Le blog de Chut !
(Attention, texte très explicite)
Gabriel sort un plat cuisiné du frigo. Délicate attention de sa femme, qui sait que ses compétences culinaires s’arrêtent aux œufs au plat carbonisés. Il prend une assiette, un verre, des couverts, les dispose sur la table du salon. Les regarde. Se ravise.
Pourquoi s’embêter avec la corvée de vaisselle ? Puisqu’Alice n’est pas là, il peut se laisser pendre la bride sur le cou, rompre avec le protocole un peu guindé de leurs dîners.
Pour une fois, pour deux jours, ne plus rien préparer, ne plus rien prévoir, ne plus mettre les petits plats dans les grands. Aux orties, les cuillères en argent ouvragé, aux chiottes, le service en porcelaine de mémé.
Ce soir, Gabriel veut manger avec les doigts, parce que ça lui chante. Enlever ses chaussures, dénouer sa cravate, se débarrasser de son costume. Enfiler un caleçon trop large pour s’aérer les couilles, en voilà une bonne idée. Ou ne pas mettre de caleçon du tout, en voilà une meilleure.
Et quitte à glisser sur la pente de la révolte, autant reprendre à Alice l’espace qu’il lui cède au quotidien, déranger ses livres, pousser ses dossiers, investir son bureau, réquisitionner son ordinateur ; enlever ses produits de la salle de bains, décrocher sa nuisette en coton, la fourrer dans le panier à linge sale, renifler ses collants, lécher ses petites culottes.
Oui, ce soir, Gabriel est décidé à profiter d’une des rares choses qui ne s’use pas à mesure que l’on s’en sert : sa liberté.
Vautré sur le tapis, la télé réglée à plein volume, il engloutit le gratin à même la barquette. La repose rassasié sur le plancher en chêne massif, sans se soucier des traces de graisse. Enfin un peu de travail pour Lucia, leur femme de ménage… Ça la changera.
Il zappe d’une chaîne à l’autre. Devant ses yeux coule un flot ininterrompu de publicités, d’images bariolées, de répliques sans suite. Il s’arrête sur une émission plus idiote que les autres. Sur un plateau en forme de navet géant, un présentateur cuisine une brochette de stars sur le retour. Ses blagues éculées, saluées par les hurlements du public, leur arrachent de pauvres sourires. On dirait que, victimes de ce guet-apens audiovisuel, elles s’excusent d’être là, forcées d’acquiescer au tir d’imbécillités qui les bombarde. Gabriel, lui, rit à gorge déployée en imaginant la moue de sa femme. Elle ne goûterait ni ces grasses plaisanteries ni cette humiliation publique, c’est certain.
Il tend la main pour éteindre la télé, mais suspend son geste. Une invitée traverse le plateau à pas menus. Starlette en perte de vitesse, chanteuse en disette de tubes, actrice en manque de séries B ? Aucune idée, il ne l’a jamais vue. Mieux, il s’en fout. C’est à ses vêtements qu’il s’intéresse, ou plutôt à sa minijupe noire qui réverbère l’éclat des spots.
Sans crier gare, des sensations d’enfance resurgissent.
La matière de ses bottes d’enfant, d’abord. Le contact chaud, vivant du plastique quand il tirait dessus pour les enfiler ; leur caresse sensuelle contre ses mollets nus ; leur chuintement lorsqu’en marchant, elles frottaient l’une contre l’autre.
La cape de pluie que portait Marion, la petite voisine qu’il adorait en secret. Une fois, une seule, il avait osé en effleurer la capuche. La fillette ne s’était aperçue de rien, mais Gabriel avait rétracté ses doigts, comme brûlé.
Cette brûlure l’avait poursuivi des mois entiers. Il y pensait le jour, s’étonnant de ressentir une chaleur au bas-ventre. Il y repensait le soir, recroquevillé sous la couette. Il en rêvait la nuit pour se réveiller en sursaut, le pyjama mouillé.
