Le blog de Chut !
Ayal quitte Oulan Bator le lendemain, direction le parc national de Gorkhi-Terelj. À sa lisière se dresse la yourte de Boro, son guide. Il y passera une nuit avant de s'enfoncer à cheval dans la steppe.
Ce matin, il eut la surprise de se retrouver seul. Nicolas le Français s'en est allé sans prévenir. Sac au dos et bille en tête, cap lui aussi sur Terelj.
- Bizarre, le Nicolas... Il aurait pu m'attendre, non ?
Je glousse :
- Si ça se trouve, tu vas le croiser !
- M'étonnerait, le parc est vaste... Mais vu qu'il n'y connaît personne et a égaré son guide de voyage, probable qu'il reste bloqué.
Nous plaisantons gentiment de Nicolas et des pluies torrentielles de la journée.
- Le pauvre... dis-je. Il n'a pas dû arriver sec à l'arrêt de bus !
Ayal éclate de rire, à hoquets si communicatifs que bientôt, je me tiens les côtes.
Notre dernière soirée - pensons-nous - se déroule comme la précédente : en tête-à-tête sur l'escalier de la guesthouse, à papoter en fumant des cigarettes.
Lorsque nos bouteilles de jus de fruit, de pâles imitations de Schweppes sans bulles, sont vides, l'un de nous s'approvisionne à la cahute du bas des marches. Dans cette pauvre cabane en planches loge un couple âgé, sans doute les gardiens et employés à tout faire du patron.
La porte, fermée, isole l'intérieur du froid mordant de la nuit. Les meubles sont rares et bancals. Une vieille télé aux images brouillées crachote une émission quelconque. Les articles à vendre, pas plus de deux par tête, sont rangés avec soin sur des étagères.
Il n'y aura bientôt plus de jus de fruit.
En attendant la panne sèche, nous continuons à discuter. L'horloge de la salle commune indique minuit et demi, mes paupières s'alourdissent, mes jambes s'ankylosent mais je m'en fiche.
J'écoute Ayal.
Celui-ci croit en Dieu et donc à l'absence de hasard. Rien n'arrive juste comme ça, par accident. Tout événement, même le plus anodin, même le plus déplaisant, a un sens, une fonction, une utilité.
La gageure ? Découvrir laquelle.
Ayal est intimement convaincu que chaque rencontre, unique, est porteuse d'un enseignement ou d'un message. Cachés souvent, évidents parfois.
- Toi, par exemple, souffle-t-il, je t'ai vue en rêve.
- Pardon ?
- Oui, une semaine avant d'atterrir en Mongolie.
Il me raconte son drôle de songe, la silhouette de cette femme blonde, évanescente tel un fantôme, qui portait mon prénom.
- Une simple coïncidence, Ayal...
Je l'affirme sans véritable conviction, presque pour me rassurer. Comme Ayal je crois qu'à certains moments-charnières, lors de périodes de questionnement, de mal-être ou de doute, le "hasard" place, tel un petit Poucet, des signes sur notre route.
Des signes ou quelqu'un.
C'est ainsi que, décidée à quitter la France, je me suis retrouvée à Koh Tao, ainsi que j'ai fait la connaissance d'Ethan, ainsi qu'ont commencé mes aventures de plongeuse nomade.
La durée de la rencontre importe peu, c'est son contenu, sa densité qui comptent.
Brève, elle peut ne tenir qu'en une phrase, mais une phrase décisive.
Longue, en une histoire d'amour.
Moyenne, en une conversation. Sur les marches d'une guesthouse à Oulan Bator, pourquoi pas ?
Ayal sourit et son visage s'éclaire en creusant les rides au coin de ses yeux. Profondes, elles le font paraître plus âgé sans rien lui enlever de son charme.
Ayal est beau quand il sourit, mais depuis la veille je le sais : ses nombreux sourires dissimulent beaucoup de tristesse, coupe trop remplie qui déborda lors de notre visite au monastère de Gandan.
En raison de l'heure tardive, les lieux semblaient désertés. Menaçant de crever en averse, un ciel blanc d'orage pesait sur les toits. Les touristes s'acheminaient vers la sortie alors que nous zigzaguions entre les flaques. Un moine empestant l'alcool gardait le bâtiment principal. Il accepta, bougon, de nous laisser passer. Nous lui achetâmes trois tickets et, à peine entrés dans la salle, l'émotion nous submergea.
