Le blog de Chut !
Cette nouvelle est née d'un projet d'écriture à deux.
L'idée était de relater quelques nuits entre un homme et une femme qui s'étreindraient et s'aimeraient de plus en plus fort, de plus en plus loin, emportés dans un tourbillon qui leur échappe.
Ce projet ne verra jamais le jour, car il manque désormais l'autre plume pour écrire la suite.
Voici néanmoins le premier texte de ce non-recueil.
C’est leur premier rendez-vous. Enfin, pas exactement le premier, mais les autres, pris dans des lieux publics, ne comptent pas.
Ce soir, il vient chez elle. Ce soir, il vient en elle. Du moins, elle l’espère, car au café, il lui a annoncé :
- Je ne suis pas sûr de… enfin, tu comprends…
- Pas très bien, a-t-elle rétorqué du tac au tac.
En vérité, elle comprenait parfaitement. Lorsqu’on invite chez soi un homme qui n’est pas sûr de, il n’y a qu’une interprétation possible. Et pas très agréable à entendre, mais qu’importe : son air gêné la dédommageait d’avance de ses explications peu flatteuses. Les écouter bafouillées de sa belle bouche, voir ses longs doigts égrener sur la tasse le tempo saccadé de l’embarras, ses fesses si attirantes se tortiller sur la chaise, voilà ce qu’elle souhaitait.
Son amour-propre en prendrait un coup, certes. Tant pis ou plutôt tant mieux. La chasteté du second terme l’aiderait à rayer le premier de ses pensées.
Bouche, doigts, fesses… Ils ne seraient peut-être pas à elle ce soir. Qu’à cela ne tienne. Tant qu’ils sont à elle maintenant, au milieu de la foule de l’après-midi et du ballet pressé des serveurs, elle s’en accommode, et de bon cœur.
- Donc, tu n’es pas sûr de ? le relança-t-elle pour briser le silence.
- De… faire l’amour avec toi…
Il lâcha ces derniers mots comme la dernière des obscénités. La mine contrite, les joues empourprées, le regard rivé au sol.
Elle se retint de rire.
« Tu veux être obscène, vraiment ? Dis-moi que tu bandes, que tu rêves de me lécher la chatte, de me renverser en levrette pour me bourrer, me pilonner, me faire couiner comme une chienne avec ta bite… Mais ne me dis pas que tu hésites à "faire l’amour" avec moi… »
Renversée sur sa chaise, elle se contenta de sourire et d’allumer une cigarette. Puis d’effleurer son oreille de la langue (oh, le frisson qui le parcourut à cet instant-là) avant de se reculer pour souffler entre deux bouffées :
- Je ne vois pas où est le problème.
Elle ne mentait pas. Elle aimait trop sa compagnie pour ne la désirer qu’à l’horizontale. Mais lui, sceptique, entreprit de se justifier avec l’énergie des coupables :
- Surtout, ne crois pas que tu ne me plais pas !
Elle l’écoutait en opérant in petto le décompte de ses négations. Deux au compteur. Moins par moins égalant plus, le mathématicien qu’il était venait de se trahir.
Oui, elle lui plaisait.
Oui, il avait envie d’elle.
Oui, il la baiserait ce soir… à moins que le « mais non » ne s’en mêle.
Cette marge même d’indécision, loin de la décourager, l’excitait. Dans l’acceptation, tout aussi probable que le refus, se coulait son désir. Tour à tour mouille suintant de son vagin ou sève jaillie de son ventre en une confirmation :
Oui, tu me plais.
Oui, j’ai envie de toi.
Oui, baise-moi sans attendre, comme au premier matin du monde, comme au dernier soir d’avant le cataclysme.
Baise-moi comme si tu partais à la guerre demain, comme tu allais t’évanouir, disparaître ou mourir, comme si nous ne devions jamais nous revoir.
Baise-moi avec l’empressement, avec l’urgence de tous les désespérés de la Terre, de tous les amoureux séparés de leur fiancée, de tous les soldats payant leur dernière pute.
Baise-moi tout court. Haut et court, même, comme je brûle d’être pendue ou perdue, tant le désir se joue parfois d’une lettre.
