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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 17 janvier 2 17 /01 /Jan 14:32

À lire avant, la première partie de ce billet.

 

 

PanièreLe soir, je parlai longuement avec mon amie Ether. Voilà des lustres que nous n'avions pas discuté.

Notre conversation me combla. Nous la stoppâmes avant minuit : à l'heure où, dans les contes, les carrosses se transforment en citrouilles, un concert allait commencer.

Juste en face de l'hôtel, bien sûr. Et, pour cause d'endurance vocale exceptionnelle, il devait durer... vingt-quatre heures.


Ni les boules Quiès ni trois oreillers ne purent endiguer ce tsunami sonore. Les chanteurs n'étaient pas mauvais, non. Comparés aux clients du karaoké, ils étaient même de classe planétaire.

Mais je n'étais pas d'humeur. La manie asiatique de pousser le volume à pleine puissance déformait les voix, les rendant stridentes, tordues, méconnaissables.

L'épuisement se frayait de nouvelles routes sous ma peau. La migraine repoussée à coups de gélules me terrassait.

En nage, fiévreuse, je priais pour que cet infernal vacarme s'arrêtât.

Pour cause de trop de bruit peut-être, on resta sourd à mes appels.

 

Le lendemain fut de ceux qui déchantent. J'avais subi la fête sans en tirer un quelconque bénéfice. Rassemblé mes affaires au ralenti, bouclé mon sac dans une demi-brume. Le réceptionniste eut l'amabilité de ne pas relever mes yeux hagards, mes joues creuses et mon nez rougi sur mon teint livide.

- Happy Sinulog, Mââm ! me cria-t-il avec allégresse, forçant le ton pour dominer le tumulte d'un concert qui n'en finissait pas.

Pour un peu, il m'aurait déroulé une langue de belle mère sous le menton ou collé un chapeau bigarré sur la tête. Les autres clients en portaient bien, eux. Avec des maquillages en forme de fleurs et d'étoiles sur les pommettes, des tee-shirts multicolores aux armes de Sinulog 2012 et des appareils photo en bandoulière.

Tous au diapason du festival, exsudant leur entrain comme moi une sueur aigre.

Je me fendis d'un morne "Salamat" (merci en visaya). Compatis à la dure position de cet homme : témoin d'une fête qu'il adorait mais à laquelle, enchaîné à son comptoir, il ne pouvait se joindre.

 - I feel sorry for you, Sir. Next time for sure ! conclus-je dans une oeillade complice.

 

La prochaine fois...

C'est l'excuse qui, en Asie, passe partout. Celle qu'on oppose aux marchandes quand on ne veut rien leur acheter. Aux vendeurs d'excursions quand on refuse leurs services. Aux gens trop insistants qui vous convient pour dîner. Marque de politesse porteuse d'espoir suffisant à chacun et mettant tout le monde d'accord.

Ma sollicitude ravit l'employé. Aussitôt, un immense sourire fendit son visage brun. Poussant mon avantage, je lui posai la question qui me brûlait les lèvres : mon bateau partait à 18h00.

À quelle heure devais-je quitter le centre-ville pour arriver au port à temps ?

Mon vis-à-vis plissa le front. Inspecta la rue déjà noire de monde. Regarda sa montre et compta sur ses doigts des heures invisibles.

- At 2 pm, Mââm.

À 14h00 ? Quatre heures avant le départ du bateau ? Se moquait-il de moi ?


 

A l'abriJe protestai comme s'il voulait m'arnaquer. Sans s'offusquer, le petit homme me donna ses raisons.

Cebu était un chaos de danseurs, de Philippins, de touristes et d'embouteillages.

Toutes les rues du quartier étaient barrées.

Aucun jeepney ne circulait aujourd'hui. Les taxis, certes, mais en nombre réduit.

Je serais bien chanceuse d'en trouver un. Sinon, comme probable, je devrais gagner le terminal des ferries par mes propres moyens. Ce qui signifiait mes pieds, avec mon barda sur le dos. Et le port, c'était loin...

Un désespoir mâtiné de résignation me saisit.

On verrait bien.

 

Une affiche attira mon attention. Elle détaillait le parcours emprunté par la parade. Une large boucle ceignant le coeur de la cité.

Mais où se trouvaient maintenant les danseurs ? Vers quelle avenue diriger mes pas ?

On verrait bien.