Sur les autels surchargé de fruits, de gâteaux et d'encens, des bougies brûlaient. Un monumental Bouddha d'or se dressait devant nous, minuscules humains peinant à égaler la taille de sa paume. Tout le long de la paroi l'entourant, des milliers de répliques dorées priaient derrière les vitres.
Ça et là, un billet glissé en offrande.
Un moulin à prières égrenait des mantras, rassurante litanie invitant au recueillement.
L'air était lourd d'encens, de cire fondue et de dévotion.
Bertille empoigna son appareil photo. J'avançai avec respect vers la gigantesque statue. Seul Ayal resta en arrière, immobile, comme pétrifié par la solennelle beauté du temple, son aura de sérénité et de paix sans mélange.
Des larmes montèrent à ses paupières. Je me détournai.
Je fus la première à sortir de la salle, Ayal le deuxième. Je ne m'approchai pas de lui. Surtout ne pas le déranger, ne pas interrompre ses pensées ni en perturber le cours.
Il viendrait à moi lorsqu'il serait prêt. Ce qu'il fit avec un sourire troublé, au creux d'un silence qui unit nos yeux.
Ayal traverse une intense période de doute. Moi aussi.
Depuis les marches mangées de nuit je songe à Noam, que chaque mot hébreu sorti de la bouche d'Ayal ressuscite.
Noam qui depuis plusieurs semaines habite chez moi.
Noam qui, je m'en doutais, a abusé de ma confiance.
Noam qui jour après jour me déçoit.
Noam qui me met en colère et que je n'ai plus envie de retrouver.
Sacré retournement de situation.
Ayal, lui, a besoin de ce voyage en solo pour réfléchir. À la prochaine extension de sa clinique, un projet qui l'absorbera à temps plein alors que le temps, il court déjà après.
À la vie filant de plus en plus vite entre ses doigts. À son sentiment d'impuissance, sa frayeur, ses regrets de la voir lui échapper.
À la souffrance de ses patients qu'il tente de soulager. À la mort aussi prochaine qu'inéluctable de certains d'entre eux.
À ses enfants, ses deux amours qu'il a failli perdre et qu'il évoque les prunelles brillantes.
À son couple qui bat de l'aile. À l'incompréhension mutuelle qui se creuse, au désir en fuite, à l'intimité, la joie perdues, abîmées par la routine, les contraintes, les disputes.
Tant et si bien qu'avant le départ d'Ayal, sa compagne lui a dit :
- Pars donc, si cela peut t'apaiser. Mais reviens-moi plus heureux, s'il te plaît.
Je hoche la tête. Sages paroles.
La petite aiguille de l'horloge s'est arrêté sur le un, la grande sur le six. Demain le réveil sonne, impitoyable, à sept heures.
M'en fiche, je veux prolonger ces instants. Lorsqu'Ayal reviendra à Oulan Bator, Bertille et moi en seront déjà parties.
Probable qu'après cette soirée, je ne le revois plus jamais, ni lui ni ses immenses sourires. Il aimerait, certes, prendre une ration de soleil aux Philippines, y voyager et y plonger en ma compagnie. Mais d'Israël à mon île la distance est grande, du genre de celles qu'on ne s'inflige pas pour un week-end.
Puis, très vite, s'interposent les ennemis qui dévore Ayal : ses responsabilités et son manque chronique de temps.
Un résident de la guesthouse pousse le portail. Nous nous écartons pour le laisser gravir l'escalier et reprenons nos places, un peu plus proches.
Deux heures et quart.
Ayal bâille. Je l'imite. La fatigue, nous le savons, a hélas gagné la partie.
La veille nous nous étions levés d'un même élan pour retourner dans la salle commune. Un peu gauche, je faisais face à Ayal en me demandant quel au revoir convenait en clôture à nos longues conversations.
Une poignée de main ? Bien trop formel.
Deux bises ? Trop osé, peut-être.
Un simple salut ? Impossible, trop froid.
Ayal trancha d'un :
- Can I give you a hug ?
Me serrer dans ses bras ?
Bien sûr qu'il le pouvait ! Avec plaisir, même !
En un éclair je fus happée, enlacée, embrassée sur les tempes, le front, le nez. Lorsqu'Ayal me lâcha, j'avais le coeur battant et les joues roses.
