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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

Décembre 2024
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  • Le blog de Chut !
  • Femme
  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Vendredi 12 décembre 5 12 /12 /Déc 23:47
Il y avait cette femme sur le mur, avec ses lunettes de soleil et sa poitrine nue. Ses épaules soulignées de noir semblaient surgir du blanc, son buste inachevé flotter dans la demi-pénombre.
Le halo sombre du fusain l'entourait d'une légère brume. Se détachant à la lisière du foncé et du clair, la main d'
Andrea ouverte sur la feuille et fermée sur ma nuque.

- J'aimerais te dessiner, me dit-il.
- De dos ?
- Non, de face, avec toutes tes imperfections.
- Celles-là ?
le questionnai-je en effleurant mes cicatrices.
- Pas seulement.
- Mes grains de beauté ?
- Aussi. Je ne te veux pas seulement belle, je te veux vraie. Toi avec tes cicatrices, tes grains de beauté et tes fêlures.


Andrea eut encore une fois ce geste si féminin de rassembler ses
dreadlocks pour les nouer. D'un gracieux tour de poignet, toutes se confondaient en un bloc retenu par une simple natte.
L
orsqu'il fut allongé, je m'amusai à rendre cet ordre au chaos, défaisant l'écheveau de sa chevelure, tirant sur ses serpents noirs, les tordant pour les emmêler à mes mèches blondes, plongeant mes doigts dans leur masse rêche, remontant leurs entrelacs jusqu'à son crâne, là où ses cheveux encore libres crissaient comme de l'herbe sous mes paumes.

- Tu es douce.
À ces mots je mordis ses cheveux et les tirai rien que pour le faire mentir, puis me coulai contre lui et le caressai de toute ma peau pour lui donner raison.
À ses lèvres closes je murmurai des phrases tendres puis crues qui le firent rougir :
- Je suis ton amoureuse et ta salope, ta promise et ta petite pute.
Andrea se défendit, me défendit :
- Ma petite pute... Non... Pas ça.
Pas ça, non, mais son sexe sur mon ventre me prouvait le contraire.

- Tire-moi les cheveux.
J'étais à genoux sur le parquet. À peine m'accroupis-je qu'Andrea me demanda :
- Veux-tu un coussin sous tes jambes ?
- Non.

Ce que je voulais, c'était justement l'inconfort de ce sol dur.
- Tire-moi les cheveux, répétai-je.
Sa main hésitante se posa sur ma tête.
- Tu es sûre ?
Au lieu de répondre, je refermai presque de force ses doigts.
- Utilise-moi, utilise ma bouche. Sans douceur, sans gentillesse. Fais-moi te sucer comme tu en crèves.
Je pris son gland entre mes lèvres pour mieux rester immobile.

Ma totale absence d'initiative dut le surprendre.
Un homme sur un canapé, une femme courbée bouche ouverte sur son sexe, voilà une situation normalement synonyme de plaisir. Sauf qu'à cet instant précis, les signes étaient aussi disjoints que nos regards confondus.
D
ans celui d'Andrea, je lus qu'il était désemparé.
Dans le mien, il lut une volonté farouche.
- Si tu veux du plaisir, viens le chercher.
Tant que tu refuseras de me guider, je ne bougerai pas.
M'empoignant doucement les cheveux, il fit glisser avec précaution son sexe le long de ma langue. Haussant le menton, je me moquai en silence.
- C'est tout ?
Ses yeux se firent plus sombres, sa poigne plus ferme.

À mesure des va-et-vient imposés, l'érection d'Andrea montait, m'emplissant la bouche jusqu'au palais.
Je savais son sexe trop large et trop long pour que je puisse le prendre en entier. Ce qui ne m'empêchait pas de le provoquer encore.
- C'est tout ?
Alors que ses doigts se crispaient contre mon crâne, que ses mouvements devenaient plus pressants, exigeants, mes œillades ironiques me précipitaient vers ma défaite. Vers l'étouffement dû à ce sexe énorme butant contre ma glotte et me coupant le souffle, me forçant à reprendre dans un bref répit une large goulée d'air.
Cette déroute même était ma victoire, signée entre mes cuisses de traînées liquides.
- Tu es trempée, dit-il.
- C'est tout ? objectai-je.