Comptant sur la gentillesse philippine pour me renseigner, je m'aventurai dehors. L'impact sonore du concert me frappa droit à l'estomac. Je chancelai sous le choc, cherchai appui contre un mur. En dépit de toute logique, l'image de mon journal de bord s'interposa devant mes mains.

Aucun souvenir de l'avoir rangé dans mon sac. La peur et l'espoir au ventre, je retournai dans ma chambre, puis dans les lieux où, la veille, je m'étais arrêtée.

Rien.

Cette perte fut le coup fatal. Mes dernières velléités d'assister à Sinulog fondirent sous le plein soleil. Envolée, mon envie. Évaporé, mon entêtement. Je revins lâchement à l'hôtel, m'emparai de mes affaires et me carapatai. Honteuse de ma fuite après tant d'efforts mais soulagée, profondément, de rentrer à la maison.

Après deux nuits hachées, la villa, mon lit, la piscine se paraient des couleurs d'un rêve presque inaccessible.


Le réceptionniste s'était trompé : dans la rue voisine, des voitures roulaient bien. Mais au pas, pare-chocs contre garde-boue. Quelques taxis également, mais tous bondés, en effet. Deux jeunes policiers en uniforme, carabine sur la cuisse, assuraient l'ordre. Pour une raison obscure, l'un empêchait la chenille de véhicules de tourner à droite, tandis que l'autre, poitrine en avant, faisait tournoyer dans le vide son bâton blanc.

Une vraie majorette aussi musclée qu'un catcheur.

J'étouffai mon hilarité dans une gorgée de Coca. À ma droite, une serveuse offrait des boissons aux badauds. À ma gauche, une Philippine se débarrassa de la sienne pour enfourcher une moto. Le gobelet encore plein atterrit sur l'apprentie majorette, éclaboussa sa chemise, trempa son pantalon de service.

Le policier eut le bon coeur d'en rire et de s'intéresser à moi.

- Looking for a taxi, Mââm ?

- Yes, indeed.

Il ne me proposa pas son aide, il se l'arrogea. Déchargea mon sac de mes épaules, le déposa avec soin sur le bitume, me conseilla de m'abriter à l'ombre d'un auvent.

Sur ce carrefour surchauffé, dépeignée, transpirante, je devais lui paraître bien misérable. Et pouvais m'appuyer, sans nul doute, sur son uniforme pour me dénicher le seul taxi libre de Cebu.

Dût-il le stopper par la force, à grand renfort de bâton de majorette.

  

Un saint sur le seinUne cohorte de taxis pleins passa. Mon sauveur m'adressait des regards aussi complices que consternés. Que le quartier soit en proie au plus grand désordre semblait soudain relever de son entière responsabilité. Que je déserte mon poste pour marcher vers le port aussi. 

Je lui adressai un sourire reconnaissant.

À l'impossible nul n'est tenu...


Une ambulance déboula au coin, suivie d'un fourgon de police et de trois taxis vides. Le policier sans bâton dériva leur course sur la gauche. Toutes sirènes hurlantes, les bolides filèrent au ras de nos semelles.

Désarroi de mon protecteur. Il avait laissé échapper la voiture qu'il me fallait.

- An emergency, Mââm ! s'excusa-t-il. Wait for uh... a while.

J'aimais beaucoup sa façon de m'inciter à me ranger du côté de la fatalité.

Cet homme le savait comme moi : "attendre pour euh... un moment" pouvait signifier autant cinq minutes que deux heures. Aux Philippines, la notion du temps est extensible, les horaires modulables, les gens patients.


Par chance, un autre taxi sans client faisait route en sens inverse. Bâton dressé vers le ciel, mon policier traversa la chaussée sans regarder, se précipita à sa rencontre, manqua d'achever son élan sous ses roues.

Le chauffeur stoppa de mauvaise grâce.

Je chargeai mes sacs, ma fatigue, ma personne. Adressai un chaleureux "salamat kaayo, Sir !"(merci beaucoup, Monsieur !) au représentant de l'ordre.

La voiture démarra dans un crissement de pneus.

Son propriétaire se retourna vers moi pour me demander :

- You like music, Mââm ?

Je ne répondis pas.

Bercée par l'air climatisé, je dormais déjà.

 

Rassemblement

 

Photos persos ; davantage de photos des Philippines

dans les albums Blanc, ciel, sable / Sandugo / Poblacion Fiesta.

 (Rubrique Albums sur la colonne de gauche).

Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines - Communauté : les blogs persos
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