Ce fut en chancelant que je retournai à la chambre où dormait Bertille.
Ce soir-là, je le sens, sera différent. Différent comment ? Aucune idée.
Celle-ci se précise quand Ayal, un peu nerveux, un peu timide, demande :
- Viendrais-tu dans ma yourte ? Je n'ai pas envie de dormir seul. J'ai besoin de tendresse, je crois.
Et que, sans hésiter ni réfléchir, je réponds :
- Oui.
Après une longue pause, je m'interroge sur le devenir de ce blog.
Chaque article me demande beaucoup de temps et le très faible nombre de retours me déçoit. Ce sentiment n'est pas nouveau, il avait contribué à mon arrêt.
Pas certaine, donc, de vouloir poursuivre.
À voir.
Photos : Horst P. Horst, DR,
Alexandre Vitkine, William Wegman.
Merci beaucoup, Quine. Protestez, protestez, n'hésitez pas ! À chaque billet, oui, osez ! :)
Et avec ça, je ne vous ai même pas souhaité la bienvenue.
Touchée, sincèrement, de vous voir sortir de votre réserve pour poster ce commentaire. Je sais que ce n'est pas toujours évident.
Ce serait dommage pour les lecteurs de ce blog, assurément, d'arrêter.
Pourquoi les gens ne commentent-ils pas plus? Je ne peux répondre que pour moi, évidemment. Je vous lis régulièrement; vos articles de voyage, d'idée, de rencontres humaines et charnelles. J'aime beaucoup. J'aime votre écriture magnifique et votre vision de femme libre. J'aime la plongée aussi, et rêve de voyage (j'ai déjà voyagé dans certains lieux dont vou parlez, ce qui m'a fait sourire).
J'ai par contre très, trè rarement commenté. Parce que votre style d'écriture m'impressione très certainement. J'écris comme une patate en ce qui me concerne, et je ne voudrais pas vous agresser les yeux.
Je pense aussi que votre (très beau) blog est atypique: un journal intime qui s'inscrit à mi-chemin entre carnet de voyage et textes érotiques, avec en toile de fond une sorte de recherche de sens... et s'adresse sans doute à un lectorat particulier qui ne vous a peut-être pas trouvé. Mais je ne sais pas où votre blog est référencé...
Bonne continuation à vous.
Bonsoir Latis,
tout d'abord, un grand merci. Votre commentaire m'a émue et non, vous n'écrirez pas "comme une patate" (et là se dessine dans ma tête l'image d'une patate rebondissant, toute ronde et guillerette, sur un clavier... rires !).
Si vous ne pensez pas être la commentatrice idéale, de la lectrice idéale, vous n'en êtes pas loin. Oui, il y a dans mes écrits, en creux, souvent si en filigrane que ça en devient presque imperceptible, une recherche de sens. Avec l'envie de raconter, c'est également elle qui donne... sens à ce blog.
D'où, par ricochet, un ton intimiste qui peut, je le crois, rebuter, intimider ou carrément irriter.
M'agresser les yeux... arf, pourquoi donc ? Voilà qui me semble étrange, mais vous n'êtes pas la première à me dire vos réticences à poster pour cette raison-là. Ce qui m'embarrasse - voire m'attriste -, car au lieu de la proximité que je souhaiterais créer, c'est une distance qui s'établit.
Mais je comprends le mécanisme pour moi-même l'éprouver devant certaines plumes !
Vous avez raison pour le blog : difficile de le classer dans une catégorie, petite boîte qui, en lui assignant une place, l'aiderait sans doute à trouver ses lecteurs.
J'avoue m'être peu occupée du référencement en le confiant au petit bonheur la chance.
C'est un tort. Le blog figure dans Paperblog, section "talents" (j'ai rosi en le découvrant), ainsi qu'en lien sur quelques sites (pink quelque chose, j'ai oublié) et d'autres blogs.
Pour certains, j'en connais, ne serait-ce que virtuellement, les auteurs.
Pour d'autres, pas du tout, et ce fut d'ailleurs une surprise de m'y trouver citée.
Comme tout blog, le mien a ses mystérieux lecteurs silencieux...
Merci encore à vous (et si vous venez en Asie, dites-le moi, nous irons plonger ensemble !)
Bonsoir,
Merci pour cette belle histoire, encore une rencontre magique et belle.