Soudain, la poigne d'Andrea n'était plus timide ni hésitante. Elle était martiale. Et moi, je suffoquai sous ses à-coup en réclamant davantage. Davantage de sa bite entre mes dents, davantage du goût salé de sa jouissance.
Alors qu'il m'empalait jusqu'à la garde, un gargouillis indistinct monta de ma gorge comprimée.
Je le voulais encore mais mon corps
, convulsé par l'envie de vomir, se révoltait.

Andrea me tira en arrière. J'avais la bave aux lèvres et les yeux emplis de larmes.
Il se pencha pour laper l'un et l'autre
, inquiet et murmurant :
- Ça va ? Je t'ai fait mal ?
Mes yeux parlèrent à ma place.

- C'est tout ?

Il rabattit mon visage sur son sexe aussi brutalement qu'il l'en avait dégagé.
Ma gorge à nouveau se contracta. Les larmes à nouveau jaillirent de mes paupières.
Je ne pleurais pas, non. Ou si je pleurais, c'était de plaisir, étouffée d'être
ainsi comblée, rendue, prisonnière.
Moi
son amoureuse et sa salope, sa promise et sa petite pute.
Moi adorant sa peau, son sexe et sa langue qui tour à tour me pénétraient et me léchaient le visage, me pourfendant et me consolant, m'aimant comme si rarement je fus aimée. Dans la violence et la douceur, pour moi les deux faces assemblées du désir et de l'amour.

-
Je ne te veux pas seulement belle, je te veux vraie. Toi avec tes cicatrices, tes grains de beauté et tes fêlures.
Peut-être sans le savoir, Andrea touchait là à ma faille essentielle. Celle qui me fait courber l'échine en me sentant fière, si fière d'être déchue, laide de mon maquillage défait par mes sanglots, les traits décomposés par la reddition à un plaisir qui me dépasse et que je crains de toute cette force brute qui justement me dépasse.
Moi et moi âme tout entières abandonnées, tirant une folle ivresse de sa soumission telle l'esclave ployée sous le poids de ses bijoux, mais rehaussée par l'or qu'elle porte à ses chevilles et son cou.
Aussi ne me sentis-je pas humiliée tandis que je rampais aux pieds d'Andrea dans la cuisine puis la salle de bains,
haletante, ses doigts fichés dans mon cul.

La magie se brisa lorsque son téléphone sonna.
- Oui, ma puce, je suis à la maison.
Mes lèvres moururent sur son sexe.
- Je suis fatigué, je vais me coucher.
Andrea voulut forcer la barrière de mes lèvres. Je me débattis pour m'échapper entre ses jambes écartées. Il m'attrapa par la taille mais je le giflai, parcourant à rebours le chemin de ma soumission, me redressant en réfrénant l'envie sauvage de le mordre.
- Non, non, ma puce... Je t'assure, tout va bien.
Une fois parvenue au salon, je m'assis
raide comme une planche sur le canapé.
- À demain, mon ange.
Lorsqu'Andrea me rejoignit, il avait l'air coupable de l'homme pris entre deux femmes. Moi, les poings serrés de rage.
Il voulut m'attirer contre lui. Je le repoussai.
- Pourquoi ? dis-je simplement.
- Je ne sais pas... Peut-être parce que je suis en colère.
- En colère contre... ?
- Je ne sais pas.
-
Ne te sers pas de moi contre elle. Elle ne mérite pas ça, et moi non plus.
- Je suis désolé. Je suis perdu, tellement perdu. Pardonne-moi, je t'en supplie.
- Ce n'est pas à moi qu'il faut demander pardon
.

