sur mes épaules, m'ôta la parole, m'affola le coeur, me coupa le souffle. Stupide, ballante, pétrifiée je me tenais toute droite, toute raide, toute molle.

Ma voisine s'éclipsa prudemment. Adrien me prit dans ses bras.

 

D'un coup je retrouvai sa peau. D'un coup je retrouvai son parfum.

Son odeur, la sienne si particulière, me frappa comme une gifle.

- But... Adrien... what... are you... doing here ?

Je ne m'entendis pas balbutier. Ni lui parler anglais. L'effarement avait fusillé mon cerveau.

Blocage sur la touche arrêt, bug informatique, écran noir.

Ben... Je suis là pour te voir. Tu n'as pas eu mon mail ?

- Noooon. Tu l'as envoyé quand ? Quand es-tu es arrivé ? Aujourd'hui ? Depuis longtemps ? 

Une fois le déblocage opéré, les questions se bousculaient. Les doutes aussi. La certitude de ne pas apparaître à mon avantage. Vêtue d'un tee-shirt informe, décoiffée, sans maquillage, prête pour écrire mais pas pour recevoir. Surtout un amant. Et bien plus jeune que moi.

Soudain je m'aperçus que nous étions encore dans l'allée, plantés entre les arbustes.

- Euh... Tu veux entrer ?

- Volontiers.


Adri bis 3Mon coeur s'accéléra encore.

Soudain je réalisai que j'aurais pu ne pas être seule. Que Noam aurait pu être là.

Nous dans la chambre à cette minute. Enlacés, avec nos gémissements, nos sursauts, nos cris filtrant par la fenêtre, faisant d'Adrien autant un obstacle à notre étreinte que le spectateur d'une intimité qui ne le regardait pas.

J'eus le sentiment d'avoir échappé à une catastrophe.

En effet, j'avais plus tôt hésité à inviter Noam. Finalement décidé de m'abstenir.


Une fois de plus ma petite voix m'avait protégée. Gardée d'un vaudeville tropical mettant en présence deux de mes amants.

Deux hommes qui ignoraient tout l'un de l'autre.

Deux hommes qui n'apprécieraient guère, sans doute, de tomber nez à nez.

Je ne leur avais pourtant rien promis.

Eux non plus.

Leur volonté était au contraire de rester libres. De ne nouer aucune attache solide, de ne pas entamer de relation, de ne s'engager avec personne.

N'empêche... Il est un monde entre le désir et sa réalité. L'envie d'indépendance et la réalité du corps d'un autre homme, de ses baisers, de ses coups de reins à l'amante.

On a beau supposer n'être pas l'unique, le voir de ses yeux ne fait, je crois, jamais plaisir. Au coeur comme à l'ego, à la fierté comme à l'âme.


Et il n'était pas exclu, pensai-je, que Noam me propose de le rejoindre ce soir. Ou qu'il surgisse à son tour au bout de mon allée comme un diable de sa boîte.

L'idée me chiffonna.

Puis zut. Tant pis. Ça leur apprendrait, à ces hommes, à débarquer sans crier gare. Attitude que je ne me serais jamais autorisé, tant par politesse que crainte de déranger. Et de devenir, contre mon gré, témoin de ce que je préfère occulter.

Mes hommes, vivez votre vie mais ne me l'imposez pas.

Ayez des amantes, des maîtresses, mais ne me les racontez pas.

D'elles je n'ai rien besoin de savoir. Elles sont vos jardins secrets. Gardez-les précieusement dans l'ombre des chambres closes, éloignées de moi qui ne souhaite pas les connaître.

Mais à l'unique condition, s'il vous plaît, qu'elles ne m'enlèvent rien. Ni votre désir ni votre amour, ni vos attentions ni notre partage.

Là, mes hommes, je ne serai plus d'accord.

 

 

Suite de ce billet ici.

 

Pins-up de Gil Elvgren. 

Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour - Communauté : les blogs persos
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