Le blog de Chut !

undefined Les bottes sont pour moi d'obscurs objets de désir.
J'adore glisser mon pied à l'intérieur, comme dans la gangue d'un fruit entr'ouvert et à peine mûr ; sentir leur tige me caresser le mollet ; entendre le chuintement de leur fermeture qui se referme ; regarder mes jambes enveloppées d'une gaine de cuir, de nubuck ou de vinyle. Et me découvrir enfin dans la glace, cuisses tendues et reins creusés, juchée en équilibre sur de hauts talons.
Car pour moi, bottes et talons vont forcément de pair. Carrés, bobine ou aiguille, ils donnent forme et noblesse à la matière. Cambrent la cheville, élancent la silhouette en sublimant ses rondeurs.
Leur martèlement même n'est pas anodin.
Clic, clac.
En temps de guerre, attribut de l'occupant résonnant sous les fenêtres, il semait la terreur.
En temps de paix, inoffensif, il s'égrène comme une musique. Note claire, silence, double croche et soupir. Essence de la féminité.
Si les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre, les bottes en sont les aiguilles pointant le nord.      
                                                           Magnétique(s), forcément.

Un des avantages des bottes (non négligeable pour les coquettes...) est de se marier avec tout. Jupe courte, pantalon large façon cosaque, jeans retroussé sur le genou... Grâce à elles, la tenue la plus banale devient fatale.

Je l'avoue sans difficulté : des bottes je suis aussi collectionneuse que toquée. Pas moins de dix paires s'alignent au garde-à-vous dans ma penderie. Certaines n'en sortent que rarement. D'autres ont parcouru sans répit les rues de ma ville. Celle qui a ma préférence est sortie craquelée de toutes nos randonnées. Compagne de route au cuir patiné, à la semelle polie par le macadam, elle paye sa servitude au prix de son usure. Je ne l'en aime que davantage.

Il y a dix ans, alors que je me tuais en études sérieuses, je me servais des bottes pour briser les codes : le mardi, c'était paléographie. Et le mardi, je grimpais quatre à quatre les escaliers, en retard, courte vêtue et haute bottée.
Derrière la porte de la salle, ça ne rigolait pas, ça traduisait.
J'entrais sans frapper. En rang d'oignon derrière leur pupitre, de jeunes étudiants déjà vieux. Futures momies aussi parcheminées que les manuscrits. Repoussoirs instruits auxquels je ne voulais pas ressembler. Les textes rébarbatifs du Moyen Âge avaient fini par déteindre sur leur esprit. Clos comme des châteaux hérissés de remparts, protégés par les douves de la bienséance.
Je traversais l'allée dans un silence de mort. Sur mon passage, les regards baissés se relevaient. Convergeaient sur le corps du délit. Non le mien en entier, seulement une partie : mes cuissardes.
Je m'asseyais et ouvrais mon classeur pliée de rire.

Aujourd'hui, j'aime à me faire lécher les bottes. Au sens propre, bien sûr.
Mais ceux qui s'adonnent à ce plaisir ignorent la profondeur du mien, parce qu'ils ne savent pas ce que les bottes signifient pour moi.
Finalement, le fétichiste n'est pas toujours celui auquel on pense...
Dim 6 jan 2008 1 commentaire
Arletty aurait dit : "Sans talons un cul n'est qu'une paire de fesses..."
Stannis - le 08/01/2008 à 10h08