Après Marion était venue Margaux, puis Cécile, puis Sophie, puis d’autres, puis Alice. Mais jamais Gabriel n’avait oublié cette sensation-là. C’était son intensité perdue qu’il recherchait en se frottant à leur corps, en empoignant leurs cheveux, en mordillant leur peau. Douce, soyeuse, satinée, parfumée, leur chair emplissait sa bouche, mais laissait sur sa langue un arrière-goût amer.
Aucune, jamais, n’avait eu la saveur fulgurante de cet instant volé, de cette matière brillante dont la couleur sombre illumine ses souvenirs.
- Chers spectateurs, applaudissez !
Sur le plateau, le tapage continue. Gabriel ne l’entend plus, il contemple la femme, ses chevilles enserrées par la bride des escarpins, ses cuisses blanches coupées en biais par le bord de la jupe. Le présentateur lui désigne une chaise haute. Trop petite, elle est obligée de se hausser sur la pointe des pieds pour s’y asseoir. Les muscles de ses mollets saillent sous la peau. Sa jambe droite s’écarte pour se poser sur le cuir de la chaise. Gabriel, fasciné, voit apparaître le renflement du sexe moulé par la culotte.
Brusquement, une matrone brandissant un baril de lessive s’encadre sur l’écran. Gabriel, ahuri, se frotte les yeux. Que s’est-il passé ? Il saisit la télécommande, enfonce tous les boutons, revient à la chaîne de l’émission.
- Vous souffrez de troubles de l’érection ? Parlez-en à votre médecin ! l’enjoint une voix féminine.
- Va te faire foutre ! rugit Gabriel en écho.
Un homme entre deux âges le regarde d’un air attristé.
- Avant, j’étais moche. Ma vie était un enfer…
Gabriel assène un coup de poing sur la télé.
- Vos gueules ! Bande de cons !
Mais le défilé des publicités se moque bien de ses insultes. Sur une musique enjouée, un gamin en couche-culotte prend la place du vieil homme, puis un berger allemand celle du gamin.
C’en est trop. Ivre de rage, Gabriel lance la télécommande contre le mur. Le berger allemand, fauché en plein bond, se désagrège à mesure que le noir envahit l’écran.
- Merde !
Il se rue dans le bureau d’Alice, allume l’ordinateur. Son cerveau surchauffé réclame des images, beaucoup d’images.
Fébrilement, il tape « jupe+cul » dans Google.
Une heure est passée.
Affalé sur sa chaise, une canette de bière à la main, Gabriel grille cigarette sur cigarette. La tête lui tourne. Ses yeux le brûlent. Son poignet droit le gêne. Ses testicules le picotent. Son gland rougi se flétrit entre ses cuisses. Il n’en a cure. Il lui faut davantage de nichons refaits, de croupes tendues, de vulves offertes.
Un doigt sur les lèvres en signe de silence, une blonde plantureuse ouvre les cuisses. Sans l’ornement de la toison, son sexe rappelle à la fois un pubis de jeune adolescente et un croupion de poulet.
Très peu pour lui.
Il clique sur le pop-up qui surgit derrière son épaule. Une métisse lui sourit en gros plan. Les doigts luisants de mouille, elle s’enfonce un godemiché dans le vagin. L’instrument, fiché à mi-longueur, sort en oblique de sa chatte aux poils courts et frisés. Virgules sombres sur son entrejambe, que Gabriel agacerait bien de la langue, avant de remonter au creux du nombril et aux tétons, pépites de chocolat sur les seins caramel.
Sa verge reprend de la vigueur. Se durcit encore tandis qu’une belle rousse succède à la métisse. Renversée sur le dos, elle écarte pour lui ses jambes résillées de vermeil.
L’intérieur de sa chatte, couleur coquillage, tranche sur celle des ongles laqués de rouge. Le clitoris aussi gros qu’une une fève titille sa gourmandise. Mais c’est son anus qui éveille son appétit : marron clair, dilaté, il est serti d’un plug d’une taille à couper le souffle.
