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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 5 juin 2 05 /06 /Juin 18:22

Un cunni etAlister est exactement mon type d'homme : très brun, les yeux café, la peau mate, un visage régulier ombré d'une barbe discrète. Intelligent aussi. Cultivé, sensible, brillant, ambitieux, spécialiste dans un domaine de pointe.

Professeur, chercheur, dirigeant d'une entreprise qu'il vient de fonder.

Alister passe sur l'île quelques jours de vacances. En chemise et long short kaki, loin de l'image guindée du patron, il fourre ses orteils dans le sable et s'esclaffe renversé sur sa chaise.


Lorsqu'il frôla plus tôt ma table, je tressaillis. Le trouvai aussitôt attirant, cet inconnu marchant à rapides foulées. Me surpris à me sentir soudain très seule. À imaginer cet étranger serré contre moi. À deviner la forme de sa verge sous son boxer et sa façon de faire l'amour.

Énergique, certainement. Et tendre. Et passionnée.

Je m'ébrouai. Assez de divagations pour ce soir, j'avais dit.

Alors, un peu vide, un peu grise, je retournai à mon livre et mon vague à l'âme.

Plus tard la serveuse demanda :

- Are you alone, Sir ?

Un "yes" sonore me fit sursauter. Je me retournai.

Le bel étranger était assis juste derrière moi.


J'ignorais encore que bavarder avec lui serait un tel bonheur. Alister a l'esprit vif, pénétrant comme une lame. Des références qui ne me sont pas étrangères. Une habile façon d'envisager les problèmes, de les inspecter sous différentes facettes.

En lui je reconnais l'empreinte d'une formation universitaire poussée, une attention portée aux mots, une élégance et une finesse plutôt rares.

Assurément cet homme a tout pour me séduire.

Sauf qu'il a déjà une compagne.

Plus tôt nous discutions du couple. Du contrat, tacite ou non, qui lie chacun.

À ma question "quel est le vôtre, d'ailleurs ?", Alister souffla :

- Le contrat classique.

- La fidélité réciproque, tu veux dire ?

- Oui. Je crois que c'est ça.

Alister croyait sans en paraître ravi. Il évoqua le désir, cette possibilité toujours ouverte qu'une inconnue le bouleverse, lui lâche des papillons dans l'estomac, réveille l'émotion, la cuisante tentation de s'approcher plus près.

Jusqu'à ses lèvres. Jusqu'à son sexe.

- Personne n'est à l'abri. Surtout d'un coup de coeur...

La prophétie me sembla sage, conforme à la vie telle qu'elle est.

J'acquiesçai sans réserve.

 

Les heures défilent et Alister se désole ne pas m'avoir connue plus tôt. Nous aurions pu parler d'une foule de sujets, paresser à la plage et plonger ensemble.

J'aurais pu l'éclairer sur le quotidien aux Philippines, mon expatriation, les étranges signes qui parsèment ma route, ma vision de l'existence et les bizarres articulations de la mienne.

Nous aurions pu mais voilà : Alister quitte l'île au petit matin.

Encore une rencontre à peine éclose que déjà tuée dans l'oeuf.


Un cunni et 5bisCette répétition m'apparaît frustrante, lassante, épuisante. Tous ces hommes croisés, leurs espoirs, leurs croyances, leurs histoires, leurs confidences, tous ces bouts d'eux qu'ils me laissent en s'éclipsant me donnent le tournis.

Me peinent, même.

Pénible impression d'une richesse qui, bien qu'étalée, me demeure inaccessible.

D'un mets délicieux duquel je ne goûte qu'une bouchée.

D'un parfum entêtant, à peine humé mais trop vite évanoui.

L'impression, aussi, d'être la dépositaire de bribes d'hommes bruissant au fond de moi tels des murmures. Chacun unique, doté de ses inflexions propres.

Unique mais confondu à un grand choeur, la chorale de mes amants, de mes amis, de mes absents.


Moi aussi je regrette qu'Alister plie bagages. J'aurais volontiers savouré du temps en sa compagnie. Journées de concorde, désintéressées puisqu'il n'est pas libre mais tenu par un contrat qui m'exclut.

Aussi suis-je effarée lorsque, sur le chemin nous reconduisant chacun chez nous, Alister stoppe net.

- Je dois t'avouer quelque chose...

- Oh. Pas grave, j'espère ?

- Si. Je... Tu... Oh, et puis zut ! Tu me plais beaucoup. Beaucoup trop.

Le sens a beau être limpide, j'ai du mal à en croire mes oreilles.

Rien, lors de cette soirée, ne m'a laissé présager que. Ou si, peut-être.

Une lueur plusieurs fois allumée dans les prunelles d'Alister. Sa voix altérée à mesure des heures. Ses approbations tandis que nous évoquions l'abandon, le plaisir et leurs parts d'incommunicable. Les mots qui gâchent les déduits, les comptes-rendus qui ternissent les étreintes.

Point par point, Alister me confortait dans mes opinions. Les complétait, même, comme s'il avait habité mon cerveau. Connivence, complicité... Cette proximité était aussi troublante qu'un baiser désiré mais gardé pour soi, retenu ou plus justement occulté.

Sachant qu'Alister avait une femme dans sa vie et un contrat de fidélité, j'avais décidé de ne rien remarquer.

M'étais persuadée qu'il n'y avait rien à remarquer.


Stupéfaite, je ne pus bredouiller que :

- Par-don ?

J'ai craqué, voilà. Oh, je me doute que... J'ai bien conscience de... Mais c'est plus fort que moi. J'aime ce que tu penses, ce que je devine et ce que je vois. Ta robe et tes mains. Tes épaules et le sable sur tes pieds et la...

- Mais, Alister...

- Quoi ? Les papillons dans l'estomac, c'est maintenant. Quand je te regarde.

Qu'objecter à ça ?

Le silence.

- J'ai une proposition à te soumettre, poursuivit-il. Ne la rejette pas d'emblée... Écoute-moi, s'il te plaît.

- D'accord. Je t'écoute.


Un cunni et 2Alister me proposa de l'accompagner à son hôtel. Où il m'offrirait, jusqu'à l'orgasme, un des plus délicieux cunnilingus de ma vie. 

Notre rapport s'arrêterait là. Aux embrassades, aux caresses, à sa langue au creux de mon sexe.

En échange je ne ferais rien. N'aurais rien le droit de faire. Juste celui de profiter, de m'enivrer et de lui faire cadeau de ma jouissance.

Ensuite je quitterais la chambre. Rentrerais chez moi pour le laisser seul.

- Mais... C'est horriblement frustrant ! m'écriai-je.

- Pourquoi ?

- Parce que dans recevoir sans donner, il manque quelque chose... L'essentiel. Le vrai partage, peut-être.

Mais quand Alister me pressa contre sa poitrine, je sentis, fou sous ma paume, son coeur battre à l'unisson de mon sang.

 

 

Photos : Christer Stromholm,

Paul Outerbridge et Man Ray, La Prière.

Par Chut ! - Publié dans : Eux - Communauté : les blogs persos
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