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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
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Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 1 mars 2 01 /03 /Mars 21:12

      Hier, Annie Girardot est morte. Elle portait le même prénom que ma mère,

écho presque parfait de celui de ma grand-mère, dont c'est aujourd'hui l'anniversaire.

Atteinte comme Annie G. d'une maladie dégénérative, elle l'a toutefois oublié.

Moi, je perpétue cette tradition familiale (inconsciente), mais de manière tronquée :

mes deux prénoms furent séparés sans trait d'union. L'usuel et l'autre, hérité, qui ne sert jamais.

Divisée dès l'origine et, malgré tout, sous le signe du lien placée.

Ce soir sera placé, lui, du côté de la vie. Face à Pierrig avec la nuit derrière la vitre.

 

 


newton cigareLa nuit a dévoré les champs et les rizières. Le wagon-restaurant fermera dès que les employés auront chassé le dernier trio de touristes. Ceux-ci ne veulent pas partir. Ils veulent boire, boire encore pour être plus ivres, plus bruyants, plus grossiers.

L'un d'eux tente de négocier une heure d'ouverture supplémentaire ou, à défaut, le temps d'une autre bière. Il est prêt à payer et la bière et le temps, mais les billets tendus se heurtent à la poitrine hostile de la matrone thaïe.

Pierrig et moi n'avons plus de cigarettes.

La matrone refuse de lui en vendre. Sans même lever le menton, d'un geste impatient de mépris.

- Laisse, dis-je.


C'est au collègue de la maritorne que je m'adresse. Sanglé dans son uniforme crasseux, il nous a tour à tour apporté des bières, des Coca et des soupes à la citronnelle. Avec lenteur et mauvaise grâce pour nous décourager, tout à son zèle de nous faire comprendre qu'ici, nous sommes de trop.

Je lui parle et, surprise, il m'écoute. S'incline, fouille le contenu d'un vieux carton, me tend un paquet et m'annonce le triple du prix normal dans un sourire en coin. Petit homme fier d'arnaquer la farang* qui, d'ailleurs, ne proteste pas.

Nos regards se croisent.

Il sait que je sais, et aussi que je m'en fiche. Ce qui m'importe est de rejoindre Pierrig, son dos qui sous l'orange de son pull se balance, ses mains qui m'ouvrent une à une les portes.

Clac, clac.

Elles se referment derrière moi dans un bruit de mâchoires métalliques, forceps du piège vers lequel j'avance, toujours plus près à petits pas têtus, le coeur en bascule, les bras tendus et les yeux grand ouverts.

Ma paume se pose un instant contre la vitre. Son contact froid m'apaise comme il calme mon front brûlant.

Je pourrais encore prétendre que je ne sais pas. Ce serait mentir. Je sais très bien, de toute l'acuité de mon désir, que cette nuit sera sans sommeil.

Pierrig se retourne. Nos regards se confondent.

Il sait que je sais, et aussi que je ne m'en fiche pas.


Nous continuons à marcher. A la queue-leu-leu, sans un mot. Le train est une enfilade de sas déserts et de compartiments silencieux. Tous les rideaux des couchettes sont tirés, signe que les autres voyageurs ont, eux, trouvé le repos.

Au bout d'un corridor, une porte ouverte. Elle donne sur un réduit lavabo-toilettes. Lino noirâtre et faïence craquelée, du robuste jauni sous le harnais de vessies pleines et de culs vite torchés. Le lieu est propre, cependant. Tristement banal ou banalement triste. Fonctionnel, javellisé et sans miroir. Après tout, on n'y vient pas pour une retouche de maquillage.

Je pourrais penser à Dame et ses Interme*des. A Eleni, l'amie grecque qui consomma un contrôleur SNCF entre Paris et Bordeaux. A cette situation qui a pour moi tout de nouveau.

Je pourrais mais ne pense à rien car Pierrig s'est arrêté.

Je balbutie :

- Non. Oui.

Il me pousse dans la pièce. Rabat le loquet sur sa charnière de métal.

Clac.

Derrière lui le piège s'est refermé.

Mon coeur s'emballe sous mes côtes. Mes bras se tendent vers son cou. Je ferme les yeux.

 

OndesLe lavabo est aussi froid que la vitre du couloir, mais sa fraîcheur n'attiédit pas mes joues brûlantes. Mon ventre, mes cuisses, mes genoux sont nus, mes chevilles parées d'une mince étoffe de coton. Mon sarouël qui s'avachit sur mes sandales, masquant mon tatouage et entravant la brusque rotation de mes jambes.

