Dans ces bras-là...
Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.
Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire
comme jamais.
Camille
Laurens.
Décembre 2024 | ||||||||||
L | M | M | J | V | S | D | ||||
1 | ||||||||||
2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | ||||
9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | ||||
16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | ||||
23 | 24 | 25 | 26 | 27 | 28 | 29 | ||||
30 | 31 | |||||||||
|
Ôter le droit à la parole... Voilà ce qui m'excite, entre autres, dans le sexe. Stopper au bord des lèvres les mots qui vont être prononcés, les contraindre à rester dans la gorge pour ne laisser que l'essentiel : le souffle pressé du désir, la vibration rauque du désir.
Longtemps les phrases m'ont paru inutiles.
À quoi bon dire ce que mon corps exprimait déjà ?
Les pointes dressées de mes seins, mon sexe mouillé, ouvert, disaient bien mieux que ma bouche que oui, c'était délicieux ; que non, je ne voulais pas briser là mais continuer à me laisser glisser, encore et encore, dans la vague qui m'emporte.
De même, les mots de mon amant me paraissaient superflus.
Descriptifs, ils doublonnaient ce que je savais déjà : que sa verge gonflait sous mes doigts, que ceux-ci me pénétraient. Je le sentais
bien, à quoi bon le souligner ?
Et pourquoi dire "tu me
fais de l'effet" ? Sinon, tu ne serais pas nu mais habillé, ton pénis ramolli entre tes cuisses.
Crus, les mots me refroidissaient. À la verticale, je n'ai aucun mal à appeler une chatte une chatte. À l'horizontale, je n'en percevais pas la charge érotique. Bite, salope,
foutre, enculer me giclaient dessus en douches glacées. Au mieux termes sortis d'un porno qu'on répète pour s'exciter, au pire un tue-désir.
Longtemps aussi, les mots m'ont semblé de la dernière impudeur. Au lit, j'étais
incapable de parler. Et plus j'aimais celui qui partageait mon lit, plus j'étais muette.
- Je suis déjà si complètement livrée à toi... Ne me fais pas l'humiliation
de devoir, en plus, te l'avouer...
Avec le temps, j'ai changé. Peut-être parce que j'assume davantage mes désirs ; certainement parce qu'à présent, c'est souvent moi qui mène le jeu. Qui oblige l'autre, soumis, à parler... ou à se taire. Pour cela, ma main collée sur sa bouche ou un simple foulard fait l'affaire. Mais ma préférence va au bâillon-boule..
Le bâillon-boule... accessoire caricatural du SM s'il en est, appartenant au même titre que le fouet et les menottes à l'imagerie classique de la domination.
Tapez bâillon+boule dans Google Images et vous verrez surgir des soumises prêtes à s'empaler sur le chibre de leur Maître.
Ça y est, vous avez essayé ?... vous en arrivez alors à la même conclusion que moi
: de soumis, point. Même en page 8, où sont pourtant consignés les résultats les moins pertinents de votre recherche. Peut-être parce que la domination, bien que de genre féminin en
français, se conjugue classiquement au masculin dans l'esprit des gens.
En tant que dominatrice, je ne crois pas
pourtant être l'exception qui confirme la règle.
Le bâillon-boule, j'adore m'en servir et me repaître de ses prémisses au plaisir.
Fourrager dans le tiroir de ma table de nuit, éveillant ainsi la curiosité et l'appréhension de mon soumis.
Revenir à lui en le cachant dans mon dos, telle une surprise qu'on offre à un ami.
Lui ordonner d'ouvrir la bouche en grand pour y introduire brusquement la boule.
Entendre le bruit sec qu'elle fait en franchissant la barrière de ses dents.
Une fois qu'elle est introduite, je boucle le lien de cuir qui la prolonge. Fermé lâche derrière les cheveux s'il me prend la fantaisie d'être indulgente ; ajusté serré si je suis d'humeur
sévère. La fantaisie rejoignant souvent l'humeur à mesure de la séance...
Satisfaite, je contemple mon œuvre : un homme dénudé au beau milieu de mon salon, pantalon rabattu sous les couilles, dans l'incapacité totale d'articuler un traître mot. La gêne de la boule
pesant sur la langue, occupant toute la cavité buccale, le soumet plus sûrement à mes remarques acerbes qu'aucun instrument de contrainte :
- Baisse tes yeux de lopette ou je vais te fouetter le cul !
- Tu as vraiment l'air d'une petite chienne, tu sais ?
Réduit au silence, il est incapable de protester. Et tandis que sa bouche impuissante étreint le cercle de plastique, ses yeux égarés me disent tout. Son émoi comme sa peur. La profondeur de son humiliation comme celle de
son plaisir. Sa jouissance provoquée par sa reddition totale d'où, paradoxalement, il tire sa fierté.
Mais non, cela ne me suffit pas. Ma plus grande satisfaction vient ensuite, lorsqu'il se met à baver. Instrument de contrainte, le bâillon-boule a ceci de particulier qu'il empêche de déglutir.
Et, par ricochet, fait beaucoup saliver.
J'aime contempler les filets liquides qui coulent de ses lèvres à son torse sans qu'il ne puisse les ravaler. Les happer d'un coup de langue ou les étaler sur son visage. Offrande que je
recueille et lui rends, alors que l'excitation trempe le haut de mes cuisses.
Oui, vraiment, le bâillon-boule me délie la langue...
2e photo de Désirée Dolron.
Jamais baver sur autrui n'a été autant source de fantasmes. :p