Le blog de Chut !
Un jour, Giuseppe, un Italien rencontré en Chine, m'a dit :
- Maintenant, je ne désire plus que les Asiatiques. J'aime leurs yeux d'amandes noires et surtout, j'aime passionnément leur peau.
J'en suis restée interdite. Qu'est-ce que la peau des Asiatiques a donc de plus que celle des Européennes, des Africaines ou des Papoues ?
Moins de deux ans plus tard, j'ai compris Giuseppe. Parce que l'homme de mon cœur était à demi asiatique, et que moi aussi, j'aimais passionnément sa peau.
Sa peau, je l'ai aimée dès le premier contact, dès la première caresse. Dès qu'un soir d'hiver, j'ai fait passer son tee-shirt par dessus la barrière de ses épaules et que j'ai posé ma paume - juste ma paume, pas encore ma bouche - sur son flanc.
Sa peau était imberbe, lisse, douce et dense. D'une douceur et d'une densité à affoler les sens, à donner le vertige. Et j'ai fermé les yeux pour mieux la sentir à l'aplomb de mes doigts. Et j'ai gardé les paupières closes pour mieux la goûter de ma langue. Et c'est avec délectation que je suis venue humer, laper, boire les gouttes qui perlaient à ses aisselles.
Sa peau était une île que j'abordais à genoux.
Sa peau était une terre qui m'arrimait au grand large.
Sa peau était aussi une muse pour mes écrits :
Mon nez se niche dans son cou. Son parfum me grise. Je le respire à petites bouffées teintées de l'odeur irremplaçable et si particulière de sa peau.
Dans mes bras, il n’est pas beau mais plus que ça : il est nu. Sa peau pressée contre ma poitrine n’est plus le continent inconnu du premier soir, mais la cote familière que je rêve d’aborder. Pour enserrer son corps dans la corde de l’ancre, le river plus étroitement au mien, nous lier pour dériver dans un lit bateau, ivres des vagues qui déferlent et nous roulent, nous soudent sur le sommier.
Ce soir, c’est le dernier soir, c’est la tempête.
Cette alchimie est un secret qui ne s'explique pas. Elle est ou n'est pas. Et si elle n'est pas, rien ne peut la créer ni y suppléer. Et perdre l'autre, c'est aussi faire le deuil de sa peau.
J'ai fait le mien début juillet, la dernière fois que nous nous sommes vus. Je ne m'y attendais pas du tout, il m'a rappelée tandis qu'il était de passage en France. Nous sommes allés boire un verre, non loin du café où nous nous étions fixés notre premier rendez-vous en tête-à-tête.
Après une heure de discussion heurtée, j'ai murmuré :
- J'ai beaucoup de peine.
- Moi aussi, a-t-il répondu.
Puis, aussitôt après :
- Je ferais mieux de partir.
Il a quitté son siège, un peu raide. A contourné la table et s'est penché sur moi. A posé ses lèvres sur une de mes joues, puis sur l'autre. Mais au lieu de se redresser, il est resté courbé, longtemps, tête baissée, joue appuyée contre la mienne. Tendrement, je crois.
Lorsqu'il s'est relevé, ses longs yeux d'ailleurs étaient embués de larmes.
Puis il est parti, vite, comme on se sauve.
Je suis restée clouée sur ma chaise. Le cœur déchiré à regarder sa longue silhouette tanguer parmi les passants, un diable et un ange sur chaque épaule perchés, hurlant à qui mieux mieux :
- Lève-toi et cours-lui après !
- Ne bouge surtout pas, reste assise !
Je suis restée assise.
Ce contact fut le dernier, doux de sa peau et piquant de sa barbe.
Ce contact sera aussi le dernier après le mail que je lui ai envoyé cette nuit. Non que j'ai le pouvoir de décider seule du devenir d'une histoire (toute reprise était sûrement condamnée depuis notre rupture), mais parce que ce mail signe l'aveu de mon retour à d'autres peaux.
À la peau de ceux qui sont, ou ont été, mes amants au cours de ce mois de juillet brûlant.
À la peau de ceux qui ont caressé, pétri, mordu, mes épaules, mes seins, mes cuisses, mon sexe.
Aux doigts de ceux qui ont effleuré, massé, embrassé les cicatrices de mon bas-ventre.
S'en sont étonnés, émus, inquiétés pour moi, parfois.
Les ont vues comme des coutures à embrasser avec précaution du bout des lèvres, ou comme les anses refermées d'une femme-ruban se déroulant sous leurs paumes.
Ou comme toi, Emmanuel, à la façon d'ornements qui rehaussaient ma beauté.
Par la chair du désir de mes amants la mienne est revenue à la vie.
J'étais morte, ils m'ont ressuscitée.
Lentement mais sûrement, oui, la peau neuve repousse par dessus mes cicatrices.
Empreintes en croix de ma vie tatouée à même ma peau plus dure qu'il n'y paraît.
- Maintenant, je ne désire plus que les Asiatiques. J'aime leurs yeux d'amandes noires et surtout, j'aime passionnément leur peau.
J'en suis restée interdite. Qu'est-ce que la peau des Asiatiques a donc de plus que celle des Européennes, des Africaines ou des Papoues ?
Moins de deux ans plus tard, j'ai compris Giuseppe. Parce que l'homme de mon cœur était à demi asiatique, et que moi aussi, j'aimais passionnément sa peau.
Sa peau, je l'ai aimée dès le premier contact, dès la première caresse. Dès qu'un soir d'hiver, j'ai fait passer son tee-shirt par dessus la barrière de ses épaules et que j'ai posé ma paume - juste ma paume, pas encore ma bouche - sur son flanc.
