Le blog de Chut !
Pour nombre de gens qui les envisagent de loin, les rapports SM sont simples : il y a un Dominant qui dicte sa loi au
dominé. Le premier a tous les droits, le second surtout celui de se taire.
C'est à mon avis schématiser un lien complexe, réduire à un filin une corde richement tressée.
En premier lieu se pose, encore et toujours, la question des limites.
Normalement, à tout instant, le soumis (le mien, par exemple...) a le pouvoir de dire
"stop".
Si je passe outre, je ne suis plus une Maîtresse mais un tyran ; la séance plus un espace d'échanges mais un abus de pouvoir.
Je possède certes la clef du cadenas, mais mon soumis celle du jeu.
Bien sûr, ma liberté est grande : j'imprime à la séance mon rythme et - je l'espère - ma patte, impose ou interdit ceci ou cela. Mais ce ceci et ce cela n'existent que si la permission m'a été
donnée.
En quelque sorte, le soumis alloue un "terrain d'exercices".
À l'intérieur, tout est possible ; à la lisière, le champ d'action se réduit ; au-delà, il est suspendu.
En second lieu se pose la question des attentes de chacun.
En tant que Maîtresse, j'humilie verbalement, fesse, gifle, fouette, gode... mais refuse de me laisser
réduire à un catalogue. Je ne suis pas un self-service délivrant telle pratique sur commande ; ni une carte de restaurant dans laquelle on pioche pour
fixer au préalable le déroulé d'une séance.
Ma liberté d'action, ma fantaisie, mes impulsions, j'y tiens. Mieux, j'estime n'avoir ni à en discuter, ni à les justifier.
Pas envie de te gifler aujourd'hui, alors que tu n'attends que ça ? Tant pis.
Je te dis non à toi, alors que j'ai dit volontiers oui à un autre ? Tant pis également.
Lorsque j'ai commencé à fréquenter les soirées, l'attitude consumériste de certains soumis m'a frappée : ils veulent par exemple lécher vos semelles, mais surtout pas tâter de votre fouet. Là est
peut-être leur limite, certes... J'accède souvent à leur souhait avec plaisir, certes...
Néanmoins, je m'interroge : à leurs yeux, ne suis-je qu'une pourvoyeuse d'un service très particulier ? Parfois, le sentiment d'être utilisée pointe le bout de son nez.
À ce sujet, une anecdote presque caricaturale me revient :
j'ai tapé dans l'œil d'un jeune homme se présentant comme "soumis fétichiste".
Je suis assise sur une chaise, il s'agenouille pour m'honorer les chaussures. Une seule en vérité, l'autre étant déjà occupée à
écraser un sexe en érection.
Bref. Ses mains, sa langue caressent le vinyle de mon escarpin surélevé. Mais cela ne lui suffit pas, c'est mon pied tout entier qu'il veut. Il entreprend donc, sans me le demander, d'enlever la bride de ma chaussure pour
m'attraper le talon.
Le geste me déplaît. Je remets fermement la bride en place.
Se le tenant pour dit, il continue à me lécher le pied.
Mon attention se détourne de lui. Puis y revient, car soudain, je ne sens plus rien. Normal, sa place est vide. Je regarde alors mon collant et y découvre avec surprise... une flaque de
sperme.
Il a pris son plaisir, puis est parti. Sans un mot, sans un merci.
Je suis furieuse.
Mon impression ? Au bout du compte, la soumise, c'était moi. Il m'a instrumentalisée pour satisfaire une pulsion. De fait, une quelconque marque de
gratitude (ou de simple politesse...) serait superflue.
Preuve aussi qu'on peut être soumis sans être respectueux.
Sacré paradoxe, non ?
Pin-up de Gil Evgren.