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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Samedi 2 juin 6 02 /06 /Juin 15:03

Le début ici. Et la folle musique du texte là.

 

 

Hypocrisie- Une douche ? proposai-je.

Adrien acquiesça, me rejoignit dans la salle de bains et se déshabilla sans autre forme de cérémonie, à la façon des gens qui, en parfaite harmonie avec leur corps, n'ont rien à en cacher.

Ses tatouages surgirent. Ceux dont je me souvenais, d'autres que je n'avais pas remarqués.

Entre ses omoplates, d'une écriture penchée, Actions speak louder than words*.

Sur son flanc gauche, un buisson d'épines abritant une rose à peine éclose.

Je l'attirai sous le jet froid.


Adrien m'embrassa. Baiser sans salive qui picora mes lèvres, pile à la bonne distance d'intimité.

Sensuel mais retenu telles des retrouvailles après une longue absence.

Familier mais pas trop, comme validant le discret recul que mon corps affichait.

Adrien manque peut-être d'éducation, mais pas d'intuition ni de savoir-faire.

Or, le voir chez moi m'était décidément bizarre. D'autant plus qu'en ne s'annonçant pas, il m'avait privée de l'attente fébrile, de la joie de l'imaginer traverser ma terrasse, de l'excitation de le recevoir et de tout temps de préparation.

Temps qu'il me fallait pour me rendre disponible à lui.

 

Alors, au lieu de lui rendre son baiser, je le mordis.

Adrien protesta à peine. Souris.

Ma langue creva la barrière de ses canines. Il l'accueillit en m'enlaçant. Peau de soie, épiderme de velours, suave tissu dont l'érection s'immisça entre mes cuisses, frôla mon aine, buta contre ma chatte.

Je serrai sa nuque à la briser. Décochai à Adrien un regard d'avertissement qui ne reflétait, sans doute, que mon brusque égarement. La montée du désir en flèche abrupte, le besoin d'enfouir sa queue dans mon ventre, d'en sentir les soubresauts me river au sommier.

Et, en surimpression, l'envie de tenir Adrien à ma merci, de lui faire tourbillonner la tête et de lui égarer l'esprit. De défaire sur ma couche cet homme trop sûr de lui, de le sonner, inconscient, pantelant, oublieux des mots qui sourdraient de son délire. Poupée de cire et de son livrée, captive, trempée de bave et de mouille, m'enjoignant de cesser et m'implorant de continuer.

Une exaltation mauvaise me picota le cou.

Le banquet des fauves allait débuter.

Mais pas si vite. La table n'était pas encore dressée.


Je lâchai Adrien pour subitement lui tourner le dos, déployant en une parodie de soumission ma colonne courbée et ma croupe tendue. J'actionnai la pompe d'un flacon pour en recueillir la semence.

- Gel douche au cannabis, Monsieur... Vous allez adorer.

J'étalai la mousse sur son buste, en creusant les méplats, en aplatissant les bosses. Douceur zébrée de brutalité, courbes voluptueuses agonisant en griffures, langoureux frôlements en pincements de tétons.

Si Adrien avait mal, il taisait sa douleur. Sourire aux lèvres il se laissait oindre, et ce sourire m'agaçait pire qu'une chatouille. Il me paraissait - peut-être à tort - narquois, ironique, plus cru qu'une moquerie.

J'y lisais un défi, une invite à effacer, à lui faire ravaler, à lui bourrer entre les dents.

 

Le repas des fauves2Ce sourire avait des mines de contentement de soi, de fatuité d'un homme trop beau qui n'a finalement que sa beauté à offrir.

- Ça ne marche pas comme ça, mon petit... me retins-je de le corriger.

Ce sourire avait aussi des poudroiements de victoire. Comme si Adrien savait qu'en débarquant à l'improviste, je ne pourrais que lui ouvrir ma porte.

Ma porte et mon cul.

Qu'il devinait que dans la demi-heure, je serais nue. Triomphe facile de sa volonté sur ma porosité, de sa chair sur mon corps.


Oh, bien sûr, j'aurais pu chasser Adrien de la villa. Prétexter un rendez-vous pour écourter le nôtre. Me prétendre si vexée qu'il devrait remballer dans la minute et ses formules de politesse et son sac et sa personne.

Mais je ne m'étais fixé aucune ligne de conduite. Ni promis de jouer les hautaines, les offusquées, les à cheval sur les conventions.

Surtout, tel n'était pas mon désir.

La jouissance était là, toute frétillante d'être moissonnée. Elle ne se représenterait ni demain ni la veille.

Pourquoi ne pas l'embrasser à pleine bouche ? Me baigner dans sa force, son torrent, sa pulsion de vie ?

Si Adrien voulait abuser de moi, la réciproque était vraie.

Balle au centre du champ de bataille. Un partout aux agapes des fauves.

Le cul comme terrain de reddition et de tous les combats.

- Viens ! ordonnai-je.

Je hâlai Adrien hors de la cabine de douche, le tirai dans le salon, le poussai dans la chambre, en ajustai les rideaux avec soin.

Nul spectateur n'était requis à notre banquet. Vagabond théâtre de plaisirs s'impatientant avant les trois coups, les ripailles se dérouleraient à guichets fermés.

Parce que la maîtresse de cérémonie en avait ainsi décidé.

 

À genoux sur le carrelage, je suçais Adrien. M'arrêtais et le branlais à petites secousses, tour à tour comprimant et relâchant sa hampe. Humectais majeurs et index pour sculpter son gland de pressions liquides. Le séchais à mon souffle tiède. Titillais son frein, pointais ma langue dans son méat. Tapotais puis frappais sa verge contre mes lèvres. L'enfonçais dans mes fossettes, l'en retirais pour m'en gaver encore. Glissais, indolente, jusqu'à ses couilles, noisettes compressées entre mes paumes, aussi chaudes et pépiantes qu'un duo d'oisillons.