Un signe à la serveuse. Celle-ci, docile, vient ramasser les billets et ils se lèvent, engourdis d’être restés si longtemps assis. Ils sortent du café. Titubent dans la lumière trop crue de l’après-midi qu’ils n’ont pas vu passer.
Le feu rouge du boulevard signe leur séparation. Sur sa bouche, le goût de ses lèvres piquantes de barbe efface celui, amer, du café.
- À tout à l’heure, alors ?
- À tout à l’heure, alors.
En son absence, elle prépare l’appartement. Le seul endroit, peut-être, dans lequel elle le recevra. Alors, s’il doit se sentir bien quelque part, c’est ici.
Astiquer, polir, limer… Jamais les mots du ménage n’ont autant ressemblé à ceux de l’amour.
Cheveux défaits, elle astique, elle polit, elle lime. Gomme les angles aigus du désordre, range, aspire dans les coins, balaye les piles de feuilles qui s’entassent sur le bureau, les moutons de poussière qui bêlent sous les meubles. Recule au fond du couloir pour estimer l’étendue de ses efforts : les lieux du crime auquel elle espère le pousser sont-il assez nets, assez accueillants ?
Ce soir, son appartement devient le sien. Elle voudrait qu’il l’apprécie à défaut de l’aimer. Qu’il en aime les imperfections à défaut de les admirer. Qu’il s’en accommode à défaut de les repousser.
Son « chez-elle » résume si parfaitement son « elle » que l’enjeu la laisse souffle coupé.
Lui, bien sûr, ne se doute de rien. Seule elle sait le tout et en tremble : l’accueillir dans son antre, c’est déjà le laisser la pénétrer. Lui ouvrir sa porte, déjà lui ouvrir ses cuisses, tant les territoires de l’intime ne sont pas forcément ceux auxquels on pense.
Ce soir, la limite des siens dépasse à peine celle des étagères pliant sous le poids des livres.
Soudain, elle a un coup au cœur. On a sonné à l’interphone.
Ses doigts malhabiles, croisés en nique au mais-non qui précède de si peu le mais-oui, débarricadent les verrous de ses serrures blindées.
Des pas résonnent dans l’escalier.
Plus tard…
Ils sont assis face à face sur le tapis. Il parle à renfort de grands gestes. Elle sourit en posant son pied nu sur sa cuisse. Il s’interrompt à peine. Elle insiste. Il poursuit. Ses orteils glissent sur le jeans rêche, remontent jusqu’à la braguette.
Il se tait. Elle appuie sur le tissu pour sentir la forme de son sexe. Il pose sa main sur son talon.
Ses doigts disent non mais ses yeux disent oui.
Elle retire son pied en se jurant :
« Tu me le paieras, ce refus-là. »
Elle est debout et lui sur le tapis, de dos. Elle se penche, effleure son cou d’un baiser, mordille son oreille (oh, le frisson qui le parcourt de nouveau à cet instant-là) et se coule contre lui, jambes écartées par dessus les siennes, poitrine contre son torse.
Il l’enlace. Ils s’embrassent à petits baisers timides qui s’enhardissent. Elle plonge sa langue entre ses dents. Gémit de sentir la sienne répondre à son contact, s’y enrouler. Du creux de son ventre le désir monte, grandit, lui serre la poitrine, lui coupe la respiration. Tanguant entre ses bras, elle halète comme s’il allait et venait en elle.
Elle le saisit par les cheveux :
- Ferme la bouche.
Un regard surpris. Il s’exécute.
Lui maintenant la tête immobile, elle s’approche et lape les lèvres closes. Des traînées de salive en diluent la couleur pâle, s’accrochent à sa barbe, débordent sur ses joues.
Une plainte. Timide invitation à stopper ou à poursuivre ? Elle choisit de l’ignorer. Ses lèvres hérissées de petites bulles d’air sont à présent luisantes.
Un appel à les lécher encore et encore.
Un filet de salive roule lentement sur son menton. Ce n’est que de l’eau sortie de sa bouche, mais elle imagine que c’est la mouille qu’il vient boire à son sexe. Et elle écarte les jambes pour se lover davantage contre lui.