Sa peau était imberbe, lisse, douce et dense. D'une douceur et d'une densité à affoler les sens, à donner le vertige. Et j'ai fermé les yeux pour mieux la sentir à l'aplomb de mes doigts. Et j'ai gardé les paupières closes pour mieux la goûter de ma langue. Et c'est avec délectation que je suis venue humer, laper, boire les gouttes qui perlaient à ses aisselles.
Sa peau était une île que j'abordais à genoux.
Sa peau était une terre qui m'arrimait au grand large.
Sa peau était aussi une muse pour mes écrits :
Mon nez se niche dans son cou. Son parfum me grise. Je le respire à petites bouffées teintées de l'odeur irremplaçable et si particulière de sa peau.
Dans mes bras, il n’est pas beau mais plus que ça : il est nu. Sa peau pressée contre ma poitrine n’est plus le continent inconnu du premier soir, mais la cote familière que je rêve d’aborder. Pour enserrer son corps dans la corde de l’ancre, le river plus étroitement au mien, nous lier pour dériver dans un lit bateau, ivres des vagues qui déferlent et nous roulent, nous soudent sur le sommier.
Ce soir, c’est le dernier soir, c’est la tempête.
Cette alchimie est un secret qui ne s'explique pas. Elle est ou n'est pas. Et si elle n'est pas, rien ne peut la créer ni y suppléer. Et perdre l'autre, c'est aussi faire le deuil de sa peau.
J'ai fait le mien début juillet, la dernière fois que nous nous sommes vus. Je ne m'y attendais pas du tout, il m'a rappelée tandis qu'il était de passage en France. Nous sommes allés boire un verre, non loin du café où nous nous étions fixés notre premier rendez-vous en tête-à-tête.
Après une heure de discussion heurtée, j'ai murmuré :
- J'ai beaucoup de peine.
- Moi aussi, a-t-il répondu.
Puis, aussitôt après :
- Je ferais mieux de partir.
Il a quitté son siège, un peu raide. A contourné la table et s'est penché sur moi. A posé ses lèvres sur une de mes joues, puis sur l'autre. Mais au lieu de se redresser, il est resté courbé, longtemps, tête baissée, joue appuyée contre la mienne. Tendrement, je crois.
Lorsqu'il s'est relevé, ses longs yeux d'ailleurs étaient embués de larmes.
Puis il est parti, vite, comme on se sauve.
Je suis restée clouée sur ma chaise. Le cœur déchiré à regarder sa longue silhouette tanguer parmi les passants, un diable et un ange sur chaque épaule perchés, hurlant à qui mieux mieux :
- Lève-toi et cours-lui après !
- Ne bouge surtout pas, reste assise !
Je suis restée assise.
Ce contact fut le dernier, doux de sa peau et piquant de sa barbe.
Ce contact sera aussi le dernier après le mail que je lui ai envoyé cette nuit. Non que j'ai le pouvoir de décider seule du devenir d'une histoire (toute reprise était sûrement condamnée depuis notre rupture), mais parce que ce mail signe l'aveu de mon retour à d'autres peaux.
À la peau de ceux qui sont, ou ont été, mes amants au cours de ce mois de juillet brûlant.
À la peau de ceux qui ont caressé, pétri, mordu, mes épaules, mes seins, mes cuisses, mon sexe.
Aux doigts de ceux qui ont effleuré, massé, embrassé les cicatrices de mon bas-ventre.
S'en sont étonnés, émus, inquiétés pour moi, parfois.
Les ont vues comme des coutures à embrasser avec précaution du bout des lèvres, ou comme les anses refermées d'une femme-ruban se déroulant sous leurs paumes.
Ou comme toi, Emmanuel, à la façon d'ornements qui rehaussaient ma beauté.
Par la chair du désir de mes amants la mienne est revenue à la vie.
J'étais morte, ils m'ont ressuscitée.
Lentement mais sûrement, oui, la peau neuve repousse par dessus mes cicatrices.
Empreintes en croix de ma vie tatouée à même ma peau plus dure qu'il n'y paraît.
Jeu 31 jui 2008
7 commentaires
Très belle photo couz :)
Bizzzzzz
Inkan - le 01/08/2008 à 00h04
Quelle photo magnifique!
merci!
Hadrien - le 03/08/2008 à 08h50
Mais de rien ! J'aimerais écrire que "tout le plaisir est pour moi", mais il semble que ce ne serait pas tout à fait juste... :)
Chut !
Chapeau bas tant au modèle qu'au photographe.
Stannis - le 04/08/2008 à 17h16
Merci, Stann... C'est en fait une seule et même personne !
Chut !
Ah ben ma bonne dame, si vous commencez à cumuler les talents ...
Stannis - le 05/08/2008 à 11h32
Tu sais que je suis en pleine reconversion professionnelle ? ;)
Chut !
En Terminator-photographe ? C'est concept, ma foi...
Stannis - le 07/08/2008 à 14h13
Non, du tout... en reporter-fantôme ! (très conceptuel aussi, isn't it ?)
Chut !
C'est vrai que la photo est très belle, mais je me délecte également de ta prose (je me permet de te tutoyer) qui est toujours aussi riche et agréable à lire
Merci pour tout ce blog
cricri
christian - le 07/08/2008 à 14h39
Cricri, bien sûr, on se tutoie. Merci pour ce mot qui me touche, même si j'avoue que ce blog connait aussi ses temps d'arrêt. Une excuse toute trouvée : il faut vivre
beaucoup pour écrire un peu. Ou tout simplement vivre pour écrire, à défaut d'écrire pour vivre... Des bises pour toi, avec toute mon amitié.
Chut !
Une très belle photo pour un très beau texte...
Cruchotte - le 10/08/2008 à 18h32
Merci, Miss C ! :) Et je te dis... à demain ! Biz
Chut !