Ton commentaire final tombe comme un couperet, j'attendais une suite, une retrouvail en d'aure lieux. Pas un ultimatum.
Oui nous aimons te lire, nons ne te l'écrivons sans doute pas assez
Xu
Merci pour cette rencontre-là. Il m'aura fallu du temps pour la mettre en mots (6 mois, arch !), et ce n'est pas faute d'y avoir souvent pensé !
Non, non, Xu, ce n'est pas un ultimatum. Je ne me verrais pas faire un chantage à coups de "si vous ne commentez pas maintenant, j'arrête, bouh !"
Mon blog est ancien, j'ai déjà éprouvé ce sentiment de lassitude, de déception aussi à plusieurs reprises. Je me souviens, il y a longtemps, avoir évoqué ici à Ordalie cette impression de parler seule dans une pièce vide, impression frustrante s'il en est.
Il y aura une suite à ce billet. Je l'ai écrit aujourd'hui pour la relire demain.
Alors... à demain ?!
je suis de vos lectrices, souvent anonyme, toujours assidue. Je vous lis comme on lisait Zola en roman-feuilleton à ses débuts je crois. Internet a remplacé le papier, mais le plaisir de vous retrouver ne se dissipe pas, malgré vos longues absences. Vous avez l'art, grâce à votre plume, de magnifier la vie ... et les hommes de votre vie; Tiens, d'ailleurs, j'ai hate de savoir pourquoi Noam vous a tant déçu, alors qu'il y a quelques mois vous sembliez résolue à ne pas compter sur lui ?
Bon pour une timide pas intello, je me suis fendue d'un long commentaire. Alors, ne me laissez pas tomber, hein ?
Merci Sophie ! Etre comparée à Zola et aux feuilletonnistes du XIXe, quel compliment !
Vrai que mes histoires enchevêtrées ont souvent des airs de comédie humaine...
La preuve avec Noam : la condition pour lui prêter la villa était qu'il respecte le voisinage très calme. Il ne l'a pas exactement respectée : Olug, le propriétaire, a dû lui demander très rapidement de cesser les fiestas sur la terrasse...
Mais le plus important n'est pas là - et j'y ai sûrement ma part.
J'avais dit à Noam que s'il rencontrait une fille, un soir, il pouvait la ramener à la maison. Je me doutais que cela arriverait, cela m'était égal à condition que la villa ne devienne pas, hum, un bordel. Tant que ça restait occasionel, pourquoi pas ?
Sauf que... Il a vécu 3 semaines chez moi avec sa nouvelle petite amie (repartie depuis) ! Pas apprécié du tout, d'autant qu'il ne m'en a pas parlé clairement, préférant éviter le sujet alors que j'étais toujours en voyage.
Il devait espérer que je ne l'apprendrais pas, raté. Olug y a pourvu.
Ajouté au fait de voir, postées chaque jour en public, des photos des tourtereaux à la plage, dans des bars, chez moi... Pour quelqu'un ayant toujours insisté sur "le respect de son intimité", cachant notre relation même à ses proches, quelle contradiction ! ("Moquage de tête" serait plus approprié, non ?)
Résultat : je me suis fâchée.
Ses plates excuses n'y ont rien changé. Quelque chose s'était brisé, et j'ai préféré en rester là.
Gentille, oui, mais faut pas pousser trop loin mémé dans les rhododendrons !
Ah la la, ces hommes, j'vous jure !... :)
Quel est le nombre de tes lecteurs ? des visites ? Est-t-il constant ? Peut-être est-ce ce curseur là qu'il faut considérer avant le nombre de comm'.
Tu sais, je n'avais jamais écrit à aucun écrivain avant l'existence des blogs.
Moi non plus, je n'ai écrit qu'à un acteur anglais quand j'étais ado (et en français, parce qu'avec allemand première langue, j'aurais été incapable d'aligner deux phrases cohérentes in Shakespeare's language !).
Pour le nombre de lecteurs : en temps normal - c'est à dire quand je publie assez régulièrement -, je dirais de 40 à 60/jour, avec des pics lors de la mise en ligne d'un nouveau billet.
Ce n'est pas beaucoup, et j'ignore si les gens qui arrivent sur le blog le lisent ou repartent (quasi) immédiatement. Je me doute que beaucoup ne doivent pas y trouver ce qu'ils recherchent : soit des infos pratiques (comment brancher un Time Capsule, au hasard), soit du cul très cul, avec des photos très très cul.