Une plainte, à nouveau, arrachée de sa gorge à elle. Incapable de résister davantage, elle faufile ses mains sous son tee-shirt, l’arrache pour dévoiler son torse. Imberbe, il apparaît, serti des aréoles plus foncés de ses tétons. Elle pourrait les malaxer sous ses paumes, les couvrir de baisers, les sentir gonfler et durcir sous ses doigts en jumeaux de sa verge.
Elle pourrait mais elle a trop envie de lui, là, tout de suite. La route sinueuse des préliminaires est trop longue à emprunter. Chauffée à blanc, elle lui réclame le raccourci pour s’éteindre dans un crépitement d’étincelles, la ligne droite de son sexe fichée dans le sien. Transpercée.
À gestes brusques, elle descend sa braguette, fait sauter le bouton de son pantalon, le tire sur ses genoux. S’il bascule à peine son bassin pour l’aider, il ne lui oppose pas non plus de résistance.
Sa passivité lui permet de supposer tous les désirs : celui qu’elle ne le force un peu, comme celui de la décourager.
Tous les désirs, oui, mais pas leur absence.
L’indifférence n’a pas l’intensité de ses prunelles.
Le jeans atterrit en tas froissé sur le coin de la table basse. Ne lui reste pour se dissimuler que le mince rempart de son caleçon. C’est déjà trop. Mais, tandis qu’elle en écarte l’élastique, il immobilise son bras.
- Non. Pas maintenant.
La rage au cœur, elle obéit. Son corps est pour l’instant un terrain de jeux assez vaste. Ce qui ne l’empêche pas de se promettre :
« Ce refus aussi, tu me le paieras. »
S’écartant d’un pas, elle se met à quatre pattes sur le tapis, bustier dégrafé sur les seins, jupe remontée sur la croupe.
Il plonge ses yeux dans le décolleté, saute de la courbe de sa poitrine à celle, étranglée, de sa taille, suit de haut en bas le triangle de dentelle qui épouse la forme de sa toison et disparaît en haut de ses cuisses.
Ils échangent un regard. Un seul. Dans le sien, elle lit comme dans un miroir la même faim, la même soif.
Ondulant des épaules et du bassin, elle rampe à lui. Se frotte à son flanc, implorante.
« Fais-moi, je t’en supplie, ce que tes yeux me disent. Délie tes mains et ta pudeur, viole la mienne de ton indécence. Façonne-moi, courbe-moi, ploie-moi, pétris-moi… À tout je t’autorise parce qu’à toi je suis livrée, rendue. Butine-moi, cueille-moi, croque-moi, mords-moi, lacère-moi… Je t’en supplie, fais-moi ce que tes yeux me disent.. »
Elle miaule sa frustration de femme-chatte lubrique mais en vain offerte, car il ne la touche pas.
« Tu me le paieras ! »
La colère lui crispe les mâchoires. Elle se retient de le pousser afin qu’il bascule à la renverse et tombe allongé, dos collé au sol, crâne cognant contre le plancher. Assommé pour qu’elle se rue enfin sur lui et se venge, profitant de sa faiblesse pour lui tirer les cheveux à pleines poignées. Pour le gifler peut-être, le chevaucher sûrement, écrasé sous son poids, coudes coincés sous ses genoux. Pour le paralyser, le réduire à sa merci et de force s’asseoir sur son visage trop beau, ses lèvres trop dédaigneuses. Prisonnier de l’étau de ses cuisses, la dentelle de son string écrasée contre le nez, la bouche comprimée par sa vulve, contraint à la sentir, à la renifler, à la suçoter, à la goûter sous peine d’étouffer.
Une fois encore, c’est elle qui s’incline. Vers le caleçon qui moule la forme de sa verge érigée. Elle y frotte ses pommettes, y presse ses joues, la mordille à travers le tissu. Ses narines s’emplissent de l’odeur musquée de son sperme, sa langue en recueille la saveur salée.
« Tu aimes, n’est-ce pas ? Tu peux me dire que non, ta bite, comme tes yeux, sont incapables de mentir. »
Et elle continue à le provoquer, agrandissant l’auréole de son désir.
Il ne la touche toujours pas.