Pressés entre elles, il y a Pierrig et son demi visage fondu à ma peau brune. Je défaille agrippée à ses cheveux, enfonce tour à tour sa langue dans mon sexe et l'en éloigne, le souffle court.

La jouissance monte comme une sève.

Pas si vite, pas déjà.

Un mouvement brusque et le robinet s'ouvre en m'éclaboussant.

 

Des voyageurs sont venus puis, lassés d'attendre, repartis. Intrigués ou impatients, se doutant peut-être de ce qui se joue de l'autre côté de la cloison.

Aucun n'a vu la tache blanche s'arrondir sur le pull de Pierrig, sa brève grimace de déception d'un "si vite, déjà" effacé quelques minutes plus tard, lorsque je me suis agenouillée.

 Aucun ne m'a vue à terre, sa verge au fond de la gorge. Sexe à nouveau tendu puis soudain fléchi sous son ventre qui tressaille et ses lèvres qui me glissent :

- Il faut vraiment que nous partions.

Son coude plaqué contre la porte en contient à grand-peine les soubresauts. Derrière, quelqu'un s'énerve. Un quelqu'un bien décidé à nous déloger, quitte à forcer le verrou.

Le contrôleur, peut-être, alerté par nos gémissements ou un autre passager.


D'un bloc je me lève. Rajuste à la hâte mes vêtements, lisse mes boucles emmêlées. Mon mascara a dû couler dans la bataille. Mes joues sont cramoisies, ma peau râpée. L'évidence du plaisir éclate avec tant de force sur mon visage que j'en ai honte. Honte de le montrer à un étranger. Honte qu'il nous gronde comme deux contrevenants à la bienséance. Ce que nous sommes, en effet.

Monsieur, madame, dégagez. Les toilettes ne sont pas faites pour les jeux très privés.

Ahurie, tremblante, je fixe Pierrig.

- Mais comment allons-nous sortir ?

A son tour d'être désemparé :

- Eh bien... par la porte.

Je manque d'éclater de rire. Il n'a pas compris. La gêne lui est aussi étrangère que les interdictions placardées en thaï le long des wagons. La honte qui me cuit n'appartient qu'à moi. A moi donc de m'en débrouiller.

Lorsque Pierrig déverrouille la serrure, je me tiens dans son ombre, digne et droite, tee-shirt rabattu sur le pantalon, petit sac collé au giron.

Me voilà prête à sourire. A soutenir qu'il s'agit d'un malentendu. A m'indigner, même. Vraie menteuse, fausse jusqu'au bout alors que tout la trahit.

 

La porte s'ouvre.

Il n'y a personne dans le couloir.



*farang - ou falang - signifie "occidental" en thaï. Le mot serait forgé sur "farangset", autrement dit... français.

 

Photos : Helmut Newton, Peter Franck.

Et merci à Slev pour le R du titre !. 

Par Chut ! - Publié dans : Pierrig, près de l'os
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Commentaires

Ce cheminement dans le train avec ces "mains qui m'ouvrent une à une les portes" m' évoque la manière dont ton blog chemine lui aussi. Chaque texte, comme suspendu au-dessus d'un livre en puzzle, forge la clé du sas suivant, y appose une nouvelle pièce qui bien sûr ne fait qu'ajouter à l'inconnu du prochain compartiment, mais la progression jamais ne cesse –le train lui-même n'est-il pas en marche ?- : entre raisons choisies et pulsions transcendées, le corps prend chair, le cœur fait route, et l'écriture sa trace.

La métaphore du train pourrait être filée, la voie railleuse où roulent ses patins de fer, le vrombissement sombre de ses tunnels vagineux, l'épaisseur de ses vitres où défilent les visages, son allure de canon et ses boulets sur le quai, le silence échevelé de ses toilettes pour drames, la cadence imposée de son infinie croisière, l'arrivée soi-disant où tout le monde croit descendre, la métaphore du train disais-je, mais finalement, Ô combien juste la Chut(e), il n'y a personne dans le couloir, sauf un enfant peut-être, invisible et nu, les yeux dans le bleu de ton ciel, qui attend, lui, que le train s'arrête.

commentaire n° :1 posté par : Slevtar le: 03/03/2011 à 17h50

Slev... écris ! Je t'en supplie ! Ton message m'a laissée... sur les fesses (ou comment dépoétiser un si beau commentaire faute d'avoir les mots pour lui faire écho).

