Le blog de Chut !

- Plonger, c'est se confronter à ses peurs, m'avait assuré Adam alors que nous marinions dans la mer chaude des îles Gili.
J'avais acquiescé par hasard ou par logique. Être immergé à des pieds sous la surface, lesté par une ceinture de plomb et relié à la vie par un tuyau, dents serrées sur un embout avec des bulles en guise de mots, oui, cela devait ressembler à un face-à-face avec soi-même.
Un du genre sans échappatoire.

Les pieds arrimés à un rocher, les oreilles bercées de clapotis, j'imaginais sans peine l'alliance du fond et de l'angoisse, l'exacerbation des peurs les plus enfouies, le ressac des vagues et de l'esprit se brisant toujours sur les mêmes rochers.

Face à cet Autrichien si séduisant, je pensais que la solitude absolue devait ressembler à ça : un corps en apesanteur prisonnier du vase clos de ses obsessions.
Dans l'espace, personne ne vous entendra crier. En plongée non plus, surtout quand vous criez dans votre tête.

Pourtant, et peut-être même encore plus à cause de cela, je voulais plonger. Réveiller mes peurs, les affronter et les dominer en une gageure toute personnelle. Mais ce n'est pas que le goût du défi qui m'a poussée, loin s'en faut.

En moi sommeille depuis l'enfance une créature marine. Trop longtemps engluée sur la terre ferme de la ville, j'éprouve la nostalgie de la mer, du vent salé, des paysages râpés du sud.
Je rêve d'horizon et de houle, d'embruns et de courants.
Je me languis de prendre le large d'un coup de nageoire. Insaisissable, fuyant entre les doigts qui tentent de me clouer à un sol auquel je n'appartiens pas.
Vite, retourner à mes terres souterraines de corail et à mes racines d'algues.
On ne se fait pas impunément tatouer un trident sur la cheville par un guerrier iban.
Quant à mon signe astrologique, il est sans surprise : Poissons. 

Au coucher du soleil, je voyais avec envie les plongeurs débarquer des bateaux. Jetais des regards laconiques à mon tuba en songeant qu'avec lui, je n'irais ni bien loin ni bien profond.
De retour en Thaïlande au coeur d'un Bangkok surchauffé, une conclusion s'imposa : il m'était impossible de végéter plus longtemps en surface.
Mon tour était venu de me jeter à l'eau. De donner chair à la métaphore du saut de l'ange. De m'immerger dans le creuset de mes envies et de mes peurs.
Envies et peurs... Les deux faces complémentaires de la même médaille.

J'achetai un billet pour Koh Tao.
Cette gommette dans l'océan serait le lieu de mon premier baptême. L'endroit parfait pour me couler au plus près de moi sans sombrer. Le paradis qui me retremperait de soleil, d'eau, de sel, et me relâcherait de ses flots vivante comme jamais.

A suivre.

Lun 25 mai 2009 Aucun commentaire