« Tu me le paieras, tu me le paieras ! »
Elle abaisse son caleçon d’un mouvement brusque. Son prépuce coulissé sur le gland découvert en jaillit. Alors qu’il resserre les jambes pour s'esquiver encore, elle se place en leur milieu, happe son sexe avant qu’il n’ait le temps de protester. Le fait glisser entre ses lèvres, le long de sa langue, jusqu’au fond de sa gorge.
Tout entier enclos dans sa bouche.
Elle le garde longtemps avant de remonter, moins vite, une main frôlant ses fesses, l’autre son bas-ventre, s’insinuant entre ses poils. Serpentines du désir alors qu’elle se penche à nouveau pour l’engloutir.
Il caresse ses cheveux dénoués en une confirmation.
Elle ne s’est pas trompée, c’est ce qu’il veut. Là, maintenant, être pressé par ses lèvres, accueilli, capturé, abandonné à leur chaleur et à leur humidité, dérivant sur les crêtes abruptes du plaisir, laissant échapper une liqueur qu’elle aspire avec délices.
« Oui, guide-moi à ton rythme… À ma tête imprime ta cadence pour sourdre entre mes dents… »
Agenouillée, cul en l’air, elle enfouit son visage dans la marée de ses poils sombres, lui lèche les couilles, les avale en caressant sa verge. Puis, les délaissant, lèche à nouveau sa verge, rêvant de ses ongles lui meurtrissant les mollets.
Jambes ouvertes, elle le suce en gémissant. Ses gémissements à lui la grisent. Mais non, elle ne veut pas l’entendre que gémir. Elle veut l’entendre s’abandonner, abattre ses résistances, la supplier. Alors elle continue son va-et-vient tour à tour paresseux et impérieux, appuyé et léger, accordant le tempo de sa bouche à celui de son désir tour à tour contenu et exigeant, maîtrisé et incontrôlé.
- Maintenant !
Le mot a claqué comme un ordre.
Elle s’arrête aussitôt et roule sur le côté, écartant le ruban de son string pour lui offrir sa vulve. Il vient sur elle et la prend sans attendre, sauvagement, dans un cri.
Elle crie aussi. Saturée de lui, le ventre déchiré du plaisir de le sentir totalement en elle.
Leurs souffles s’étreignent.
Il avance les mains pour les mêler aux siennes. Mais elle les lui dérobe pour agripper ses épaules et basculer leur peau à sa bouche.
Cette peau tant attendue qu’elle serre doucement entre ses dents.
Il n’a rien senti encore.
Les mouvements de son bassin lui réclament d’entrer encore plus loin en elle, de la fendre comme un fruit trop mûr, de la baiser encore plus fort jusqu’à la laisser échevelée, hurlante.
Alors qu’il lui obéit, accélérant ses coups de boutoir, elle raffermit son étreinte.
Alors qu’il son corps s’arc-boute dans un spasme, elle le mord à belles dents.
Et alors qu’il vient, ses incisives transpercent la fragile barrière de sa peau.
Là, seulement, elle s’autorise à jouir, collée à lui, mêlant sa salive au sang qui perle de la morsure.
La trace qu’il gardera à l’épaule des jours durant, c’est la marque même de ses refus.
Avec toute mon admiration à Auguste R. et Egon S., dont j'aime tant les toiles.
L'idée était de relater quelques nuits entre un homme et une femme qui s'étreindraient et s'aimeraient de plus en plus fort, de plus en plus loin, emportés dans un tourbillon qui leur échappe.
Ce projet ne verra jamais le jour, car il manque désormais l'autre plume pour écrire la suite.
Voici néanmoins le premier texte de ce non-recueil.
C’est leur premier rendez-vous. Enfin, pas exactement le premier, mais les autres, pris dans des lieux publics, ne comptent pas.
Ce soir, il vient chez elle. Ce soir, il vient en elle. Du moins, elle l’espère, car au café, il lui a annoncé :
- Je ne suis pas sûr de… enfin, tu comprends…
- Pas très bien, a-t-elle rétorqué du tac au tac.
