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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mercredi 8 juillet 3 08 /07 /Juil 00:26

J'ai l'Asie qui me colle à la peau comme un tee-shirt.
C'est ce que je ne suis pas arrivée à dire la dernière fois. Parce que je commence toujours mes articles trop tard et que je finis par jeter l'éponge au milieu de la nuit. Parce que les souvenirs s'additionnent en tas d'allumettes et que je me retrouve perdue dans la boîte.

"Il faut beaucoup vivre pour écrire un peu", ai-je dit un jour.
Bien que vraie, c'est la parfaite excuse des fainéants de la plume. Vivre encore, encore un peu, avant de se mettre au bureau, de se colleter avec les mots, de dégrossir et épurer.

Mais quand la tranche de vie est trop épaisse, la narration bloque. Il y a tellement à dire que savoir par où commencer devient presque impossible.

Aussi, à un ami qui m'enjoignait de raconter mon
voyage, ai-je répondu :
- Tu as trois jours devant toi ?
Trois jours et je n'aurais probablement pas encore terminé, car il n'y a pas eu un voyage, mais des voyages dans le
voyage, imbriqués comme des poupées russes.
Remonter le fil de tous ces voyages-là prendrait du temps, trop. Il faudrait aussi, pour en donner une image juste, pourchasser les émotions enfuies, restituer leur moment, retracer leur parcours.
Les souvenirs, je ne les pourchasse pas, ils remontent tout seuls. À longueur de journée, pour et devant des riens, me partageant entre ici et là-bas, me repropulsant ailleurs avec la conscience parfois douloureuse d'être ici.

Un homme sort du supermarché. Sa tong mal enfilée le fait claudiquer.
Me voilà à Singapour.

Une bride de mes sandales indonésiennes a cédé en pleine rue. Dans ce pays si policé, où aucun mendiant ne traîne sa misère sur le trottoir, où traverser hors des clous vaut une amende, où aucun papier gras ne traîne, où aucune poubelle ne déborde, je marche mes groles à la main.
La chaussée est si propre qu'une rencontre avec du verre brisé est hautement improbable. Je peux donc continuer à remonter l'avenue tirée au cordeau sans héler un taxi. Ce serait bien le diable et tous ses suppôts si, avant trois carrefours, je ne tombais sur un magasin de chaussures.
Évidemment, tout le monde m'observe. Enfin, ce n'est pas moi qu'on observe, mais mes pieds.
Je retrouve ce regard destiné aux bêtes curieuses, celui dont on m'a suivie pas à pas de l'Indonésie à Bornéo. Des Indiens se poussent du coude en s'esclaffant. Des Asiatiques bien mises grimacent d'horreur sur l'air de "Mais comment ose-t-elle ?".
Pour un peu, je me croirais changée en clown ou en révolutionnaire.
Comique ou rebelle pour une vile paire de sandales, c'est dire l'ampleur de ma reconversion.



Palimpsestes 3Ether verse un seau dans la cuvette des toilettes.
Le geste est anodin, mais le bruit de l'eau ricochant sur les parois me transporte dans une foule de petits coins.
Je suis dans la salle de bain d'Ethan aux carreaux blancs.

Dans le réduit miteux d'un restau où les casseroles sales jouxtent un trou à la turque.

Dans l'arrière-salle à ciel ouvert d'un bungalow spartiate. Assise ou accroupie en équilibre précaire dans une provision de carrés, de rectangles avec ou sans porte, avec ou sans loquet, retenant d'une main la serrure et de l'autre mon pantalon.
Et c'est moi qui verse le seau car, à l'exception des aéroports et de Singapour, il n'y a nulle part de chasse d'eau.

Une vendeuse agrafe le soutien-gorge d'un mannequin en vitrine.
Je suis à Koh Tao et je piaffe d'impatience parce qu'Ethan n'arrive pas à fermer le mlen.
- J'ai toujours été doué pour les enlever, en un claquement de doigt, même. Mais euh... Je n'en ai jamais mis.
Je m'esclaffe en lui parlant d'aller-retour, de réciprocité, d'apprendre à réparer ce que l'on a défait. Je crois même avoir dévié sur les obligations de l'homme moderne pour le titiller, par pur esprit d'injustice.
De nous deux, c'était lui qui se chargeait des lessives et du balai.

Je suis aux îles Perhentians, noyant dans un baquet d'eau douce ma combinaison de plongée.
L'agrafe de mon maillot de bain soudain se défait. Au lieu de jouer de discrétion, d'esquisser un repli stratégique, je pousse un hurlement, plaque mes mains de travers sur ma poitrine nue et entame la danse du tourniquet.
Bien sûr, l'assistance rigole, à commencer par les hommes. Moi, je suis cramoisie, et pas à cause du soleil.
Comment attirer l'attention sur ce qu'on veut cacher ? Suffit de me le demander.

Je suis à Singapour (encore), en quête de remplacement d'un soutien-gorge perdu aux îles Gili.
Des bacs remplis de merveilles m'attendent à un chiffre près : le plus élevé ne dépasse pas 85. Et moi, un 85, vu mon dos de nageuse allemande, je l'explose.
Question naïve à la vendeuse :
- Vous n'avez pas de 95 ? Ni même de 90 ?
Taillée façon gaufrette, elle meurt d'envie de me toiser de haut.
Problème. Bien que pas très haute, je suis largement plus grande qu'elle.
J'ai alors droit à un regard méprisant assorti d'un sourire hypocrite :
- Non, désolée, Madame. Ici, nous n'avons que de petites tailles.
Vexée comme une puce se découvrant format sumo, je caresse des idées d'écrabouillage entre deux bacs plastique.
- Scrogneugneu, je vais te les faire avaler, tes baleines !

Alors que je prends un café avec
Salomé, nos voisins parlent anglais.
Leur langue est comme une musique entendue pendant cinq mois. Je pourrais suivre leur conversation au prix d'un léger effort, mais je veux me laisser bercer.
Je dis à mon amie :
- Si je ferme les yeux, je suis ailleurs. Je regrette ces jours entiers où,
baignant dans les inflexions d'Asie, je ne comprenais rien du tout. Le manque total de sens est aussi un total repos... quand il ne devient pas une angoisse.

Jour après jour, je libère les matriochkas de mes souvenirs.
Un si long voyage laisse des traces, forcément.
Il y a d'ailleurs des choses que j'ai oubliées entretemps et retrouvées avec ennui, douleur ou bonheur.
Mes amis.
Le ciel bleu sur les toits en zinc.
Le goût du saucisson et du vin.
Le téléphone.
Les journées à la maison.
Le travail.
La marche avec des talons.
...

Mon sac, lui, est toujours au garde-à-vous dans le couloir. Je n'ai pu me résoudre à le ranger, parce que je suis de toute façon en transit.
En cinq mois, je suis passée du "si" au "quand". Mais c'est encore une autre histoire.

Par Chut ! - Publié dans : Voyages, voyages
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