Quant à ceux qui recherchent un blog de voyage et tombent d'abord sur un billet cru, une large proportion doit se sauver horrifiée !
Il y a aussi des "jours de rush" dus à la reprise d'un billet sur un blog populaire - celui de Stan, surtout.
Lorsque je ne publie rien de longtemps, les stats se changent en électro-encéphalogramme plat. Normal !
À une époque la fréquentation tournait autour de 80 visiteurs/jour. Ce fut la période faste, c'est retombé ensuite.
Je pense honnêtement que le contenu de mes textes, le ton que j'emploie et ma façon d'écrire limitent le nombre de lecteurs, réguliers ou non. Le blog n'est pas grand public, comme on dit.
Je le regrette souvent mais, arf, je ne sais pas faire autrement (et la greffe de cerveau encore non programmée, hi hi)...
Tu vas peut-être rire, mais j'ai parfois le sentiment de faire peur ! Si, si.
Bon... Ma belle amie, tu sais ce que j'en pense, pour toi l'avenir est dans l'écrit et les maisons d'édition. Le reste...
Mais il faut qu'un blog sur lequel tu passes autant de temps soit un plaisir avant tout... pour toi, première lectrice !
...et je sais par expérience qu'il ne faut pas solliciter les lecteurs quand ils n'interviennent pas. Lecteurs dont je suis.
Mais n'oublies pas non plus que les habitudes se perdent vite et que les gens ne sont pas très fidèles. Or tu n'as pas posté durant de longues semaines. Au début, les gens passent voir et au bout de quelques temps, plus personne...
Ah, et ça me gonflerait de ne plus te lire. Déjà qu'on ne se voit pas...
Cher Stan,
merci de ton mot ! 2013, année de la concrétisation ?
Ah, la question du plaisir... Bingo.
Ma relation à ce blog est à l'image de mon rapport (souvent) conflictuel avec l'écriture : un plaisir, oui, mais aussi un besoin et... une contrainte.
Contrainte intérieure car une part de moi souhaite partager des bouts de vie, des expériences, des réflexions, des rencontres... Partager, échanger, communiquer, dire, décrire.
Dans le même temps, une autre part y rechigne en se demandant bien si cela présente un quelconque intérêt, si cela vaut l'effort que ça coûte. Cette part négative tend à prendre le dessus quand les retours sont rares, sur l'air de "ah, ah, je te l'avais bien dit !"
Difficile de trouver un équilibre dans ce méli-mélo et la lassitude s'en mêlant...
Ta réflexion sur le silence est très juste. Et me gêne, du coup, car revenant de cette longue absence pour annoncer que peut-être, je ne reviendrai pas, j'ai soudain l'impression de camper la fillette capricieuse, celle qui, à peine de retour, se plaint, veut, demande.
(Foin de la parabole du fils prodigue !)
Mais le mal vient de plus loin, comme dirait l'autre. Ce n'est pas la première fois que le découragement pointe le bout de son nez... et certainement pas la dernière non plus.
Qu'ils sont chiants, ces auteurs ! :)
Je fais partie des ces lecteurs qui quotidiennement viennent voir les dernières contributions. Et c'est très souvent un plaisir, parfois, une gêne, que provoquent vos (tes) textes.
La génerosité des textes (à je veux dire cette possibilité pour nous d'integrer des pensées, des doutes, une intimité) me donnent parfois l'impression de "regarder par le trou de la serrure". Et le voyeur n'aime pas forcément laisser d'empreintes.
J'aime les sujets, le style, la force, et les photos (j'adooooore le choix des photos) donc ça me ferait de la peine de ne plus lire ce blog.
mais "a escolha é sua" comme on dit chez nous.
bises
Stan ou stannis je sais plus
Bonsoir cher Stann(is),
merci de ton message, ça faisait longtemps !
Cette question de l'intimité, voire de l'impudeur, je crois qu'on en avait parlé, tous les deux. Nombre de billets s'inscrivent en effet dans cette tension entre le très personnel et le public - ce qui, je le comprends, peut laisser sur une gêne, façon "pas à sa place même si invité".
Pour l'auteur seul derrière son ordi, le silence en retour peut être difficile car perçu comme de l'indifférence ou pire, un désaveu.
Sûr qu'il n'est pas facile de rebondir sur un texte sortant des tripes...