En vérité, elle comprenait parfaitement. Lorsqu’on invite chez soi un homme qui n’est pas sûr de, il n’y a qu’une interprétation possible. Et pas très agréable à entendre, mais qu’importe : son air gêné la dédommageait d’avance de ses explications peu flatteuses. Les écouter bafouillées de sa belle bouche, voir ses longs doigts égrener sur la tasse le tempo saccadé de l’embarras, ses fesses si attirantes se tortiller sur la chaise, voilà ce qu’elle souhaitait.
Son amour-propre en prendrait un coup, certes. Tant pis ou plutôt tant mieux. La chasteté du second terme l’aiderait à rayer le premier de ses pensées.
Bouche, doigts, fesses… Ils ne seraient peut-être pas à elle ce soir. Qu’à cela ne tienne. Tant qu’ils sont à elle maintenant, au milieu de la foule de l’après-midi et du ballet pressé des serveurs, elle s’en accommode, et de bon cœur.
- Donc, tu n’es pas sûr de ? le relança-t-elle pour briser le silence.
- De… faire l’amour avec toi…
Il lâcha ces derniers mots comme la dernière des obscénités. La mine contrite, les joues empourprées, le regard rivé au sol.
Elle se retint de rire.
« Tu veux être obscène, vraiment ? Dis-moi que tu bandes, que tu rêves de me lécher la chatte, de me renverser en levrette pour me bourrer, me pilonner, me faire couiner comme une chienne avec ta bite… Mais ne me dis pas que tu hésites à "faire l’amour" avec moi… »
Renversée sur sa chaise, elle se contenta de sourire et d’allumer une cigarette. Puis d’effleurer son oreille de la langue (oh, le frisson qui le parcourut à cet instant-là) avant de se reculer pour souffler entre deux bouffées :
- Je ne vois pas où est le problème.
Elle ne mentait pas. Elle aimait trop sa compagnie pour ne la désirer qu’à l’horizontale. Mais lui, sceptique, entreprit de se justifier avec l’énergie des coupables :
- Surtout, ne crois pas que tu ne me plais pas !
Elle l’écoutait en opérant in petto le décompte de ses négations. Deux au compteur. Moins par moins égalant plus, le mathématicien qu’il était venait de se trahir.
Oui, elle lui plaisait.
Oui, il avait envie d’elle.
Oui, il la baiserait ce soir… à moins que le « mais non » ne s’en mêle.
Cette marge même d’indécision, loin de la décourager, l’excitait. Dans l’acceptation, tout aussi probable que le refus, se coulait son désir. Tour à tour mouille suintant de son vagin ou sève jaillie de son ventre en une confirmation :
Oui, tu me plais.
Oui, j’ai envie de toi.
Oui, baise-moi sans attendre, comme au premier matin du monde, comme au dernier soir d’avant le cataclysme.
Baise-moi comme si tu partais à la guerre demain, comme tu allais t’évanouir, disparaître ou mourir, comme si nous ne devions jamais nous revoir.
Baise-moi avec l’empressement, avec l’urgence de tous les désespérés de la Terre, de tous les amoureux séparés de leur fiancée, de tous les soldats payant leur dernière pute.
Baise-moi tout court. Haut et court, même, comme je brûle d’être pendue ou perdue, tant le désir se joue parfois d’une lettre.
Un signe à la serveuse. Celle-ci, docile, vient ramasser les billets et ils se lèvent, engourdis d’être restés si longtemps assis. Ils sortent du café. Titubent dans la lumière trop crue de l’après-midi qu’ils n’ont pas vu passer.
Le feu rouge du boulevard signe leur séparation. Sur sa bouche, le goût de ses lèvres piquantes de barbe efface celui, amer, du café.
- À tout à l’heure, alors ?
- À tout à l’heure, alors.
En son absence, elle prépare l’appartement. Le seul endroit, peut-être, dans lequel elle le recevra. Alors, s’il doit se sentir bien quelque part, c’est ici.
Astiquer, polir, limer… Jamais les mots du ménage n’ont autant ressemblé à ceux de l’amour.
Cheveux défaits, elle astique, elle polit, elle lime. Gomme les angles aigus du désordre, range, aspire dans les coins, balaye les piles de feuilles qui s’entassent sur le bureau, les moutons de poussière qui bêlent sous les meubles. Recule au fond du couloir pour estimer l’étendue de ses efforts : les lieux du crime auquel elle espère le pousser sont-il assez nets, assez accueillants ?
