Le blog de Chut !

- Mozzarella sticks, dit le garçon dans une courbette en déposant le plat devant Ethan.
Du fromage italien en terre thaïlandaise, j'étais preneuse. Aussi couvais-je, façon Gainsbourg revisitant Baudelaire, la nourriture d'un regard gourmand.

Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents...


- Help yourself ! (Sers-toi !), m'enjoignit Ethan.
J'aime les hommes qui partagent sans qu'il soit besoin de réclamer. Pas du genre à demander deux fois ce qui m'a déjà été accordé, je m'emparai aussitôt d'un petit bâton. Le tint suspendu en l'air, tout près de ma bouche, estimant sa forme, sa taille, sa résistance.
Puis, gloussant de joie, le portai à mes lèvres et l'entamai à coups de canines.
- J'ai faim, dis-je.
- J'ai déjà mal, répondit Ethan.

À te voir marcher en cadence
Belle d'abandon
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton...


Mon sarwell glissa lentement sur mes hanches, mes genoux, mes chevilles. Ethan avait les mains jointes en une prière. Une dont il n'était pas prêt de se délier, ficelé comme il l'était au canapé.
S'il l'avait vraiment voulu, les cordes de marine si difficiles à serrer se seraient disjointes pour lui rendre sa liberté. Mais comme il n'est plus douce captivité que celle de prisonnier volontaire, Ethan s'en remettait, corps vaincu sans pudeur ni mot de passe, au serpent rampant entre ses cuisses et souffletant ses joues, agaçant la veine à son cou et pinçant ses tétons, versant sur sa peau des cubes de glace et la ranimant au feu de ses morsures.
- Considère-moi comme une page blanche où tout est à écrire.
Demain le blanc sera mêlé de bleus.
J'empoignis Ethan, le traînai sur le carrelage et l'abandonnai.
Dans sa cuisine je trouvai de quoi lui imprimer ma couleur.

Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau...


Tanguant assise sur sa bouche, je lui murmurai des mots qu'il ne comprenait pas. Des mots salaces, syncopés et foutrement exotiques :
- Mon gentil soumis, ma petite lopette, ma descente de lit...
Et je riais, seule, de ceux qu'il m'avait dits avant d'enfourcher sa moto et de foncer droit dans la nuit, penché sur le guidon alors que, les bras autour de sa taille, je croquais ses épaules :
- I am a fucking pervert.
- I'm a fucking pervert too, hurlai-je dans le vent qui emportait mes paroles.

Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain...

Ethan me réveilla d'un baiser. Café, croissants, tout était là, y compris les fleurs que j'écrasai en me retournant sur le sommier.
- When you do something, do it properly.
Pelotonnée comme un chat sur la terrasse dans une tache de soleil, je n'avais pas envie de partir. Mais le bateau, lui, ne m'attendrait pas.
Ethan m'accompagna jusqu'au quai.
Notre baiser n'eut pas le goût d'un adieu mais celui d'un au revoir.
Mar 2 jun 2009 1 commentaire
Super les articles et les textes... moi je commence à assouvir une partie de mes fantasmes.
C'est plutôt sympa, surtout ceux en public.
Belmonture - le 02/07/2009 à 14h13
Merci, pseudo évocateur ! :)
Je te souhaite de poursuivre sur la route de tes fantasmes... L'assouvissement d'une partie de soi, c'est finalement s'autoriser à être davantage soi-même.
Amitiés.
Chut !