Adrien s'agrippait à ma chevelure dénouée. Lâchait une plainte, un grognement contenu.

Dardés derrière mes mèches éparses, mes yeux le narguaient. Oeillades impudiques mais attentives à le mener juste en-deçà du point de non-retour, celui où Adrien signerait de son sperme la fin de notre débauche.

 

Le banquet des fauves 4- Tu as... une... capote ? bredouilla-t-il.

- Oui, mais pas maintenant.

Patience, mon chéri... Nous n'en sommes qu'aux amuse-gueules.

Et sur son sexe je replongeai pour l'engloutir, le dévorer comme si mon salut en dépendait.

Comme si mon appétit pantagruélique jamais ne s'avouerait repu.

Comme si dans l'univers n'existait plus que ce chibre dressé pour la parade, cette bite rougie qui, limitée par sa propre écorce, le long de mon palais voulait encore s'étendre. M'honorer. Me suffoquer.

Aux pupilles d'Adrien je revenais, m'accrochais pour les braver de mon regard de petite salope.

"Non, de grosse salope au meilleur sens du terme", aurait rectifié Pierrig.

Salope, oui. Si vous voulez.

Et femme. Et maîtresse. Et amante. Et conquérante. Et dominatrice.

 

Sur Adrien je m'abattais. De lui me relevais. Sexe serti au sien, plantes des pieds en bascule sur le sommier, tendons vrillés jusqu'à la rupture.

Entre mes chevilles il gisait droit et contracté, sans se départir de ce sourire qui me courrouçait.

J'encerclai sa gorge. La serrai à l'étrangler. M'inclinai vers son beau visage pour cracher à sa belle bouche :

- J'ai envie de te faire mal...

Ses prunelles vacillèrent. Je chiffonnai ses traits. De la paume et du revers, des ongles et de la pulpe, résistant à l'impulsion de le gifler, réfrénant le sang qui cognait à mes tempes.

Ma vision se brouillait d'ombres et d'éclairs. Images de chattes écartelées, instantanés de bites giclant leur foutre, fulgurances me transperçant les muscles.


Un foulard sur un meuble. Deux tours et un noeud sec contre les paupières d'Adrien.

Celui-ci eut un sursaut de recul.

- Tu ne me fais pas confiance, peut-être ? susurrai-je.

Je faillis ajouter "tu as raison...". Me tus pour ne pas mentir.

Ma proie aveugle se débattait contre mon ventre. Luttait pour me posséder plus profond encore alors que je lui échappais, ôtais la capote pour le reprendre dans ma bouche.

- Aaaah... Pitié... Je n'en peux plus !

- Mais si ! le grondai-je.

Son entrejambe était moite, son gland brûlant.

C'est une torture ! Une torture !!

- En effet. Une inhumaine, une magnifique, une terrible torture...

Adrien réprima un sanglot. Balbutia que tout son être avait coulé là, au creux de son pieu palpitant, rehaussé de veines si gonflées qu'elles semblaient éclater leur enveloppe. Que jamais encore il ne l'avait senti si excité, réactif, irrité, hésitant entre la douleur et l'orgasme.

Les signaux s'étaient brouillés, les stimuli confondus. Dans ce chaos impossible de déterminer qui était quoi, d'assigner une place à ces contraires fusionnés.

Entre la souffrance et la jouissance, le minuscule intervalle d'un de mes cheveux blonds.


Le banquet des fauves3- L'orgasme, dis-tu, Adrien ? Pas encore.

- Mais...

- Chut !

Ma paume se faufila sur son périnée. L'enflamma à rapides poussées, arquant son échine, électrisant ses fesses.

- Ne jouis pas, ne jouis pas ! ordonnai-je.

Doutant soudain qu'il m'obéisse, je le repoussai. Le calmai telle une monture emballée, le berçant de mots apaisants.

- Tsss... Là... Doucement...


La respiration d'Adrien se fit plus tranquille. Satisfaite, je rampai sur lui pour m'empaler dans un cri.

Et je jouis deux fois.

À en faire trembler les murs.

À en alerter tous les voisins. Si fort qu'Adrien dut me bâillonner et que, rétive, je m'ébrouai pour le chasser.

Quand vint son tour, il cria. Longtemps.

Et quand il se releva, manqua de s'évanouir.

 

Rideau noir sur le festin des fauves.

 

 

La suite ici. 

 

*Actions speak louder than words : les actions parlent plus forts que les mots.

 

Pin-up de Gil Elvgren.

Photos : Arthur Tress, Will Santillo, Hosoe.

Par Chut ! - Publié dans : Classé X - Communauté : les blogs persos
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Commentaires

Quiconque a eu la chance de vivre une telle torture sait de quels fantasmes ses nuits seront désormais peuplées. Quiconque a tenté d'en faire un texte d'égale intensité sait ce que celui-ci a de rare et de jouissif.

Chapeau bas ma chère, ta plume taille à l'envi de ces moiteurs nocturnes qui de mon parallèle au tien, ne sont pas que tropicales.

commentaire n° :1 posté par : Slevtar le: 06/06/2012 à 15h50

Euh... Je t'ai dit que j'avais la spécialité de plongée profonde ? (D'épave aussi, mais cela n'est pas le sujet du tout !)

Merci Sev. Du creux du jour qui pour toi est la nuit.

réponse de : Chut ! le: 07/06/2012 à 08h45
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