Beaucoup plus tôt, alors qu'Andrea me pénétrait et que le préservatif dressait entre nous sa barrière fragile, je lui dis :
- Je ne prends pas la pilule.
Jamais je ne vis sourire un homme aussi largement.
- Alors, s'il craque, je pourrais te faire un enfant... Tu voudrais un enfant ?
- Oui,
dis-je en étreignant mes côtes.
Andrea vint en moi avec plus de vigueur.
- Tu le garderais si tu tombais enceinte de moi ?
- Oui... Parce que... C'est peut-être le seul que je pourrai peut-être avoir...

Là n'était pas, bien sûr, toute l'explication.
Un enfant par défaut, parce que c'est le seul que mon corps rafistolé ne pourrait porter, n'a jamais fait partie de mon plan de vie.
Plus qu'un enfant, je désire un père. Un père qui serait avant tout mon homme, mon mec, mon chéri, mon amour, ma désirade.
Alors qu'Andrea s'immisçant en moi me faisait gémir, une phrase innocente (?) d'Ether me revint en coup de poing :
- Il serait un beau métis.
Si la beauté de cet enfant était comparable à cet instant sur le fil, il serait parfait, oui.
Aussi parfait qu'Andrea et moi concevons le moment de pure magie où il serait créé :
- A
vec elle je ne peux avoir un enfant parce que...
- Tu veux que ce soit beau alors que vous faites l'amour,
complétai-je.
- Oui.

Peut-être est-ce pour cela que, d'une manière inattendue, mon projet de long voyage se charge aujourd'hui d'un autre sens. Un auquel je ne pensais pas il y a encore à peine
une semaine.
- Entre elle et toi je ne veux pas interférer. Si votre histoire se termine, qu'elle s'achève parce que vous êtes arrivés en bout de course. Mais pas à cause de moi.
À cette femme qui a partagé dix ans de la vie d'Andrea je refuse de m'opposer. Elle n'est pas ma rivale mais ma sœur, unie à moi par la même tendresse que je lui porte.
D'ailleurs de leur univers je me suis effacée, m'appliquant et le poussant à ôter les traces de mon passage dans leur appartement, me jugeant assez mesquine comme cela pour y avoir séjourné.
- As-tu vérifié que je n'ai laissé aucun bijou ? Aucun livre ?
Le dernier soir, alors qu'Andrea défaillait de sommeil, j'ai même lavé la vaisselle.
Deux assiettes contenant la même nourriture, c'est toujours louche.
De mon passage là-bas je ne veux laisser aucun signe. Non par goût, cette fois, d'une défaite programmée, mais par désir d'un vrai choix.
Sûrement est-ce là que se tient mon orgueil : si Andrea doit me choisir, qu'il le fasse alors même que je quitte le terrain.

Tandis que délirant dans un demi-sommeil, il me supplia de dormir à ses côtés et murmura qu'il était amoureux, je lui opposai mon silence avant de lui glisser :
- Si tu m'appelles un jour ma chérie, je te découpe en morceaux. Pour moi, ces mots-là signifient que tu vas me trahir. Et si tu m'appelles ma puce, je ne verrai pas ton visage mais celui de ma mère ou de ma grand-mère. Elles seules m'appelaient ainsi, mais je ne suis plus une enfant, parce qu'elles sont mortes.
Andrea émergea de son hébétude pour m'étreindre.
- D'accord, acquiesça-t-il, je ne t'appellerai que par ton prénom. Ce prénom qui me brûle alors que je l'appelle, elle, craignant tant de l'appeler par le tien.
Andrea replongea dans les limbes.
- Je sais que tu vas partir, mais reste dix minutes, juste dix minutes.
Sertie entre ses bras lourds d'épuisement, à sa question "Crois-tu qu'on puisse aimer deux femmes à la fois ?", je répondis "Oui".
Lorsqu'il me demanda de ne pas donner mon corps à d'autres que lui, tout en sachant qu'il n'en avait point le droit, je rampai entre ses jambes comme je le fis dans la salle de bains.
- Reste dix minutes encore... Oui, je sais, je suis égoïste... Mais dix minutes, dix minutes encore....
Je m'échappai pour claquer sa porte et chercher, hagarde, la route qui me reconduirait chez moi.

Par Chut ! - Publié dans : Andrea d'ébène
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