Le blog de Chut !

Ce matin, je m'acquitte de ma mission "croissants pour le petit-déjeuner". Et j'en profite pour sortir Gai-Luron, le seul quadrupède de l'appartement.
Gai-Luron est le prototype du chien d'une race qui m'a toujours fait beaucoup rire : un basset Hound. Profilé comme une torpille et long comme une saucisse, rase-moquette mais massif comme taurillon, avec des pattes torses et des oreilles si lourdes et pendantes qu'elles lui tirent les yeux vers le bas.

Quand Gai-Luron vous regarde, c'est de toute son apathique intelligence canine. Celle-là même qui le ferait douter de l'existence de la poudre, de l'utilité de l'eau chaude, du fil à couper le beurre. Mais en dépit de son activité neuronale proche du zéro absolu, Gai-Luron a enregistré et reproduit des réflexes tout pavloviens.
Aussi a-t-il levé une oreille dès qu'il m'a vue glisser les pieds dans mes bottes. Et à peine en avais-je zippé la fermeture éclair qu'il s'est mis droit sur ses pattes, tournant entre la table et le canapé comme une toupie mécanique.

Enchaînés l'un à l'autre par une solide corde en guise de laisse, nous nous sommes rués d'un même mouvement vers l'ascenseur.

Dans la rue, nous offrons une image d'un dernier chic : une blonde en mini-robe style Courrèges, de larges lunettes de soleil sur le nez, traînant un chien aussi récalcitrant que crotté s'adonnant à ses passe-temps favoris. D'abord, renifler les détritus jetés dans le caniveau ; ensuite, inonder façon chutes du Niagara tout ce qui ressemble à une roue de voiture ou à un tronc d'arbre.

Dans les descentes, les hobbies de Gai-Luron ne varient guère. Mais notre rapport de forces, si. C'est à présent lui qui me hâle en zigzaguant sur le trottoir, au mépris des petits vieux qui eux, marchent tout droit. Dans ces moments-là, je me sens l'âme d'un pilote de chasse devant à tout prix éviter la collision avec un appareil ennemi.
Gai-Luron, le crash, il s'en fiche : il a repéré un truc comestible abandonné sous la savate d'une mamie. Et écoutant bien plus son estomac que mes ordres néanmoins très clairs ("Arrête, le chien ! Assis, sale bête !"), il se précipite, babines au vent, sur l'octogénaire.
L'instant était grave, très grave. Mais par une chance inouïe, on a de justesse évité la fracture du col du fémur et la volée de coups de canne.

Une vie de chien2En temps normal, notre périple aurait dû être de courte durée.

Mais en un jour férié à midi passé, dans un quartier peu commerçant, il joua les prolongations. En effet, toutes les boulangeries du quartier étaient résolument fermées.
C'est alors qu'un jeune homme fort mignon m'aborda. Il cherchait, disait-il, la même chose que moi (non, non, pas un endroit où abandonner ce basset dont il n'était pas non plus le propriétaire, juste des croissants).
Nous sillonnâmes donc le quartier ensemble. Finîmes par repérer une devanture ouverte.

Ah, une boulangerie, enfin ! Mais attention, pas une à la bonne franquette. Une très chic pour clientèle choisie, étincelante de spots et de propreté, si soignée que même les viennoiseries avaient l'air en plastique et les gâteaux sans miettes.

Aïe. Un problème de taille se posait : que faire de Gai-Luron occupé à repeindre le trottoir avec l'eau sale du caniveau ?
Je n'eus même pas à regarder le jeune homme avec des yeux neurasthéniques de basset.
Spontanément, il me proposa :
- Je vous en prie... Je vous garde le chien pendant que vous faites vos courses. Prenez votre temps.
C
haleureux remerciements de ma part.
Aboulie totale de Gai-Luron, qui changea de mains sans noter la différence.
Les rayons de la boulangerie avaient été dévalisés. Je ne pris que le strict nécessaire pour laisser le reste au jeune homme.
Avoir la politesse, fût-elle intéressée, de garder un chien ne méritait pas
l'impolitesse d'être privé de petit-déjeuner, même par une fille au bord de l'inanition.

En revenant à l'appartement, lestée du chien et d'un sac de délices comestibles, je méditais sur les deux lois suivantes :
- Ventre affamé peut avoir des oreilles (quoique, pour ce qui est de Gai-Luron, j'en nourris quelques doutes).

- La gentillesse des hommes est proportionnellement inverse à la longueur des jupes des femmes (celle-là, c'est de moi. Testée... et approuvée).


Sam 16 aoû 2008 1 commentaire
Drôle de vie de chien que la mienne. Amis canins, sachez que j’ai récemment fait la cruelle expérience de la solitude. Habitué à l’extase de mon maitre sur mes déjections qui normalement lui suscitent des commentaires avisés, j’ai cette fois dû affronter la dureté d’un individu botté (est ce que les humains appellent un « militaire » ??) dont la tendresse à mon égard était également proportionnelle à la longueur de sa jupe. Peu soucieuse de mes besoins naturels (pas un encouragement… rien…) elle s’est même permis le luxe de m’abandonner au premier manant venu, « le temps d’une course ». Délaissé donc oui j’ai été ! Mais je fomente ma vengeance ! Attente patiente de bottes abandonnées près d’un canapé. J’ai deux ou trois crocs à entretenir…
Gai-Luron - le 19/08/2008 à 12h43
Sale bête ! :)
Tu m'as donné du fil à retordre et moi un os à ronger.
Tu sais, plus j'y pense et plus je me dis que ce serait chouette que tu crées ton blog : je suis certaine que ta plume est bien plus déliée que ma laisse. Si, si.
Une caresse à la place du traditionel bisou pour terminer.
Chut !