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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Vendredi 29 août 5 29 /08 /Août 00:55
Un extrait du texte mentionné dans Ivre d'hommes et d'écriture :

J’imagine cette femme guetter des nouvelles. C’est le soir, le moment habituel où elle en reçoit. Mais aujourd’hui, rien ne vient. Elle tente de l’appeler mais les sonneries s’égrènent, ricochant sur le vide d’un ailleurs dont elle ignore tout. Contrainte à patienter, elle relève mille fois ses mails, tourne autour du téléphone. N’ose pas s‘éloigner ni sortir de chez elle. Si son portable tintait au fond de son sac, elle risquerait de ne pas l’entendre.
Les heures interminables s’étirent dans le silence. Elle trépigne en regardant sa montre. Bientôt, il sera trop tard pour espérer encore.
Bientôt, il faudra attendre demain.

La nuit est tombée depuis longtemps. Elle finit par aller se coucher, déçue, agacée, le croyant lui aussi endormi, attribuant à la fatigue la cause de son silence : elle l’a cueillie en traître avant qu’il ne décroche le téléphone.
À moins qu’il ne l’ait perdu ou oublié quelque part.
À moins que le réseau n’ait été coupé sans préavis.
À moins que, à moins que…
Les raisons sont si nombreuses et banales qu’elle renonce à se les énumérer, à creuser davantage ce qui la blesse déjà : il est loin et elle n’a pas entendu sa voix aujourd’hui.
De toute façon, demain, elle saura.

Mais non. Loin d’apporter un soulagement, le lendemain est un supplice de silence. Aigu, étale, il enfle à mesure des minutes, remplit l’appartement, sature l’espace, lui broie le cœur, crève les murs, perfore ses tympans de sa déflagration muette.
Elle panique. Aurait-elle dit une chose qui lui ait déplu, prononcé une phrase malheureuse, ouvert la porte à un malentendu ? Elle cherche d
ans leurs derniers échanges les double sens, les allusions, les mises en garde. Elle dissèque ses propos, décortique ses questions, réinterprète ses réponses, fabrique du second degré là où il n’y en a pas. Elle s’acharne, s’épuise à tourner dans un cercle de mots avant de le soupçonner, de le mépriser, de le maudire.
Se défilerait-il au lieu d’avouer qu’il n’a plus rien à lui dire ou s’est lassé d’elle ?
Serait-il un lâche, un sadique s’amusant à la torturer ?
Alors qu’elle lui est attachée, ne se serait-il pas, lui, détaché ?
Si ça se trouve, il a rencontré une autre femme. Moins belle, moins disponible peut-être, mais plus près.
Loin des yeux, loin du cœur…
Le poncif des amoureux séparés la gifle de son évidente banalité. Voilà, elle a compris, il est avec une autre. L’idée la révulse, mais cette idée n’est encore rien. Juste de la rigolade comparée à celle qui suit et expliquerait tout :
S’il ne l’appelle pas, c’est qu’il en est incapable.
S’il en est incapable, c’est qu’il est blessé.
S’il est blessé, c’est qu’il est peut-être mort.

Elle prierait à genoux pour se tromper, pour qu’il l’ait dédaignée, quittée sans autre forme de procès. Prête à encaisser l’humiliation plutôt que la certitude de rester seule dans un monde où il n’est plus. Sans qu’elle connaisse les circonstances de sa mort, n’ait vu son corps une dernière fois ni ne sache où il repose.
Terrée dans ses cauchemars, la voici réduite à imaginer, encore et toujours, ce torse aimé criblé de balles, son ventre déchiqueté, ses bras sectionnés aux épaules démises, la tête éclatée par un obus en fleur écrasée sur l’ocre du sable, auréolée du rouge du sang pissant de ses veines.

(Photo : Willy Ronis)
Par Chut ! - Publié dans : Nouvelles et essais
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