Je t'embrasse. RV à la prochaine gare !

réponse de : Chut ! le: 04/03/2011 à 20h23

Allons bon, nous v'là bien ! Ca m'apprendra à me laisser aller, mais c'est ta faute aussi, un peu, c'est bien toi la femme de papier –quoique pas seulement- qui inspire, qui crée l'élan. Et si ce dernier a parfois le bonheur de toucher à son tour, ce n'est que juste retour de l'émotion ressentie. Oh, bien sûr, ta supplique me picote l'épiderme : écrire … tu sais bien … j'en ai fait des pages là-dessus. Alors, je t'en prie, relève toi ; te savoir séant tombée à mes mots sur ta noble éminence, pour flatteur que ce soit, n'en n'est pas moins gênant venant de qui sait magnifiquement lui faire administrer de bien meilleurs châtiments.

A la prochaine gare, dis-tu, oui, j'y cours de ce pas.

commentaire n° :2 posté par : Slevtar le: 04/03/2011 à 22h02

Oui, écrire... je sais. Mais j'insiste, j'insiste !

Oups, je me relève donc, l'éminence un peu endolorie, tout de même.

Dis, tu me feras lire... dans la salle des pas perdus ? (Tu ignores à quel point je peux être têtue, et par conséquent pénible !)

 

PS/ Je me suis aperçue qu'une réponse à un de tes commentaires, la femme de papier et moi avons oublié ujn petit "s", passant de "t'embrassant" à "t'embrasant". Autodafé sur le bûcher des vanités. Mes confuses pas si sincères.

réponse de : Chut ! le: 05/03/2011 à 13h24

Après Slev, difficile !

Il y a cette mise en abime. Les wagons suivent la locomotive et elle suit son amant. Elle est déchirée entre son désir et sa honte. Mais sont-ils différenciables ?

N'est ce pas de cette honte qu'elle avait peur. Elle sait que son amant ne la ressent pas. La clé du texte est qu'il n'y a personne dans le couloir et qu'elle a eu honte pour rien. 

J'ai connu le blog très similaire d'une "grande rousse" qui a fermé sans laisser de trace. Elle était encore plus déchirée, et dans sa façon d'écrire il y aurait eu la queue (!) à la porte, et il lui serait resté un peu de sperme à la commissure des lèvres ! 

Toi tu y échappes, c'est étonnant. Non seulement le rapport est fugace et frustrant, mais tu ne le payes d'aucun déshonneur. Rien ne t'empêche de recommencer. Il y a en même temps une superbe description du désir et de son assouvissement, et de la réalité crue des lieux et des autres.

Ton écriture est décidément rare. 

commentaire n° :3 posté par : COLDBEAR le: 05/03/2011 à 12h52

Oui, bien d'accord, Slev est redoutable !

Merci beaucoup, c'est toujours un plaisir de te (sa)voir voyeur. :)

 

Désir et honte peuvent en effet marcher dans la main, s'alimenter l'un l'autre dans un cocktail... explosif. Le souci est souvent l'après, quand le désir s'est tu et qu'il ne reste que la honte... Rayon souvenirs pas glorieux, qu'on se remémore le rouge au front. Là, comme tu l'écris, non. L'envie de recommencer n'en a été que plus forte.

 

Je suis curieuse du blog de cette "grande rousse". Pourrais-tu, si tu le veux bien, m'en indiquer l'adresse ? Merci beaucoup.

Amitiés !

réponse de : Chut ! le: 05/03/2011 à 13h36

J'ai perdu sa trace en 2007. Ces textes étaient très organiques, il y avait aussi une grande présence de la maladie, mais aussi beaucoup d'idées suicidaires. Elle protégeait son blog par mot de passe dont elle changeait souvent. Un jour je l'ai perdu...

Elle avait une plume, mais sa spirale négative était omniprésente. J'espère qu'elle va bien.

Je reste branché, à bientôt

commentaire n° :4 posté par : COLDBEAR le: 05/03/2011 à 17h04

Ah, d'accord. Merci beaucoup !

Oui, il arrive qu'on suive des personnes par blog interposé, et qu'on se demande ce qu'elles sont devenues quand elles ne postent plus, que le contact est rompu...

Des pensées pour elle.

réponse de : Chut ! le: 05/03/2011 à 17h10
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