En pensée, Gabriel y introduit un doigt, puis deux, les retire avec lenteur, renifle et savoure l’odeur de son intimité volée.
Un plaisir qu’Alice ne lui autoriserait jamais.
À droite de l’écran, une fenêtre clignotante attire son attention. Gabriel s’arrache à la contemplation du petit trou de la rousse pour reluquer une jeune Asiatique. Accroupie sur une bite dressée, elle courbe l’échine dans un gracieux mouvement de tête. Le rideau de sa chevelure de jais masque sa poitrine menue, tout en dévoilant l’oblique de son regard : des yeux en amandes parfaites, énigmatiques, insondables. Son visage lunaire, plus fermé qu’un poing, ne révèle rien de son plaisir.
Gabriel sourit. Cet abandon mâtiné d’indifférence le touche. Non, il l’excite. Même empalée jusqu’à la garde, cette femme frêle a la fierté d’une Amazone. Prisonnier de ses cuisses, son partenaire n’est plus le mâle triomphant, fier de sa virilité, mais un jouet dont elle use à sa guise.
- Remplis-moi plus loin, plus fort, plus profond, mais ne t’avise pas de jouir sans me le demander. Sinon, je te jette.
Tout à coup, l’Asiatique disparaît dans un évanouissement de pixels, laissant Gabriel déconfit. Une beurette prise par un mec en rut, un ravissement feint collé sur le visage, la remplace. Frustré, il ferme la fenêtre. La brune potelée qui attendait son tour entre alors en scène. À genoux devant un camionneur, elle le branle en lui léchant les testicules. Au moment où il va éjaculer sur son visage, elle le prend en bouche. Le sperme déborde de ses lèvres entrouvertes, dégouline sur son menton. En extase, elle le suce de plus belle en se tortillant.
Un Black entre dans le champ de la caméra, juste derrière elle. Grand, bâti en athlète, il pousse son énorme sexe en direction de son cul. Elle a un mouvement de recul, qu’il brise d’une claque avant de repartir à l’assaut. Elle se dérobe dans une plainte. Contrarié, il l’attrape par les poignets, les ramène de force dans son dos, les maintient d’une main de fer. Le camionneur, excité de la voir à leur merci, l’empoigne par les cheveux. Il lui enfonce sa bite encore molle au fond de la gorge.
Le Black la pénètre d’un grand coup de rein. Mus par le même élan, ses doigts prennent brutalement possession de son vagin. La fille lâche un long râle de douleur et de plaisir. Gabriel, lui, peine à se retenir. Mais dans la scène qui se déroule sous ses yeux, il n’est ni le Black ni le camionneur. Il est la femme soumise et baisée par tous les orifices. Ouvert à l’arrière, défloré par un chibre bien plus gros que le sien ; ouvert à l’avant, forcé de pomper un dard qui bute contre ses amygdales, le contraignant à ouvrir plus grand les mâchoires, à réfréner son envie de vomir. Alors qu’il se caresse, le trio fornique sans retenue.
Il jouit en même temps que la femme.
Photos : André Kertesz, Jeanloup Sieff, David Sims.
Ah mince, et moi qui voulais proposer un texte excitant ! (rires)
Disons que c'est une certaine réalité... mais je lui préfère l'autre, sans pixels, à même la peau (nue), en odorama et sensorama.
Tu es devenue une stakhanoviste de l'écriture!
Tant que c'est pas Pavlov...
:D
Ah Gabriel, le bien nommé, spécialiste des grandes annonces, c'est Alice qui va être surprise !
Oui ! Après angel's face, devil's face. Porter le nom d'un ange m'a toujours paru suspect, de toute façon.
Ah, ce que j'ai ri...Voilà bien un condensé de tout ce qu'on peut voir sur le net...et qui laisse finalement un goût de stupre (là oui !) sans aucun rapport finalement avec ce qu'on vit dans la réalité car les odeurs, les émois, les frémissements sont absents.