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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Lundi 4 mai 1 04 /05 /Mai 13:23

Singapour ne devait être qu'une étape entre deux avions, un saut de puce obligé entre Bornéo et la Thaïlande faute de liaison directe. Mais à peine avais-je passé deux jours ici que je ressentis le besoin de m'attarder.
Fidèle au principe d'écouter mes envies, je décidais donc de perdre le billet que j'avais réservé.
L'avion n'avait pas besoin de moi pour décoller. Et dans mon voyage sans filet, personne ne m'attendait, pas même le réceptionniste d'une obscure chambre d'hôtel.
Mon tour sur moi pouvait bien se changer en double, triple ou quadruple looping.

Aussi, à la rituelle question du matin "Are you leaving today, Ma'am ?", je répondais encore endormie, entre toasts et café :
- Not yet.
De fraîche arrivée d'avant minuit, je suis devenue la plus ancienne installée, rivée à son lit comme une palourde à son rocher.
Des voyageurs, j'en ai vu défiler. Des fatigués et des pimpants, des trop chargés et des petits-sacs-hauts talons, des venus seuls qui repartaient en couple et des mécontents d'être ensemble se chamaillant sur les canapés.
D'un jour sur une nuit ajoutée, Singapour est devenu mon arrêt le plus long, un de ceux que je quitte avec un pincement au coeur. Mais avant de m'encroûter par paresse, le temps est venu de réempaqueter mon sac, de le hisser sur mon dos et de me hisser moi-même dans un avion.
On the road again, et sûrement pour plus longtemps que prévu.

Si j'avais commencé ce voyage par Singapour, probable que je n'aurais pas tant aimé ce pays. Mais après plus de deux mois de route, j'apprécie sa facilité comme une goulée d'air en apnée.
Ici, finie l'impression de réincarnation en bête curieuse. Être femme et voyager sans chaperon ? Une bien étrange idée pour nombre de gens dans ce coin de la planète.
- Are you alone ?
Mille fois cette interrogation me fut déclinée sur tous les tons à un arrêt de bus, de ferry, dans la rue, au restaurant. Parfois alors que je lisais, rêvassais ou même dormais, mon vis-à-vis n'hésitant pas à me secouer pour satisfaire sa curiosité.
Souvent par des hommes me proposant en échange leur téléphone, une correspondance sur Internet, un dîner, une nuit chez eux ou le mariage si affinités.
Pour eux, être seule me range d'office sur l'étagère de la disponibilité.
Aussi, selon l'humeur, me rabattais-je sur la vérité ou m'inventais-je un petit ami jaloux, un mari cloué à l'hôtel par une bizarre maladie ou une ribambelle d'amis.
- Seule ? Oh non. Voici John (moulinets pour désigner la place vide à ma gauche), voilà Andy (même jeu à droite).
Yeux écarquillés et hochements de tête polis en retour.
L'avantage de passer pour une dingue, c'est qu'on vous fiche vite la paix.

Liberté du repos2Ici encore, fini le sentiment de qui-vive. Vive la liberté de me promener en petite jupe et courtes manches, appareil photo en bandoulière, en pleine nuit si ça me chante.
De traverser pieds nus la route piétonne de l'hôtel pour acheter une bière, puis une autre.
De la siroter en terrasse en pianotant sur Internet, sans prier que le hamster qui pédale pour fournir de l'électricité accélère la cadence.
De me lever encore en laissant mes affaires sur la table, certaine de les retrouver à la même place.
De marcher sur un air de jazz sans me retourner à chaque feu rouge.
D'identifier les rues par des panneaux à leur nom, leur place sur mon plan pour cesser de me perdre.
De prendre un bus qui partira à l'heure ou un métro climatisé par une chaleur de four.

J'ai beau aimer l'aventure, l'improvisation, le joyeux bordel, elles m'épuisent parfois. Plus qu'un simple lieu de transit, Singapour a été mon hamac en apesanteur.
Demain est un autre jour... ailleurs.


Par Chut ! - Publié dans : Voyages, voyages
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