En les écrivant, je les pense plutôt comme une main tendue que comme un étalage - j'espère en tout cas que ce n'est pas l'impression qu'ils donnent !
Il est arrivé que de beaux échanges, de belles rencontres naissent du partage de cette intimité. Tu le sais. ;)
Pour les photos, merci beaucoup ! Elles sont presque aussi signifiantes que le texte et les choisir me réclame du temps.
En tant que photographe, tu sais bien sûr leur force et leur importance...
Ah, le choix, le bon usage de sa liberté... Mazette !
Des bises aussi.
Comment ce blog si bien réfléchi et tout en délicatesse de sentiments pourrait-il être grand public?
Comment veux-tu qu'on commente des billets comme "7-eleven"? Moi, je ne peux pas, trop de souvenirs déplaisants s'attachent à des demandes semblables.
Ou "La conscience des boîtes", si personnel? Chacun réagit selon son vécu, le tien n'est pas ordinaire!
"Vous pouvez répéter?" m'abasourdit et me replonge dans l'univers exécré de l'E.N.
Beaucoup de billets donc, peaufinés et ciselés: commenter me semble pratiquement indécent, tout le monde n'est pas Slevtar.
Et Stan se trompe quand il dit que les gens ne sont pas fidèles.
Pour toi Ordalie, oui, assurément : tu fais partie depuis des années du petit noyau dur de mes lecteurs, de ceux qui passent régulièrement alors même que je reste muette.
Merci, sincèrement, pour cette fidélité. Elle me touche et me donne à penser que ce blog n'est pas si vain, finalement.
Pour les commentaires : je comprends ta position, bien sûr. Et je crois du coup, qu'il y a un malentendu fondamental : là où le commentateur se sent intrus, pataud, l'auteur se sent incompris - ou rasoir. Comme négligé, alors que pour toi, ne pas réagir est une marque de délicatesse.
La différence de perceptions est grande, alors même que chacune est légitime.
Le souci étant que le silence laisse tout supposer... même l'ennui profond du lecteur. Qui sait, peut-être s'est-il endormi entre deux paragraphes ?
Remarque, un blog plus efficace que le Stilnox, ça devrait s'arracher comme des petits pains ! :)
Amitiés philippines.
Je comprends qu'un retour sur article est plus gratifiant qu'un silence en guise d'exhortation. Mais de Stan/E à Ordalie, (euh…. je reviendrai sur le mot d'Ordalie *) toutes les raisons avancées ont raison. Il y en a sûrement d'autres, le manque de temps par exemple - j'ai cru comprendre qu'il t'arrive toi-même de ne pas toujours commenter malgré une fréquentation régulière … . D'où l'importance de considérer les visites, leur fréquence justement. Et si le chiffre est à 0 quand tu t'absentes, j'en déduis que quand tu es à 60 visites par jour, il s'agit de 60 lecteurs, et non d'une part plus ou moins due au hasard de recherches, sinon elles apparaîtraient aussi quand tu ne publies pas. Prenons une unité semaine : 60 x 7 = 420. Retirons 20% de clics hors sujet (ou/et faisant doublon quand par exemple un lecteur hyper fidèle lit et revient plus tard pour commenter). Reste 336 / semaine. Soit 16 128 / an, en soustrayant encore 5 semaines réglementaires de congés – payés ou non.
Tu dis que ce n'est pas beaucoup, mais tu vois, tu es loin d'écrire dans le désert. Il y a beaucoup d'auteurs, même chez Gallimard, qui n'atteignent pas la moitié de ce chiffre. Donc maintenant tu vas nous faire le plaisir de terminer les en-cours et de vite mettre ça en librairie.
* Chère Ordalie, je suis à la fois flatté et confus de votre mot à mon sujet. D'autant que ce n'est pas la 1ère fois. Flatté car vous prêtez une certaine qualité à mes commentaires, confus car vous laissez entendre qu'en dessous d'un certain niveau, vu celui -ciselé- des articles, il vaut mieux s'abstenir. Comme vous y allez !! Je m'inscris en faux. Je crois que tout auteur est sensible au moindre signe de reconnaissance, quel que soit la manière dont il est tourné. Et quel que soit l'angle abordé : le fond, la forme, l'émotion, l'évocation, la réflexion. Souvent, quelques mots valent mieux qu'un long paragraphe frisant le dithyrambe. Il n'est pas interdit non plus de dire ce qui n'a pas plu. Cela peut être plus délicat, mais si on est régulier sur un blog, c'est qu'on en apprécie l'auteur. Qui se forcerait à lire qui l'ennuie ou le rebute ?