Ce soir, son appartement devient le sien. Elle voudrait qu’il l’apprécie à défaut de l’aimer. Qu’il en aime les imperfections à défaut de les admirer. Qu’il s’en accommode à défaut de les repousser.
Son « chez-elle » résume si parfaitement son « elle » que l’enjeu la laisse souffle coupé.
Lui, bien sûr, ne se doute de rien. Seule elle sait le tout et en tremble : l’accueillir dans son antre, c’est déjà le laisser la pénétrer. Lui ouvrir sa porte, déjà lui ouvrir ses cuisses, tant les territoires de l’intime ne sont pas forcément ceux auxquels on pense.
Ce soir, la limite des siens dépasse à peine celle des étagères pliant sous le poids des livres.
Soudain, elle a un coup au cœur. On a sonné à l’interphone.
Ses doigts malhabiles, croisés en nique au mais-non qui précède de si peu le mais-oui, débarricadent les verrous de ses serrures blindées.
Des pas résonnent dans l’escalier.
Plus tard…
Ils sont assis face à face sur le tapis. Il parle à renfort de grands gestes. Elle sourit en posant son pied nu sur sa cuisse. Il s’interrompt à peine. Elle insiste. Il poursuit. Ses orteils glissent sur le jeans rêche, remontent jusqu’à la braguette.
Il se tait. Elle appuie sur le tissu pour sentir la forme de son sexe. Il pose sa main sur son talon.
Ses doigts disent non mais ses yeux disent oui.
Elle retire son pied en se jurant :
« Tu me le paieras, ce refus-là. »
Elle est debout et lui sur le tapis, de dos. Elle se penche, effleure son cou d’un baiser, mordille son oreille (oh, le frisson qui le parcourt de nouveau à cet instant-là) et se coule contre lui, jambes écartées par dessus les siennes, poitrine contre son torse.
Il l’enlace. Ils s’embrassent à petits baisers timides qui s’enhardissent. Elle plonge sa langue entre ses dents. Gémit de sentir la sienne répondre à son contact, s’y enrouler. Du creux de son ventre le désir monte, grandit, lui serre la poitrine, lui coupe la respiration. Tanguant entre ses bras, elle halète comme s’il allait et venait en elle.
Elle le saisit par les cheveux :
- Ferme la bouche.
Un regard surpris. Il s’exécute.
Lui maintenant la tête immobile, elle s’approche et lape les lèvres closes. Des traînées de salive en diluent la couleur pâle, s’accrochent à sa barbe, débordent sur ses joues.
Une plainte. Timide invitation à stopper ou à poursuivre ? Elle choisit de l’ignorer. Ses lèvres hérissées de petites bulles d’air sont à présent luisantes.
Un appel à les lécher encore et encore.
Un filet de salive roule lentement sur son menton. Ce n’est que de l’eau sortie de sa bouche, mais elle imagine que c’est la mouille qu’il vient boire à son sexe. Et elle écarte les jambes pour se lover davantage contre lui.
Une plainte, à nouveau, arrachée de sa gorge à elle. Incapable de résister davantage, elle faufile ses mains sous son tee-shirt, l’arrache pour dévoiler son torse. Imberbe, il apparaît, serti des aréoles plus foncés de ses tétons. Elle pourrait les malaxer sous ses paumes, les couvrir de baisers, les sentir gonfler et durcir sous ses doigts en jumeaux de sa verge.
Elle pourrait mais elle a trop envie de lui, là, tout de suite. La route sinueuse des préliminaires est trop longue à emprunter. Chauffée à blanc, elle lui réclame le raccourci pour s’éteindre dans un crépitement d’étincelles, la ligne droite de son sexe fichée dans le sien. Transpercée.
À gestes brusques, elle descend sa braguette, fait sauter le bouton de son pantalon, le tire sur ses genoux. S’il bascule à peine son bassin pour l’aider, il ne lui oppose pas non plus de résistance.
Sa passivité lui permet de supposer tous les désirs : celui qu’elle ne le force un peu, comme celui de la décourager.