J'aime beaucoup lire les commentaires, réponses de Chut incluses. Ils encadrent le texte d'une bande de luronnes et lurons qui ne se connaissent pas mais qui, à un moment donné, ont tous le doigt sur la même page. Ca crée des liens, non ? Agrandissons le cercle. Pudiquement.
Bonsoir cher Slev,
vrai qu'en faisant le calcul de cette façon, le résultat donne presque le vertige !
Il y a néanmoins un bon % "d'égarés", je dirais plutôt de l'ordre de 50 que de 20. Ce qui donne lieu sur pas mal de blogs aux perles du mois. Tu sais, ces requêtes (hilarantes, techniques, vilainement pornos ou autres) tapées dans Google qui atterrissent chez toi par le miracle des mots-clés.
Souvent très drôle !
Oui mon capitaine, je tordrai le cou à ce Près de l'os cette année !
Chiche ! :)
Tout à fait d'accord avec toi pour le mot adressé à Ordalie. Et tu le dis bien mieux que je ne pourrais l'exprimer !
(Créer des liens... C'est aussi une des raisons du titre de ce blog.)
Je me joins aux protestations! Moi aussi j'apprécie beaucoup de vous lire et vos billets me manqueraient. J'aime beaucoup votre écriture et ce mélange d'érotisme et de réflexions qui m'amènent moi aussi à réfléchir et à me poser des questions qui ne m'auraient pas forcément effleurée.
Et moi aussi, comme j'avais eu l'occasion de vous le dire il y a quelques mois, je passe en lectrice silencieuse parce que, bien souvent, je ne vois rien de pertinent à dire et que votre écriture m'intimide.
Pourtant j'ai moi aussi trop peu à mon goût de commentaires sur mon blog (l'érotisme doit jouer un rôle dissuasif, car j'en ai beaucoup plus sur mon autre blog qui traite de sujets plus anodins). Et je me suis également plus d'une fois interrogée sur l'intérêt de poursuivre, car ça me semble futile et prétentieux de partager mes avis de lectures. Néanmoins, c'est toujours l'envie de poursuivre qui a dominé jusqu'à présent, parce que je m'amuse, que j'apprécie beaucoup les échanges que je peux tout de même avoir grâce à mes blogs... et parce que Statcounter me montre que mes visiteurs ne font pas que passer avant de fuir aussitôt mais que une partie non négligeable de mes lecteurs silencieux revient régulièrement. Même si c'est frustrant de ne pas savoir qui ils sont ni ce qu'ils pensent, c'est tout de même très motivant.
Bonsoir Marie,
un grand merci pour votre message. J'ai spontanément envie d'écrire "ton", j'ai un peu de mal avec le vouvoiement virtuel. :)
Je serais vraiment curieuse de savoir quelles questions vous sont venues à la lecture des billets, mais peut-être est-ce trop personnel.
Ne vous sentez pas obligée de répondre, bien sûr !
Pour l'écriture : je regrette d'intimider, vraiment.
C'est vrai qu'il arrive souvent de ne pas savoir quoi ajouter à un billet, du coup, on se fait silencieux...
Futole, prétentieux de partager ses avis de lectrice ? Ah ben zut alors !
Vous pouvez me compter parmi vos lectrices silencieuses. :) L'absence de commentaires est dû dans mon cas à une raison une toute simple : j'avoue n'avoir lu presque aucun des livres que vous chroniquez. Du coup, pas évident d'y ajouter mon grain de sel.
Je suppose que ce doit être le cas de nombre de vos visiteurs, ce qui explique le petit nombre de retours.
Vous avez en tout cas l'art de donner envie de se plonger dans certaines oeuvres. Le souci étant pour moi de me procurer lesdits ouvrages depuis mon bout d'île ! Impossible pour la majorité d'entre eux...
Snif.
Ah mais oui mais non !
Je le confesse, je suis une bien piètre commentatrice ... je lis beaucoup, mais je ne commente jamais.
Sauf quand il s'agit de protester contre l'arrêt envisagé d'un blog que j'apprécie !
J'aime ce que vous écrivez ... beaucoup ...