Tous les désirs, oui, mais pas leur absence.
L’indifférence n’a pas l’intensité de ses prunelles.
Le jeans atterrit en tas froissé sur le coin de la table basse. Ne lui reste pour se dissimuler que le mince rempart de son caleçon. C’est déjà trop. Mais, tandis qu’elle en écarte l’élastique, il immobilise son bras.
- Non. Pas maintenant.
La rage au cœur, elle obéit. Son corps est pour l’instant un terrain de jeux assez vaste. Ce qui ne l’empêche pas de se promettre :
« Ce refus aussi, tu me le paieras. »
S’écartant d’un pas, elle se met à quatre pattes sur le tapis, bustier dégrafé sur les seins, jupe remontée sur la croupe.
Il plonge ses yeux dans le décolleté, saute de la courbe de sa poitrine à celle, étranglée, de sa taille, suit de haut en bas le triangle de dentelle qui épouse la forme de sa toison et disparaît en haut de ses cuisses.
Ils échangent un regard. Un seul. Dans le sien, elle lit comme dans un miroir la même faim, la même soif.
Ondulant des épaules et du bassin, elle rampe à lui. Se frotte à son flanc, implorante.
« Fais-moi, je t’en supplie, ce que tes yeux me disent. Délie tes mains et ta pudeur, viole la mienne de ton indécence. Façonne-moi, courbe-moi, ploie-moi, pétris-moi… À tout je t’autorise parce qu’à toi je suis livrée, rendue. Butine-moi, cueille-moi, croque-moi, mords-moi, lacère-moi… Je t’en supplie, fais-moi ce que tes yeux me disent.. »
Elle miaule sa frustration de femme-chatte lubrique mais en vain offerte, car il ne la touche pas.
« Tu me le paieras ! »
La colère lui crispe les mâchoires. Elle se retient de le pousser afin qu’il bascule à la renverse et tombe allongé, dos collé au sol, crâne cognant contre le plancher. Assommé pour qu’elle se rue enfin sur lui et se venge, profitant de sa faiblesse pour lui tirer les cheveux à pleines poignées. Pour le gifler peut-être, le chevaucher sûrement, écrasé sous son poids, coudes coincés sous ses genoux. Pour le paralyser, le réduire à sa merci et de force s’asseoir sur son visage trop beau, ses lèvres trop dédaigneuses. Prisonnier de l’étau de ses cuisses, la dentelle de son string écrasée contre le nez, la bouche comprimée par sa vulve, contraint à la sentir, à la renifler, à la suçoter, à la goûter sous peine d’étouffer.
Une fois encore, c’est elle qui s’incline. Vers le caleçon qui moule la forme de sa verge érigée. Elle y frotte ses pommettes, y presse ses joues, la mordille à travers le tissu. Ses narines s’emplissent de l’odeur musquée de son sperme, sa langue en recueille la saveur salée.
« Tu aimes, n’est-ce pas ? Tu peux me dire que non, ta bite, comme tes yeux, sont incapables de mentir. »
Et elle continue à le provoquer, agrandissant l’auréole de son désir.
Il ne la touche toujours pas.
« Tu me le paieras, tu me le paieras ! »
Elle abaisse son caleçon d’un mouvement brusque. Son prépuce coulissé sur le gland découvert en jaillit. Alors qu’il resserre les jambes pour s'esquiver encore, elle se place en leur milieu, happe son sexe avant qu’il n’ait le temps de protester. Le fait glisser entre ses lèvres, le long de sa langue, jusqu’au fond de sa gorge.
Tout entier enclos dans sa bouche.
Elle le garde longtemps avant de remonter, moins vite, une main frôlant ses fesses, l’autre son bas-ventre, s’insinuant entre ses poils. Serpentines du désir alors qu’elle se penche à nouveau pour l’engloutir.
Il caresse ses cheveux dénoués en une confirmation.
Elle ne s’est pas trompée, c’est ce qu’il veut. Là, maintenant, être pressé par ses lèvres, accueilli, capturé, abandonné à leur chaleur et à leur humidité, dérivant sur les crêtes abruptes du plaisir, laissant échapper une liqueur qu’elle aspire avec délices.
« Oui, guide-moi à ton rythme… À ma tête imprime ta cadence pour sourdre entre mes dents… »
Agenouillée, cul en l’air, elle enfouit son visage dans la marée de ses poils sombres, lui lèche les couilles, les avale en caressant sa verge. Puis, les délaissant, lèche à nouveau sa verge, rêvant de ses ongles lui meurtrissant les mollets.
Jambes ouvertes, elle le suce en gémissant. Ses gémissements à lui la grisent. Mais non, elle ne veut pas l’entendre que gémir. Elle veut l’entendre s’abandonner, abattre ses résistances, la supplier. Alors elle continue son va-et-vient tour à tour paresseux et impérieux, appuyé et léger, accordant le tempo de sa bouche à celui de son désir tour à tour contenu et exigeant, maîtrisé et incontrôlé.
- Maintenant !
Le mot a claqué comme un ordre.
Elle s’arrête aussitôt et roule sur le côté, écartant le ruban de son string pour lui offrir sa vulve. Il vient sur elle et la prend sans attendre, sauvagement, dans un cri.
Elle crie aussi. Saturée de lui, le ventre déchiré du plaisir de le sentir totalement en elle.
Leurs souffles s’étreignent.
Il avance les mains pour les mêler aux siennes. Mais elle les lui dérobe pour agripper ses épaules et basculer leur peau à sa bouche.
Cette peau tant attendue qu’elle serre doucement entre ses dents.
Il n’a rien senti encore.
Les mouvements de son bassin lui réclament d’entrer encore plus loin en elle, de la fendre comme un fruit trop mûr, de la baiser encore plus fort jusqu’à la laisser échevelée, hurlante.
Alors qu’il lui obéit, accélérant ses coups de boutoir, elle raffermit son étreinte.
Alors qu’il son corps s’arc-boute dans un spasme, elle le mord à belles dents.
Et alors qu’il vient, ses incisives transpercent la fragile barrière de sa peau.
Là, seulement, elle s’autorise à jouir, collée à lui, mêlant sa salive au sang qui perle de la morsure.
La trace qu’il gardera à l’épaule des jours durant, c’est la marque même de ses refus.
Avec toute mon admiration à Auguste R. et Egon S., dont j'aime tant les toiles.
Sam 6 sep 2008
5 commentaires
des glaçons pour moi docteur, vite !!! (inutile de publier ce commentaire ;-))
Stannis - le 09/09/2008 à 23h20
Trop tard, gnark gnark !
Euh.. les glaçons, c'est pour soigner les morsures ou pour euh... autre chose ?
Euh.. les glaçons, c'est pour soigner les morsures ou pour euh... autre chose ?
Chut !
je passe... (aucun joker dans ma main ;-)
stannis - le 09/09/2008 à 23h48
Tu passes ton tour ? Un sale quart d'heure ?
Mais qu'est-ce que t'as donc dans la main ? Lâche-ça tout de suite, on t'a jamais dit de ne pas jouer avec la nourriture ???
:-)
Mais qu'est-ce que t'as donc dans la main ? Lâche-ça tout de suite, on t'a jamais dit de ne pas jouer avec la nourriture ???
:-)
Chut !
Objection votre honneur ! le prevenu ne se souvient pas avoir fait de tels aveux... malgré la torture...
Stannis - le 10/09/2008 à 10h07
Objection retenue, même si ma pendule m'indique qu'il est l'heure de se mettre... à table.
J't'ai pas dit que je te faisais des bises au passage ?
J't'ai pas dit que je te faisais des bises au passage ?
Chut !
Ben non... mais je les prends avec plaisir...
stannis - le 10/09/2008 à 21h02
Ci ! Je t'en fais d'autres (on a changé de jour, voià qui est une excellente raison !).
Chut !
Je rougis.
Mais comme dirait l'autre : "Y'a pas de mal à se faire du bien..."
stannis - le 12/09/2008 à 10h29
Tout à fait ! Et comme dirait un autre autre : "C'est toujours ça de pris !"
Sinon, j'attends la version live, hein.
Sinon, j'attends la version live, hein.
Chut !